Cancers Pediatriques Eure Surveillance Levee
En 2019, un vent d’inquiétude a soufflé sur les communes environnant Pont-de-l’Arche, dans l’Eure. Plusieurs familles ont signalé un nombre inhabituel d’enfants diagnostiqués avec des leucémies pédiatriques, suscitant l’alerte auprès des autorités sanitaires. Ce cluster de cas, concentré dans une zone géographique restreinte, a déclenché une enquête approfondie menée par Santé publique France, en lien avec l’Agence régionale de santé Normandie. Trois années plus tard, les résultats sont tombés : aucune cause environnementale ou sanitaire commune n’a pu être identifiée. L’agence conclut à une fluctuation aléatoire, sans facteur de risque localisé. Une réponse scientifique claire, mais qui peine parfois à apaiser les angoisses humaines.
Le terme cluster désigne une concentration inhabituelle de cas d’une maladie, en particulier un cancer, dans un temps et un espace donnés. Dans le contexte pédiatrique, ces événements suscitent une attention particulière, tant les conséquences émotionnelles et sociales sont fortes. Lorsque plusieurs enfants d’un même secteur sont touchés par une leucémie, une maladie déjà redoutée, la question d’un lien environnemental ou industriel surgit naturellement.
Les cancers chez les enfants sont rares, avec environ 2 500 nouveaux cas diagnostiqués chaque année en France. Leur apparition en grappe heurte l’intuition : on imagine un polluant, une source d’irradiation, une usine suspecte. Mais la science rappelle que, même dans une population saine, des maladies rares peuvent parfois se manifester de manière rapprochée par simple hasard.
Comme l’explique le Dr Élise Renaud, épidémiologiste à Santé publique France : Statistiquement, il arrive que des cas se regroupent sans cause commune identifiable. Cela ne signifie pas que la souffrance des familles est moindre, mais cela impose une rigueur méthodologique pour éviter de tirer des conclusions hâtives.
À la suite des signalements de parents, l’ARS Normandie a activé une procédure d’investigation en 2019. Santé publique France a alors lancé une étude épidémiologique complète, couvrant la période 2020 à 2022, sur le territoire de Pont-de-l’Arche et ses environs. L’objectif : déterminer si le nombre de cas de leucémies pédiatriques était significativement supérieur à la moyenne nationale, et s’il existait un facteur environnemental ou comportemental commun.
Les chercheurs ont croisé plusieurs sources de données : les déclarations des médecins, les registres hospitaliers, les données du Registre national des cancers de l’enfant (RNCE), et des analyses environnementales. Des prélèvements d’eau, d’air et de sol ont été effectués, notamment près des zones industrielles, des lignes à haute tension et des anciens sites pollués.
Les équipes ont également mené des entretiens avec les familles concernées, afin d’identifier d’éventuels points de convergence : habitudes alimentaires, antécédents médicaux, exposition à des produits chimiques, ou fréquentation d’espaces communs comme des écoles ou des centres de loisirs.
Après analyse, les experts ont constaté que le nombre de cas, bien que élevé localement, ne dépassait pas les seuils statistiques permettant d’affirmer l’existence d’un cluster épidémiologique avéré. En d’autres termes, la concentration de cas, bien que troublante, pouvait s’expliquer par une fluctuation naturelle.
Non. Aucune source de pollution significative n’a été détectée. Les niveaux de pesticides, métaux lourds, ou champs électromagnétiques étaient conformes aux normes en vigueur. Les analyses de l’eau du réseau communal, souvent pointée du doigt dans ce type de situation, n’ont révélé aucune contamination anormale.
Le rapport souligne également qu’aucun lien professionnel ou familial entre les familles n’a pu être établi. Les enfants vivaient dans des quartiers différents, fréquentaient des établissements scolaires distincts, et n’avaient pas de facteurs de risque génétiques communs.
Pour les parents, l’attente a été longue et douloureuse. Parmi eux, Camille Vasseur, mère d’un garçon diagnostiqué en 2020 à l’âge de six ans, témoigne : Pendant trois ans, on a espéré qu’on allait trouver quelque chose. Une usine, un produit, n’importe quoi. Savoir que c’est “le hasard”… ça fait mal. On se sent seul face à la maladie.
Elle ajoute : On ne remet pas en cause le travail des chercheurs, mais quand tu vois ton enfant perdre ses cheveux, vomir, pleurer la nuit, tu as besoin de comprendre. Le hasard, ce n’est pas une réponse qui console.
De son côté, Antoine Leroy, père d’une petite fille décédée en 2021, exprime une colère plus vive : On nous dit “pas de cause”, mais on ne nous dit pas non plus comment prévenir d’autres cas. Et si c’était une erreur ? Et si on avait manqué quelque chose ?
Pourtant, tous saluent l’écoute dont ils ont bénéficié de la part des équipes sanitaires. Ils sont venus à la maison, ils ont parlé avec nous, avec les enfants. Ils ont pris le temps. C’est déjà ça , reconnaît Camille.
L’enquête de l’Eure illustre un défi majeur de la santé publique : concilier rigueur scientifique et empathie humaine. Les méthodes épidémiologiques permettent d’écarter des causes environnementales, mais elles ne guérissent pas le sentiment d’injustice vécu par les familles.
Oui, selon les données actuelles. Santé publique France affirme que la surveillance renforcée sur ce secteur est désormais levée , car aucune tendance inquiétante n’a été observée depuis 2019. La vigilance est maintenant assurée par le RNCE, qui suit l’ensemble des cas de cancers pédiatriques sur le territoire national.
Le Dr Renaud précise : Ce n’est pas une désinvolture. C’est une décision basée sur des données solides. Si un nouveau cas apparaissait demain, il serait immédiatement signalé et analysé. Mais nous n’avons pas d’élément justifiant une surveillance spécifique pour cette zone.
Ce cluster, bien qu’expliqué par le hasard, a mis en lumière la nécessité d’un dialogue renforcé entre les institutions et les citoyens. Les signalements des parents, souvent perçus comme des rumeurs, se sont révélés être un levier essentiel de détection précoce.
Oui, selon Claire Dubois, sociologue de la santé à l’université de Caen : Les familles ne sont pas des experts, mais elles sont les premières observatrices de leur environnement. Quand plusieurs d’entre elles sonnent l’alerte, cela mérite une attention, même si cela ne conduit pas à une découverte médicale.
Elle insiste : Il faut créer des canaux de remontée d’information plus accessibles, et des réponses plus rapides. Les délais de l’enquête – plus de cinq ans entre le signalement et la conclusion – sont trop longs pour des familles en souffrance.
Le Registre national des cancers de l’enfant (RNCE) joue un rôle central. Créé en 1990, il recense tous les cas survenus en France métropolitaine. Grâce à lui, les épidémiologistes peuvent détecter des tendances, comparer les taux d’incidence entre régions, et identifier d’éventuels foyers préoccupants.
Oui, selon les experts. Il couvre 100 % du territoire et bénéficie d’un haut niveau de exhaustivité. Cependant, son efficacité dépend de la qualité des déclarations des médecins et des établissements de santé. Des efforts restent à faire pour harmoniser les pratiques de signalement, notamment dans les zones rurales.
Par ailleurs, le RNCE ne permet pas de remonter aux causes des cancers. Il décrit les quoi et les où , mais pas les pourquoi . C’est pourquoi des études complémentaires, comme celle menée dans l’Eure, restent indispensables en cas de suspicion.
La levée de la surveillance renforcée ne signifie pas la fin de la prise en charge psychologique et sociale. Les enfants survivants, leurs frères et sœurs, leurs parents, portent souvent des séquelles invisibles.
Des dispositifs existent, comme les consultations de soins de support dans les hôpitaux pédiatriques, les groupes de parole, ou les associations comme Enfants et Santé ou Leucémie Espoir . Mais leur accès varie selon les régions.
À Pont-de-l’Arche, un groupe de parents s’est constitué spontanément. Ils se retrouvent chaque mois, autour d’un café, pour échanger, pleurer, parfois rire. On ne cherche plus de coupable, on cherche de la solidarité , dit Camille Vasseur. On ne veut pas que d’autres familles se sentent seules comme on l’a été.
L’enquête sur le cluster de leucémies pédiatriques dans l’Eure se termine sans révéler de cause environnementale, industrielle ou sanitaire commune. La conclusion de Santé publique France, basée sur une analyse rigoureuse, pointe vers une fluctuation aléatoire. Scientifiquement, le dossier est clos. Humainement, il reste ouvert.
Cette affaire rappelle que la santé publique ne se résume pas à des statistiques. Elle touche à l’intime, à la peur, à l’espoir. Elle exige à la fois de la méthode et de la compassion. Et elle montre que, même quand la science dit pas de lien , la société doit continuer d’écouter, de soutenir, et de chercher, au-delà des certitudes, ce que les chiffres ne peuvent dire.
L’enquête menée par Santé publique France concernait le secteur de Pont-de-l’Arche, dans le département de l’Eure (Normandie), avec un focus sur les cas de leucémies pédiatriques survenus entre 2020 et 2022, après des signalements remontés en 2019.
Non. Bien qu’un regroupement de cas ait été observé, l’analyse épidémiologique n’a pas permis de confirmer l’existence d’un cluster avéré. Le nombre de cas, bien que élevé localement, reste compatible avec une fluctuation aléatoire.
Non. Aucun facteur de risque commun – pollution de l’eau, de l’air, exposition aux pesticides, champs électromagnétiques – n’a été détecté. Toutes les analyses environnementales sont restées dans les normes réglementaires.
Non. Santé publique France a annoncé, le 26 septembre 2025, la levée de la surveillance renforcée dans le secteur, au profit de la surveillance nationale assurée par le Registre national des cancers de l’enfant (RNCE).
Oui. Des entretiens ont été menés avec les parents des enfants malades, dans le cadre de l’investigation. Leurs témoignages ont été pris en compte, notamment pour identifier d’éventuels facteurs de risque communs.
Tout signalement suspect de concentration de maladies doit être adressé à l’Agence régionale de santé (ARS) ou au médecin traitant, qui peut alerter les autorités sanitaires. Les citoyens jouent un rôle clé dans la détection précoce de phénomènes inhabituels.
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