Un débat inédit sur les aidants au cinéma des Mauges ce week-end

Chaque jour, des millions de Français s’engagent aux côtés d’un proche fragilisé par la maladie, le handicap ou la perte d’autonomie. Ces aidants, souvent invisibles, portent sur leurs épaules des responsabilités émotionnelles, logistiques et physiques considérables. Le 9 octobre 2025, la petite commune de Champtoceaux, intégrée à Orée-d’Anjou dans le Maine-et-Loire, devient le théâtre d’un événement essentiel : un ciné-débat consacré à la reconnaissance et au soutien de ces femmes et hommes qui, dans l’ombre, font preuve d’un engagement sans faille. Organisé par le Centre local d’information et de coordination gérontologique (CLIC) de Mauges Communauté, ce moment de sensibilisation vise à briser l’isolement et à offrir des clés pour mieux accompagner les aidants dans leur quotidien. Autour de la projection du documentaire Mon vieux, ce rendez-vous promet d’être à la fois poignant, informatif et mobilisateur.

Qui sont ces 11 millions d’aidants en France ?

Le chiffre est vertigineux : 11 millions de personnes en France prennent soin d’un proche. Ces aidants ne sont pas des professionnels de santé, mais des conjoints, des enfants, des frères, des amis. Ils interviennent dans des situations souvent complexes, parfois dramatiques, sans formation ni soutien suffisant. Le CLIC de Mauges Communauté insiste sur cette réalité méconnue : derrière chaque personne âgée ou malade, il y a souvent une autre personne en souffrance, épuisée, qui n’a pas toujours conscience de son propre besoin d’aide.

C’est le cas de Lucie Blanchet, 62 ans, habitante de Chemillé-en-Anjou, qui accompagne depuis cinq ans son mari, Pierre, atteint de la maladie d’Alzheimer. Au début, je pensais que c’était juste une question de mémoire. Je me disais : “Il oublie un nom, ce n’est pas grave.” Mais très vite, tout a changé. Il ne reconnaissait plus nos enfants, il sortait seul en pleine nuit, il s’énervait pour rien. Je me suis retrouvée seule face à ça, sans savoir vers qui me tourner , raconte-t-elle. Lucie incarne ce paradoxe des aidants : omniprésents, indispensables, mais souvent en déni de leur propre fatigue.

Pourquoi organiser un ciné-débat sur les aidants ?

Le choix du format ciné-débat n’est pas anodin. Il permet de toucher le public émotionnellement, avant d’engager une réflexion collective. Le film Mon vieux, réalisé en 2020 par Marjory Déjardin et Élie Semoun, suit le parcours d’un homme confronté à la maladie d’Alzheimer et de sa famille, en particulier de son fils, qui devient son principal aidant. Ce documentaire ne cherche pas à édulcorer la réalité : il montre la lente dégradation cognitive, les crises d’angoisse, les moments de tendresse volés, mais aussi la solitude du proche aidant.

Ce film, c’est comme un miroir , confie Thomas Lefebvre, infirmier libéral à Montrevault-sur-Èvre et participant régulier aux actions du CLIC. Beaucoup de mes patients ont un proche qui les accompagne, et souvent, c’est ce proche qui est le plus épuisé. Il faut que la société prenne conscience que l’accompagnement d’un être fragilisé, c’est un travail à temps plein, souvent sans reconnaissance ni répit.

Quel est l’impact de la maladie d’Alzheimer sur les proches ?

La maladie d’Alzheimer ne touche pas qu’un cerveau : elle s’immisce dans toute une famille. Elle modifie les relations, installe une angoisse permanente, et impose un deuil progressif. L’aidant assiste impuissant à la disparition progressive de la personne qu’il aime, sans pouvoir intervenir. Ce processus, souvent appelé deuil anticipé , est source de détresse psychologique majeure.

Émilie Rousseau, psychologue spécialisée en gérontologie à Sèvremoine, explique : Les aidants vivent un paradoxe cruel. Ils doivent continuer à aimer quelqu’un qui ne les reconnaît plus, ou qui les rejette. C’est une souffrance invisible, parce qu’elle n’est pas physique, mais elle peut être tout aussi dévastatrice. Selon elle, les signes d’alerte sont nombreux : troubles du sommeil, irritabilité, sentiment d’isolement, voire dépression. Pourtant, peu d’aidants consultent, par peur de ne pas être à la hauteur ou de déranger.

Quelles solutions existent pour soutenir les aidants ?

Face à cette situation, des structures comme le CLIC ou la plateforme d’accompagnement et de répit L’Escale à Beaupréau-en-Mauges jouent un rôle crucial. Elles proposent des temps d’écoute, des groupes de parole, des aides techniques, et surtout, un espace où les aidants peuvent enfin poser leur fardeau, ne serait-ce que quelques heures.

L’Escale, c’est ma bouée , avoue Lucie Blanchet. J’y vais une fois par mois, pendant que Pierre est pris en charge par des professionnels. Je peux faire une sieste, discuter avec d’autres aidants, ou simplement ne rien faire. C’est un luxe que je ne me permettrais pas autrement.

Des dispositifs comme le congé proche aidant, la reconnaissance du statut d’aidant familial, ou les aides financières (comme l’allocation personnalisée d’autonomie ou l’aide humaine à domicile) existent, mais restent encore trop méconnus. Le ciné-débat de Champtoceaux vise aussi à informer sur ces droits, souvent ignorés par ceux qui en ont le plus besoin.

Quel rôle joue la communauté locale dans le soutien aux aidants ?

La force d’un événement comme celui de Champtoceaux réside dans son ancrage local. Plutôt que de se perdre dans des discours généralistes, il s’agit de créer du lien entre les habitants, les professionnels et les institutions. Le choix de la salle Jeanne d’Arc, lieu central et accessible, symbolise cette volonté d’ouverture.

On ne peut pas laisser les aidants se débrouiller seuls , affirme Hélène Garnier, coordinatrice au CLIC de Mauges Communauté. Le village, la commune, le quartier, doivent devenir des relais de solidarité. Parce qu’un aidant soutenu, c’est une personne malade mieux accompagnée, et une société plus humaine.

Des associations locales, comme le Relais des aidants du Maine-et-Loire, seront présentes lors de la discussion après la projection. Leurs bénévoles, souvent eux-mêmes anciens aidants, apportent une écoute empathique et des conseils pratiques. On ne donne pas des solutions toutes faites, on partage ce qu’on a vécu , précise Marc Dubois, bénévole depuis trois ans. Parfois, entendre “moi aussi, j’ai traversé ça” peut suffire à soulager.

Comment transformer la prise de conscience en action concrète ?

Le ciné-débat de Champtoceaux n’est pas un aboutissement, mais un point de départ. L’objectif est de susciter des initiatives locales : création de groupes de parole, développement de solutions de répit, formation des aidants. Certains participants espèrent même voir émerger un réseau des aidants sur tout le territoire d’Orée-d’Anjou.

Ce qu’il faut, c’est du concret , insiste Thomas Lefebvre. Des plages horaires où des professionnels prennent le relais, des aides administratives, des lieux où parler sans jugement. Et surtout, une reconnaissance sociale : être aidant, c’est un engagement citoyen, pas une obligation familiale.

Que faut-il retenir de cette initiative ?

Le 9 octobre 2025, à 14h30, à la salle Jeanne d’Arc à Champtoceaux, aura lieu une rencontre bien plus qu’un simple événement culturel. C’est une invitation à regarder autrement ceux qui prennent soin. C’est un appel à la solidarité, à l’empathie, et à l’action. Ouverte à tous, gratuite, et précédée d’un temps d’accueil à 14h, cette projection du film Mon vieux sera suivie d’un échange animé par des professionnels et des aidants eux-mêmes.

Les inscriptions se font auprès de L’Escale au 02 41 39 66 95, non pas pour restreindre l’accès, mais pour organiser au mieux l’accueil et le suivi. Car derrière chaque place réservée, c’est peut-être une personne qui, ce jour-là, se sentira enfin vue, entendue, accompagnée.

A retenir

Quel est l’objectif du ciné-débat de Champtoceaux ?

L’objectif est de sensibiliser le public au rôle et aux difficultés des aidants, tout en leur offrant un espace d’écoute, d’échange et d’information. Il s’agit de reconnaître leur engagement, de briser l’isolement et de promouvoir les ressources disponibles localement.

Qui peut participer à cet événement ?

L’événement est ouvert à tous : aidants, professionnels de santé, proches, habitants curieux ou concernés. Il ne s’agit pas d’un rendez-vous médical, mais d’un moment de partage humain, accessible à toute personne souhaitant mieux comprendre ou accompagner les aidants.

Quel est le rôle du film Mon vieux dans cette démarche ?

Le documentaire sert de tremplin émotionnel et narratif. En montrant la réalité brute de l’accompagnement d’une personne atteinte d’Alzheimer, il permet au public de s’identifier, de s’émouvoir, et de mieux comprendre les enjeux avant d’entrer dans la discussion.

Existe-t-il des aides concrètes pour les aidants dans le Maine-et-Loire ?

Oui, plusieurs dispositifs existent : le CLIC de Mauges Communauté, la plateforme L’Escale, des associations d’aidants, des groupes de parole, des aides financières et des solutions de répit. Cependant, leur méconnaissance reste un obstacle majeur, d’où l’importance de ce type d’événements de sensibilisation.

Pourquoi parler des aidants est-il urgent ?

Parce que leur nombre ne cesse d’augmenter avec le vieillissement de la population, et parce que leur santé mentale et physique est en jeu. Ignorer leur souffrance, c’est risquer de voir s’effondrer tout le système d’accompagnement familial, sur lequel repose encore une grande partie de la prise en charge des personnes fragilisées.

Conclusion

Le ciné-débat de Champtoceaux est bien plus qu’une projection. C’est un acte de reconnaissance. Un acte de solidarité. Un acte de courage. En mettant en lumière les parcours d’aidants comme Lucie Blanchet ou les témoignages de professionnels comme Thomas Lefebvre et Émilie Rousseau, il rappelle que prendre soin, c’est aussi avoir besoin d’être soigné. Dans une société qui peine encore à valoriser l’humain au cœur de l’action, ce genre d’initiative locale devient un modèle. Peut-être que, demain, d’autres communes suivront l’exemple d’Orée-d’Anjou. Parce que derrière chaque personne aidée, il y a un aidant qui mérite d’être vu, entendu, et accompagné.