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Le centre Henri Dunant déménage : la suite de son fonctionnement avec des médecins retraités bientôt assurée

À l’heure où l’accès aux soins devient un enjeu majeur dans de nombreuses régions de France, le centre Henri Dunant, à Laval, incarne une réponse concrète et humaine à la pénurie croissante de médecins traitants. Depuis 2017, ce service médical de proximité a su s’imposer comme une bouée de sauvetage pour des milliers de patients en quête de soins de première ligne. En 2024, il a assuré pas moins de 19 133 consultations, un chiffre qui témoigne d’un besoin profond et durable. Ce succès, porté par des médecins retraités engagés, soulève aujourd’hui une nouvelle question : comment pérenniser une structure devenue indispensable, alors même qu’elle atteint ses limites physiques ?

Comment un centre expérimental est devenu incontournable ?

Lancé en juin 2017 comme une expérimentation destinée à durer trois ans, le centre Henri Dunant devait répondre à une urgence locale : un nombre croissant de Lavallois sans médecin traitant. À l’époque, personne ne pouvait imaginer que cette initiative prendrait une telle ampleur. Pourtant, six ans plus tard, le centre continue d’attirer des patients de tous âges, souvent en situation de précarité ou simplement perdus dans un système de santé de plus en plus complexe.

Le fonctionnement repose sur un modèle hybride. Chaque jour, deux médecins retraités et un interne assurent les consultations, soutenus par deux secrétaires médicales et une assistante médicale, recrutée en 2021 pour fluidifier les échanges et améliorer la prise en charge. Les rendez-vous s’échelonnent du lundi au vendredi, avec une organisation rigoureuse mais souple, adaptée aux imprévus du quotidien.

Marion Le Guen, coordinatrice du centre, se souvient des débuts : Nous avions un local exigu, un planning serré, et beaucoup de doutes. Mais dès les premières semaines, les patients sont venus en nombre. Certains avaient attendu des mois pour voir un médecin. D’autres ne savaient même plus à quoi ressemblait une consultation de routine.

Le besoin n’a cessé de croître. En 2024, le centre suit 5 800 patients réguliers, un chiffre qui reflète à la fois son efficacité et la gravité du désert médical dans la région. Ce n’est plus une expérimentation, c’est une réalité de terrain , insiste-t-elle.

Pourquoi les médecins retraités sont-ils au cœur du dispositif ?

Le recours à des médecins retraités n’est pas anodin. Il répond à une double logique : combler un vide structurel tout en valorisant une expérience précieuse. Les 13 praticiens qui se relaient au centre Henri Dunant ont tous exercé pendant des décennies, dans des cabinets ou des hôpitaux. Leur retour à l’activité, même partielle, est motivé par un sens aigu du service public.

Philippe Vasseur, 72 ans, ancien généraliste à Château-Gontier, est l’un d’eux. J’ai pris ma retraite en 2020, mais je n’arrivais pas à rester inactif. Quand j’ai entendu parler du centre, j’ai tout de suite proposé mon aide. Ce n’est pas une obligation, c’est un choix. Et chaque patient que je reçois me donne un sentiment d’utilité que je n’avais plus depuis longtemps.

Leur implication va au-delà de la simple consultation. Ces médecins prennent le temps d’écouter, de rassurer, de remettre en confiance des personnes souvent désorientées par le système de santé. Beaucoup de mes patients ont des dossiers complexes, parfois négligés depuis des années, explique-t-il. On ne soigne pas seulement des symptômes, on reconstruit une relation de soin.

Leur disponibilité est aussi un atout organisationnel. Contrairement à des praticiens en activité, ils peuvent s’adapter à des créneaux variables, accepter des urgences ou prolonger une journée en cas de surcharge. Leur engagement, bien que bénévole, est encadré : ils bénéficient d’une couverture de responsabilité civile et d’un accompagnement logistique assuré par la ville de Laval et l’Agence régionale de santé (ARS).

Quel est l’impact sur les patients ?

Pour les usagers, le centre Henri Dunant n’est pas seulement un lieu de soins, c’est un espace de reconnaissance. C’est le cas pour Élodie Ricard, 44 ans, mère célibataire au chômage depuis deux ans. J’ai perdu mon médecin traitant en 2022. Depuis, j’ai fait la queue aux urgences pour des maux simples : une angine, un mal de dos… C’était humiliant. Ici, on me connaît, on me suit.

Son fils, Tom, 12 ans, souffre d’asthme chronique. Grâce au suivi régulier assuré par le centre, ses crises se sont espacées. Avant, je courais à l’hôpital à chaque alerte. Maintenant, on a un protocole, on sait quoi faire. C’est une bouffée d’air, littéralement.

D’autres patients, comme René Corbière, 68 ans, ancien ouvrier, soulignent le caractère humain de l’accueil. À mon âge, on a peur de devenir une charge. Mais ici, personne ne me regarde de haut. Le docteur Vasseur me parle comme à un camarade. Il me demande comment va ma femme, mes enfants… C’est rare, de nos jours.

Ces témoignages illustrent une vérité simple : l’accès aux soins, c’est aussi de la dignité. Le centre Henri Dunant réussit là où d’autres structures échouent, en réinsufflant de l’humain dans une médecine parfois perçue comme froide et distante.

Pourquoi le centre atteint-il ses limites ?

Le succès du centre s’accompagne d’un revers : la saturation. Les locaux actuels, conçus pour une expérimentation temporaire, ne permettent plus d’accueillir le flux croissant de patients dans des conditions optimales. Les salles de consultation sont surchargées, les files d’attente s’allongent, et le personnel peine à gérer l’afflux.

Nous avons fait des miracles avec peu de moyens, mais il y a des limites , reconnaît Marion Le Guen. Les patients attendent parfois plus d’une heure, les médecins sont fatigués, et nous n’avons pas d’espace pour développer des consultations spécialisées, comme la prévention ou le suivi des maladies chroniques.

Le manque d’espace empêche aussi l’intégration de nouvelles compétences, comme des infirmiers ou des psychologues, qui pourraient enrichir la prise en charge. Nous rêvons d’un centre complet, avec une dimension préventive et éducative, mais cela demande des locaux adaptés , ajoute-t-elle.

Depuis un an et demi, un projet de déménagement est à l’étude. Un nouveau site a été identifié, plus vaste, mieux équipé, et surtout conçu pour durer. L’objectif : un déménagement à la rentrée 2026. Ce n’est pas une simple question de mètres carrés, c’est une question de pérennité , insiste-t-elle.

Quel avenir pour les services de proximité ?

Le cas du centre Henri Dunant interroge au-delà de Laval. Il illustre une tendance nationale : la montée en puissance des dispositifs de santé de proximité, souvent portés par des acteurs locaux, des bénévoles ou des retraités. Dans un contexte de désertification médicale, ces initiatives deviennent des piliers du système de santé.

À l’instar de Laval, d’autres villes expérimentent des modèles similaires : consultations gratuites, maisons de santé pluridisciplinaires, recours à des étudiants en médecine. Mais peu ont atteint un tel niveau d’organisation et de reconnaissance. Ce qui marche ici, c’est la combinaison entre expertise médicale, engagement humain et soutien institutionnel , analyse Camille Fournier, chercheuse en politiques de santé à l’université de Rennes.

Elle pointe toutefois un risque : On ne peut pas construire un système de santé durable sur du bénévolat. Les médecins retraités font un travail remarquable, mais ils ne sont pas une solution structurelle. Il faut accompagner ces dispositifs par des recrutements, des financements stables, et des politiques de santé territoriales claires.

Le défi, pour Laval comme pour d’autres territoires, est donc double : valoriser ces initiatives locales tout en les inscrivant dans une stratégie nationale de lutte contre les déserts médicaux.

Qu’est-ce que le centre Henri Dunant nous apprend sur la santé de demain ?

Le centre Henri Dunant est bien plus qu’un service de soins. C’est un laboratoire du possible. Il montre qu’il est possible de répondre à une crise sanitaire par l’innovation, la solidarité et l’engagement collectif. Il prouve que la médecine de proximité n’est pas une utopie, mais une réalité à portée de main.

Il révèle aussi une vérité trop souvent oubliée : la santé, ce n’est pas seulement du matériel, des protocoles ou des algorithmes. C’est une relation. C’est ce que ressent Élodie Ricard quand elle entre dans le cabinet du docteur Vasseur : Il me regarde, il m’écoute. Je ne suis pas un numéro.

Alors que le projet de déménagement se dessine, l’enjeu est de préserver cette âme tout en modernisant les structures. Le futur centre ne doit pas être plus grand, mais plus humain , résume Marion Le Guen. Nous voulons garder cette proximité, ce lien, cette écoute. C’est ça, notre ADN.

A retenir

Quel est le rôle du centre Henri Dunant à Laval ?

Le centre Henri Dunant assure des consultations médicales gratuites pour les personnes sans médecin traitant. Il fonctionne depuis 2017 et a réalisé plus de 19 000 consultations en 2024. Il vise à combler les lacunes du système de santé dans un contexte de désert médical croissant.

Qui compose l’équipe médicale ?

L’équipe est composée de 13 médecins retraités, deux internes en médecine générale, deux secrétaires médicales et une assistante médicale. Les praticiens retraités, bien que bénévoles, jouent un rôle central dans la continuité des soins.

Pourquoi un déménagement est-il envisagé ?

Le centre actuel, conçu initialement comme une expérimentation temporaire, est aujourd’hui saturé. Un nouveau site, plus vaste et mieux équipé, a été identifié pour permettre une meilleure prise en charge des patients. Le déménagement est envisagé pour la rentrée 2026.

Le centre est-il uniquement destiné aux personnes démunies ?

Non. Bien que de nombreux patients soient en situation de précarité, le centre accueille toute personne sans médecin traitant, quelle que soit sa situation sociale ou économique. L’accès est ouvert à tous, sans condition de ressources.

Le modèle du centre Henri Dunant peut-il être reproduit ailleurs ?

Oui, mais sous certaines conditions. Le succès repose sur une combinaison de facteurs : l’engagement de professionnels expérimentés, un soutien logistique et financier des autorités locales, et une organisation centrée sur la relation humaine. Ce modèle inspire déjà d’autres territoires en difficulté médicale.

Anita

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