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Un archéologue révèle les arômes oubliés de l’Antiquité à Carhaix en 2025

Dans le Finistère, là où les brumes matinales s’accrochent aux vestiges antiques et où l’histoire semble murmurer entre les pierres, le centre d’interprétation archéologique Vorgium s’apprête à offrir une expérience sensorielle inédite. À l’occasion de la Fête de la science 2025, ce lieu emblématique de Carhaix, ancienne cité romaine de Vorgium, ouvre les portes d’un monde oublié : celui des odeurs et des parfums de l’Antiquité. Une plongée olfactive dans le passé, à la croisée de la science, de l’archéologie et de la mémoire sensorielle, où chaque fragrance raconte une civilisation.

Qu’est-ce que l’archéologie des odeurs ?

L’archéologie ne se limite plus aux fouilles, aux poteries brisées ou aux mosaïques restaurées. Elle touche désormais à l’invisible, à l’éphémère : les odeurs. Pourtant omniprésentes dans la vie quotidienne des civilisations anciennes, les senteurs ont longtemps été absentes des études historiques. Comment recréer ce que le temps a effacé ? Comment sentir ce que nos ancêtres respiraient dans les rues de Rome, les thermes grecs ou les temples égyptiens ?

C’est à cette question que répond l’archéologie olfactive, une discipline émergente qui combine analyses chimiques, études de textes anciens, iconographie et reconstitutions expérimentales. À Vorgium, cette approche prend forme lors d’une conférence exceptionnelle animée par Dominique Frère, archéologue et maître de conférences à l’université de Bretagne Sud. Spécialiste des pratiques olfactives dans l’Antiquité, il s’appuie sur des découvertes concrètes : résidus dans des flacons en verre, traces de substances organiques sur des amphores, ou encore descriptions précises dans les écrits de Pline l’Ancien ou Théophraste.

Les odeurs étaient partout , explique-t-il lors d’un entretien préparatoire. Elles marquaient les rituels religieux, les soins corporels, les banquets. Un Romain ne se serait jamais imaginé vivre sans parfum. C’était un signe de civilisation, de distinction, parfois même de pouvoir.

Comment recréer les parfums de l’Antiquité ?

Recréer un parfum antique, ce n’est pas simplement mélanger des huiles essentielles au hasard. C’est un travail de chimiste, d’historien et d’artisan. Les chercheurs analysent les résidus organiques trouvés dans des contenants archéologiques à l’aide de la chromatographie en phase gazeuse ou de la spectrométrie de masse. Ces outils permettent d’identifier les molécules présentes, comme du benjoin, de la myrrhe, de la cannelle ou de l’huile d’olive parfumée.

À partir de ces données, des reconstitutions sont réalisées en laboratoire. Mais l’expérimentation va plus loin : des artisans parfumeurs, formés aux techniques antiques, reproduisent les méthodes de macération, d’infusion ou de distillation utilisées il y a deux mille ans. Par exemple, au Musée de la Parfumerie de Grasse, une équipe collabore régulièrement avec des archéologues pour recréer des essences mentionnées dans des papyrus égyptiens.

On a retrouvé des recettes de parfums dans des textes grecs , confie Éléonore Lavigne, historienne des savoir-faire artisanaux. Certaines datent du IIe siècle après J.-C. Elles décrivent des mélanges complexes : miel, safran, rose, nard, parfois même du civet ou du castoréum. On ne peut pas toujours tout reproduire à l’identique, mais on s’en approche.

À Vorgium, cette démarche scientifique se transforme en expérience immersive. Les visiteurs pourront sentir des reconstitutions olfactives, accompagnées d’explications sur leur usage : purification rituelle, séduction, médecine ou simple plaisir du quotidien.

Pourquoi les odeurs étaient-elles si importantes dans l’Antiquité ?

Les civilisations antiques accordaient une place centrale aux odeurs, bien au-delà de la simple esthétique. Pour elles, le parfum était une frontière entre le profane et le sacré. Dans les temples, l’encens brûlé montait vers les dieux, portant les prières avec lui. À Rome, les magistrats se parfumaient avant de prendre la parole au Sénat, comme pour purifier leur éloquence.

Les parfums étaient aussi des marqueurs sociaux. Un citoyen riche pouvait s’offrir des flacons en verre soufflé remplis de parfums exotiques venus d’Orient, tandis que les plus modestes utilisaient des huiles simples, parfumées au thym ou à la lavande. Le parfum, c’était le luxe à portée de nez , sourit Dominique Frère. Et comme aujourd’hui, il pouvait aussi être un outil de séduction.

Des témoignages anciens le confirment. Ovide, dans ses *Art d’aimer*, conseille aux femmes de se parfumer avec modération, mais avec goût. Un parfum mal dosé pouvait nuire à l’attrait. Et les Romains, particulièrement sensibles aux odeurs, avaient horreur des mauvaises senteurs : les rues mal entretenues, les latrines publiques, tout cela était source de critiques virulentes dans les textes satiriques de Juvénal.

Les odeurs étaient aussi médicales. Hippocrate recommandait des bains parfumés pour soigner l’humeur, et Galien utilisait des aromates dans ses remèdes. On pensait que les bonnes odeurs purifiaient l’air et éloignaient les maladies , explique Clément Rosset, archéobotaniste. C’est une croyance qui a perduré jusqu’au Moyen Âge.

Quelle est l’expérience proposée à Vorgium ?

Le 9 octobre 2025, à 18 heures, la salle de conférences de Vorgium accueille une soirée unique. Dominique Frère y présente sa recherche, mais surtout, il invite le public à participer à une dégustation… olfactive. Des diffuseurs contenant des parfums reconstitués seront mis à disposition. Chaque fragrance est accompagnée d’un contexte historique : un parfum de temple, un parfum de bain public, un parfum d’amour ou de deuil.

On a recréé un parfum funéraire utilisé lors des rites d’inhumation en Gaule romaine , raconte-t-il. Il contient du ciste, une plante méditerranéenne, de la résine de pin, et un peu de safran. C’est puissant, presque animal. Les gens sont souvent surpris.

Le visiteur est invité à fermer les yeux, à respirer lentement, et à laisser l’odeur convoquer des images mentales. Certains pensent aux processions religieuses, d’autres aux jardins impériaux, d’autres encore aux marchés romains saturés d’effluves d’épices, de sueur et de vin.

Camille, une enseignante en histoire-géographie venue de Rostrenen, témoigne : J’ai senti un parfum à base de rose et de miel. On m’a dit que c’était une essence utilisée par les élites romaines pour les banquets. J’ai eu l’impression d’être transportée dans une villa au bord de la mer. C’est fou comme une odeur peut réveiller l’imaginaire.

L’exposition temporaire Le parfum de l’Antiquité , visible jusqu’au 2 novembre, complète cette expérience. Elle présente des objets archéologiques : flacons en verre, mortiers pour broyer les aromates, amphores ayant contenu des huiles parfumées. Des panneaux explicatifs, des reconstitutions 3D et des bornes interactives permettent de comprendre comment ces produits étaient fabriqués, transportés, et utilisés.

Quels enseignements peut-on tirer de cette redécouverte sensorielle ?

Cette exploration des odeurs antiques ne relève pas seulement de la curiosité. Elle change notre rapport à l’histoire. En rendant aux civilisations anciennes leurs dimensions sensorielles, on les rend plus humaines, plus vivantes. On cesse de les voir comme des silhouettes figées dans des mosaïques ou des textes poussiéreux.

L’archéologie olfactive nous rappelle que nos ancêtres avaient un rapport au monde très différent du nôtre , observe Dominique Frère. Nous vivons dans des environnements souvent aseptisés, où les odeurs sont masquées, filtrées, supprimées. Eux vivaient entourés d’effluves : les animaux, la cuisine, les parfums, les déchets. Leur perception du temps, de l’espace, de la religion, était sans doute influencée par cela.

De plus, cette approche ouvre des perspectives pour la médiation culturelle. Des musées à travers l’Europe expérimentent désormais des expositions multisensorielles. À Lyon, le musée gallo-romain a intégré des senteurs dans sa reconstitution d’un quartier antique. À Berlin, une exposition sur l’Égypte ancienne proposait de sentir l’encens utilisé dans les temples.

On ne comprend pas une culture si on n’en perçoit pas les odeurs , affirme Éléonore Lavigne. Elles font partie du paysage mental. Quand on sent ce qu’ils sentaient, on entre un peu dans leur tête.

Comment participer à l’événement ?

La conférence à Vorgium est gratuite, mais la réservation est obligatoire au 02 98 17 53 07. L’événement est accessible à tous, à partir de 12 ans. Il dure environ une heure et demie, suivie d’un temps d’échange et de découverte olfactive.

L’exposition Le parfum de l’Antiquité est ouverte tous les jours, sauf le lundi, de 10h à 18h. Elle s’adresse autant aux familles qu’aux chercheurs, aux curieux qu’aux passionnés d’histoire. Des ateliers pour enfants sont également organisés les mercredis et samedis, où ils peuvent fabriquer leur propre petit flacon de parfum selon des méthodes antiques.

On veut que les gens repartent avec une sensation, pas seulement avec des informations , précise Lucie Arbel, médiatrice culturelle au centre. Qu’ils se souviennent d’un parfum, comme on se souvient d’une mélodie.

Quel avenir pour l’archéologie des odeurs ?

Le succès croissant de ce type d’initiatives montre que le public est avide d’expériences immersives. À Vorgium, les organisateurs envisagent déjà de prolonger l’exposition ou de créer une collection permanente dédiée aux sens dans l’Antiquité.

Des collaborations internationales sont en cours : avec des laboratoires italiens spécialisés dans les résidus organiques, des parfumeurs de Grasse, et même des neuroscientifiques qui étudient le lien entre mémoire et odorat. On travaille sur un projet de reconstitution des odeurs d’un banquet romain complet , annonce Dominique Frère. Pas seulement les parfums, mais aussi les senteurs de la nourriture, du vin, des torches… Une immersion totale.

Le centre espère aussi développer des outils pédagogiques pour les écoles : des coffrets olfactifs accompagnés de fiches pédagogiques, permettant aux élèves de sentir l’Antiquité en classe.

A retenir

Quel est l’objectif de la conférence à Vorgium ?

L’objectif est de faire découvrir au public l’archéologie des odeurs, en combinant science et expérience sensorielle. Grâce à des reconstitutions olfactives, les visiteurs peuvent sentir des parfums utilisés dans l’Antiquité, tout en comprenant leur contexte historique, social et religieux.

Qui est Dominique Frère ?

Dominique Frère est archéologue et maître de conférences à l’université de Bretagne Sud. Spécialiste des pratiques olfactives dans les civilisations antiques, il mène des recherches à la croisée de l’archéologie, de la chimie et de l’histoire des techniques.

Quand a lieu l’événement ?

La conférence aura lieu le jeudi 9 octobre 2025 à 18 heures, au centre d’interprétation archéologique Vorgium, à Carhaix. L’exposition temporaire Le parfum de l’Antiquité est, elle, visible jusqu’au 2 novembre.

L’accès est-il gratuit ?

Oui, la conférence est gratuite, mais une réservation est obligatoire au 02 98 17 53 07. L’exposition est accessible dans le cadre de la visite du centre, avec un tarif réduit pour les groupes et les scolaires.

Peut-on sentir les parfums soi-même ?

Oui, l’un des aspects les plus innovants de l’événement est la possibilité pour le public de sentir des reconstitutions olfactives de parfums antiques, lors de la conférence et dans le cadre de l’exposition.

Y a-t-il des activités pour les enfants ?

Oui, des ateliers sont organisés les mercredis et samedis, où les enfants peuvent fabriquer un parfum selon des méthodes antiques, tout en apprenant l’histoire des senteurs dans la Rome antique.

Anita

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