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Une belle reconnaissance pour les 50 ans du travail de l’Esat de Loudéac

Le 2 octobre 2025, le vélodrome de Loudéac, habituellement dédié aux courses cyclistes, s’est transformé en lieu de mémoire, de fierté et d’avenir. Des dizaines de personnes – travailleurs en situation de handicap, familles, professionnels, bénévoles – se sont rassemblées pour célébrer un jalon rare : les cinquante ans de l’Établissement et service d’accompagnement par le travail de Loudéac, plus connu sous le nom d’Esatco. Une demi-siècle d’engagement, d’inclusion et de lutte contre les préjugés. L’occasion pour Virginie Boëffard, directrice depuis sept ans, de revenir sur l’histoire d’un lieu qui, bien plus qu’un centre de travail protégé, incarne une philosophie : celle de la dignité par l’activité.

Comment est né l’Esatco il y a cinquante ans ?

En 1975, l’idée d’un espace de travail adapté aux personnes en situation de handicap était encore balbutiante. À Loudéac, un petit groupe de parents d’enfants porteurs de trisomie 21 a décidé de passer à l’action. Parmi eux, Élodie Guivarch, alors jeune mère d’un garçon nommé Théo. À l’époque, on nous disait que nos enfants ne pourraient jamais travailler, qu’ils devaient rester à la maison , raconte-t-elle, les yeux brillants. Nous avons refusé cette fatalité.

Fort de cette détermination, le groupe a fondé l’Esatco avec l’aide de l’Association départementale des parents d’enfants handicapés mentaux (Adapei). L’établissement ouvre ses portes dans un local modeste, avec une poignée de salariés accompagnés. Les premières activités ? La confection de sacs en tissu, le conditionnement de produits alimentaires, et plus tard, la gestion de blanchisseries pour les hôpitaux locaux. Ce n’était pas grand-chose, mais c’était déjà une reconnaissance , insiste Élodie.

Virginie Boëffard, en parcourant les archives de l’établissement, a été frappée par la vision des fondateurs : Ils ne parlaient pas de “protection”, mais d’“accompagnement”. Dès le départ, ils voulaient que chaque personne puisse s’épanouir à travers le travail, pas simplement “occuper son temps”.

Quel est le rôle d’un Esat aujourd’hui ?

Les Établissements et services d’accompagnement par le travail (Esat) sont des structures médico-sociales qui permettent à des personnes en situation de handicap de travailler dans un environnement adapté. Contrairement à une entreprise classique, l’Esatco ne verse pas de salaire au sens strict, mais une rémunération d’activité, complétée par des aides sociales. L’objectif n’est pas seulement économique, mais humain : favoriser l’autonomie, la socialisation, et la reconnaissance.

À Loudéac, l’Esatco emploie aujourd’hui 120 travailleurs accompagnés, répartis sur plusieurs ateliers. L’un d’eux, dirigé par un ancien chef d’entreprise en reconversion, propose des services de logistique pour des entreprises locales. Un autre, plus artisanal, confectionne des paniers garnis bio à partir de produits régionaux. Ici, on ne parle pas de “capacité maximale”, mais de “potentiel à développer” , explique Virginie Boëffard.

Maxence Le Goff, 42 ans, travaille à l’Esatco depuis 2008. Diagnostiqué avec un trouble du spectre autistique, il a longtemps été en échec scolaire. Avant, je me sentais invisible , confie-t-il. Ici, on m’a appris à trier, à gérer un planning, à communiquer avec les clients. Aujourd’hui, je suis fier de ce que je fais.

Comment l’Esatco s’est-il adapté au fil des décennies ?

L’évolution de l’Esatco reflète celle de la société envers le handicap. Dans les années 1980, l’accent était mis sur la protection. Dans les années 2000, la loi du 11 février 2005 a imposé de nouvelles exigences : inclusion, accessibilité, reconnaissance. L’Esatco s’est alors réinventé.

En 2012, un nouveau bâtiment a été inauguré, conçu avec l’aide d’architectes spécialisés en accessibilité universelle. Les ateliers sont lumineux, les circulations fluides, les espaces de pause conviviaux. En 2018, l’établissement a lancé un partenariat avec une coopérative agricole locale pour produire des confitures artisanales, vendues dans les supermarchés régionaux sous la marque Douceurs de l’Esat .

Ce n’est pas une usine, c’est un lieu de vie , souligne Claire Pellen, ergothérapeute depuis quinze ans. On travaille sur les compétences, bien sûr, mais aussi sur la confiance en soi, la gestion du stress, la communication. Chaque parcours est unique.

Un exemple parlant : en 2022, l’Esatco a formé trois de ses travailleurs à la conduite d’engins de manutention. Deux d’entre eux ont ensuite été embauchés en CDI par une entreprise de logistique voisine. Ce n’est pas une anecdote, c’est une victoire , affirme Virginie Boëffard.

Quels sont les projets d’avenir de l’Esatco ?

À l’occasion de son cinquantième anniversaire, l’Esatco ne se repose pas sur ses lauriers. Plusieurs projets ambitieux sont en cours. Le premier concerne la digitalisation des ateliers. Un partenariat avec une école d’informatique de Rennes permettra de former certains travailleurs à la maintenance de matériel informatique, puis à la réparation de smartphones et ordinateurs en fin de vie.

L’économie circulaire est un levier d’inclusion puissant , explique Virginie Boëffard. Ces objets, on les récupère auprès des entreprises du coin. On les remet en état, on les revend. Et surtout, on forme des compétences techniques valorisées sur le marché du travail.

Un autre projet, en cours de finalisation, vise à créer une micro-crèche intergénérationnelle sur le site de l’Esat. L’idée ? Associer les travailleurs accompagnés à des jeunes enfants, encadrés par des professionnels, dans des activités de jardinage, de cuisine ou de jeux. On a testé des ateliers pilotes avec une école maternelle voisine , raconte Manon Le Bras, éducatrice spécialisée. Les enfants adorent venir. Et nos travailleurs ? Ils rayonnent.

Enfin, l’Esatco souhaite renforcer ses collaborations avec les entreprises du territoire. Un programme baptisé Un jour chez vous permet désormais à des salariés d’entreprises partenaires de passer une journée à l’Esat, en immersion. L’inverse est aussi possible : des travailleurs de l’Esat sont invités à découvrir le fonctionnement d’une entreprise classique. Il faut casser les barrières mentales , insiste Virginie Boëffard. Le handicap, ce n’est pas un mur, c’est une différence à intégrer.

Quel est le regard des familles sur l’évolution de l’Esatco ?

Pour les familles, l’Esatco est bien plus qu’un lieu de travail. C’est un espace de sécurité, de stabilité, et parfois, de libération. Jeanne Le Moal, mère de Gwenaël, 38 ans, atteint de paralysie cérébrale, témoigne : Avant, mon fils passait ses journées seul dans sa chambre. Depuis qu’il est à l’Esat, il a des horaires, des collègues, des projets. Il a changé de posture.

Le sentiment est partagé par d’autres parents, mais aussi par les frères et sœurs des travailleurs accompagnés. Lou, 31 ans, sœur de Maëlle, atteinte de trisomie 21, raconte : Pendant des années, j’ai eu peur pour l’avenir de Maëlle. Et puis j’ai vu qu’elle avait un métier, un salaire, des amis. Aujourd’hui, c’est elle qui me donne des leçons de courage.

Virginie Boëffard insiste sur l’importance du lien familial : Nous organisons des réunions régulières, des ateliers parents-enfants, des sorties collectives. La famille est un pilier. Sans elle, rien ne serait possible.

Quel est l’impact économique et social de l’Esatco sur le territoire ?

Si l’Esatco n’est pas une entreprise au sens strict, il participe activement à l’économie locale. En 2024, son chiffre d’affaires s’élevait à 2,8 millions d’euros, généré par la vente de services (logistique, conditionnement, entretien) et de produits (confitures, paniers, réparations). Ces revenus permettent de financer en partie les activités et les salaires d’accompagnement.

Plus important encore, l’Esatco tisse des liens avec les acteurs économiques. Une douzaine d’entreprises locales sont aujourd’hui partenaires réguliers. Au début, on avait des réticences , avoue Hervé Kerloc’h, dirigeant d’une entreprise de transport. On se demandait si la qualité serait au rendez-vous. En trois ans, on n’a jamais eu un seul retour négatif. Au contraire, nos clients apprécient savoir qu’ils soutiennent une démarche inclusive.

Sur le plan social, l’Esatco joue un rôle de relais dans la prévention de l’isolement. Des actions de sensibilisation sont menées dans les collèges, les mairies, les centres sociaux. On ne veut pas qu’on nous voie comme une “structure à part” , conclut Virginie Boëffard. On veut être une structure à part entière.

Quelles sont les perspectives nationales pour les Esat ?

Le modèle de l’Esat est aujourd’hui au cœur d’un débat national. D’un côté, la volonté de promouvoir l’emploi ordinaire pour les personnes en situation de handicap. De l’autre, la nécessité de maintenir des structures adaptées pour celles et ceux qui ne peuvent pas intégrer le marché du travail classique.

Virginie Boëffard milite pour une reconnaissance accrue du travail accompli dans les Esat : Nos travailleurs produisent de la valeur. Ils méritent une rémunération décente, des droits sociaux élargis, une vraie carrière professionnelle.

Elle appelle aussi à une meilleure coordination entre les Esat, les Cap emploi, les Pôle emploi et les entreprises : Il faut fluidifier les passerelles. Que l’Esat soit une étape, pas une destination finale.

Conclusion

Les cinquante ans de l’Esatco de Loudéac ne sont pas seulement une célébration du passé. C’est une revendication d’avenir. Un rappel que le travail, sous toutes ses formes, est un droit fondamental. Que la dignité ne se négocie pas. Que l’inclusion ne se décrète pas, elle se construit, jour après jour, dans les ateliers, les réunions, les regards qui changent.

Comme l’a dit Maxence, au micro lors de la cérémonie d’anniversaire : Je ne suis pas un “handicapé qui travaille”. Je suis un travailleur. Point.

A retenir

Qu’est-ce qu’un Esat ?

Un Établissement et service d’accompagnement par le travail (Esat) est une structure médico-sociale qui permet à des personnes en situation de handicap de travailler dans un environnement adapté. Ces établissements proposent des activités productives tout en assurant un accompagnement social, éducatif et thérapeutique.

Combien de personnes l’Esatco de Loudéac accompagne-t-il ?

L’Esatco accompagne aujourd’hui 120 travailleurs en situation de handicap, répartis sur plusieurs ateliers spécialisés dans des domaines comme la logistique, la confection, ou la production alimentaire.

Quels sont les projets innovants de l’Esatco ?

L’Esatco développe des projets de réparation d’équipements électroniques, de création d’une micro-crèche intergénérationnelle, et de renforcement des passerelles avec les entreprises du territoire pour favoriser l’insertion professionnelle.

Quel est le rôle des familles dans le fonctionnement de l’Esatco ?

Les familles sont des partenaires essentiels. Elles participent aux réunions, aux ateliers, et contribuent à la stabilité émotionnelle des travailleurs accompagnés. Leur implication est considérée comme un pilier du projet de l’établissement.

Quel est l’impact économique de l’Esatco ?

En 2024, l’Esatco a généré un chiffre d’affaires de 2,8 millions d’euros grâce à la vente de services et de produits. Il entretient des partenariats avec une douzaine d’entreprises locales et joue un rôle actif dans l’économie circulaire et l’inclusion sociale.

Anita

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