EDF s’associe à Data4 pour alimenter des data centers en nucléaire dès 2025

À l’heure où la transition énergétique s’impose comme une urgence mondiale, la convergence entre les infrastructures numériques et les sources d’énergie bas carbone devient un axe stratégique majeur. En France, cette synergie prend forme à travers un partenariat inédit entre EDF et Data4, deux géants de leurs secteurs respectifs. Ce rapprochement, ancré dans une vision à long terme, illustre comment l’industrie nucléaire peut jouer un rôle clé dans l’avenir du numérique, tout en répondant aux enjeux de sécurité énergétique, de stabilité des coûts et de durabilité environnementale. À travers des témoignages concrets et une analyse fine des enjeux, cet article explore les implications profondes de cette alliance, qui pourrait bien redéfinir les contours de l’économie numérique européenne.

Quel est l’objectif du partenariat entre EDF et Data4 ?

L’objectif principal de cet accord, conclu pour une durée de douze ans, est de garantir à Data4 un approvisionnement énergétique fiable, durable et prévisible pour ses data centers. À partir de 2026, EDF fournira environ 40 mégawatts d’électricité d’origine nucléaire, soit 230 gigawattheures par an, via un dispositif inédit : le Contrat d’Allocation de Production Nucléaire (CAPN). Cette quantité d’énergie suffirait à alimenter plus de 100 000 foyers français sur une année. Pour Data4, qui gère des infrastructures critiques pour des entreprises du numérique, la stabilité de l’approvisionnement est une priorité absolue. Les fluctuations des prix de l’électricité sur les marchés spot ont, par le passé, rendu difficile la planification financière à long terme. Ce contrat permet de sortir de cette instabilité.

Le témoignage de François Stérin, directeur général des opérations chez Data4, est éloquent : « Dans un contexte où les prix de l’électricité ont explosé, notamment après la crise énergétique de 2022, nous avions besoin d’un levier de maîtrise de nos coûts. Le CAPN nous offre cette sécurité, tout en nous alignant sur nos objectifs environnementaux. » Pour lui, l’énergie nucléaire, malgré les débats qu’elle suscite, représente une solution pragmatique : disponible en continu, peu émettrice de CO₂, et désormais contractualisable sur le long terme.

Pourquoi l’énergie nucléaire est-elle une solution adaptée aux data centers ?

Les data centers sont des consommateurs massifs d’électricité. Ils doivent fonctionner 24 heures sur 24, 365 jours par an, sans interruption. La moindre coupure peut entraîner des pertes financières considérables pour leurs clients – banques, plateformes de streaming, services cloud. Cette exigence de disponibilité constante rend l’énergie nucléaire particulièrement attractive : contrairement aux énergies intermittentes comme l’éolien ou le solaire, elle n’est pas dépendante des conditions météorologiques.

En outre, le nucléaire émet très peu de gaz à effet de serre pendant son fonctionnement. Pour des entreprises comme Data4, qui souhaitent répondre aux attentes croissantes des clients en matière de responsabilité environnementale, cette caractéristique est déterminante. « Nos clients nous demandent de plus en plus de justifier notre empreinte carbone, souligne Léa Rocher, responsable RSE chez Data4. Avoir un fournisseur d’énergie bas carbone, c’est un atout concurrentiel majeur. »

Le choix du nucléaire s’inscrit aussi dans une logique de souveraineté énergétique. Alors que l’Europe cherche à réduire sa dépendance aux importations de gaz, la France dispose d’un avantage structurel avec un parc nucléaire mature. Ce partenariat valorise cette ressource nationale tout en la mettant au service de l’innovation numérique.

Comment le CAPN s’inscrit-il dans la transition post-Arenh ?

Le dispositif Arenh, qui obligeait EDF à vendre une partie de son électricité nucléaire à ses concurrents à un prix régulé, arrive à son terme fin 2025. Ce changement de cadre réglementaire contraint EDF à repenser profondément sa stratégie commerciale. Le CAPN apparaît comme une réponse adaptée à cette nouvelle donne : il permet à EDF de commercialiser directement de l’électricité nucléaire auprès de grands consommateurs industriels, en dehors des mécanismes de marché traditionnels.

« L’Arenh était un outil de concurrence, mais il ne répondait plus aux besoins des industries modernes », analyse Julien Mercier, économiste de l’énergie au sein d’un cabinet de conseil parisien. « Aujourd’hui, les entreprises cherchent des contrats sur mesure, avec des garanties de volume, de prix et d’origine. Le CAPN est une innovation contractuelle qui répond à cette demande. »

EDF a d’ores et déjà signé plusieurs lettres d’intention avec d’autres acteurs du numérique et de l’industrie. Parmi eux, un fournisseur d’intelligence artificielle basé à Lyon, qui prévoit de déployer des centaines de serveurs spécialisés dans l’apprentissage machine. « Nous avons besoin de puissance, mais aussi de transparence sur l’origine de l’énergie », explique son fondateur, Yannis Kebir. « Le CAPN nous permet de développer nos projets sans compromis environnemental. »

Pourquoi les data centers sont-ils devenus un enjeu stratégique pour EDF ?

La croissance exponentielle du numérique transforme les data centers en véritables usines d’électricité. Selon une étude de l’Association des Centres de Données Européens, leur consommation pourrait doubler en Europe d’ici 2030, portée par l’essor de l’IA, du cloud computing et de l’Internet des objets. En France, cette tendance se confirme : de nouveaux centres sont construits chaque année, notamment dans les zones périphériques des grandes métropoles.

Pour EDF, capter cette demande croissante est une opportunité stratégique. « Les data centers représentent un segment de clientèle exigeant, mais aussi très fidèle sur le long terme », note Camille Lenoir, directrice de la stratégie chez EDF. « En leur offrant des solutions sur mesure, nous sécurisons une partie de notre production future. »

Le partenariat avec Data4 est donc un signal fort. Il montre que le nucléaire n’est pas seulement une technologie du passé, mais une composante clé de l’avenir numérique. « Nous ne vendons plus seulement de l’électricité, précise-t-elle. Nous vendons de la sécurité, de la prévisibilité, et une promesse de neutralité carbone. »

Quelles sont les implications pour la souveraineté numérique et énergétique ?

Ce partenariat illustre une convergence rare entre deux souverainetés stratégiques : énergétique et numérique. En France, la maîtrise du nucléaire donne un avantage compétitif pour attirer les infrastructures numériques sensibles. « Un data center qui fonctionne à l’énergie nucléaire est plus résilient, moins exposé aux crises énergétiques, et plus en phase avec les réglementations européennes sur le climat », résume Thibault Deschamps, expert en cybersécurité et souveraineté numérique.

Cette alliance pourrait inspirer d’autres pays. En Allemagne, où le nucléaire a été progressivement abandonné, les opérateurs de data centers font face à des coûts d’électricité élevés et à une complexité croissante dans la gestion de leur bilan carbone. « Certains nous contactent pour savoir comment accéder à de l’énergie nucléaire française », confie discrètement un cadre d’EDF sous couvert d’anonymat. « Ce n’est pas encore possible, mais cela montre l’intérêt international pour ce type de modèle. »

Enfin, cette initiative pourrait inciter d’autres producteurs d’énergie à innover. En Belgique ou en Suède, des discussions sont en cours pour développer des contrats similaires. Le CAPN, s’il se généralise, pourrait devenir un standard pour les grandes consommations industrielles.

Quelles perspectives pour l’avenir des collaborations énergétiques ?

Le succès du CAPN ouvre la voie à de nouvelles formes de partenariats. EDF étudie la possibilité d’étendre ce modèle à d’autres secteurs : l’industrie lourde, les transports électriques, ou encore les centres de recherche en IA. « Chaque mégawatt que nous allouons via le CAPN est un pas vers une économie décarbonée et résiliente », affirme Camille Lenoir.

Par ailleurs, Data4 envisage de mutualiser cette énergie avec ses clients. « À l’avenir, nous pourrions proposer à nos clients une certification d’usage d’énergie nucléaire », annonce Léa Rocher. Un tel service permettrait aux entreprises utilisant ses infrastructures de valoriser leur propre bilan carbone.

La question de l’innovation technologique reste aussi en suspens. Le développement de petits réacteurs modulaires (PRM), plus flexibles et adaptés à des besoins locaux, pourrait offrir de nouvelles opportunités. « Imaginez un data center alimenté par un PRM dédié », suggère Julien Mercier. « Ce n’est pas de la science-fiction. C’est une option que certains pays, comme les États-Unis ou le Canada, commencent à sérieusement envisager. »

Conclusion

Le partenariat entre EDF et Data4 incarne une nouvelle ère de l’énergie : celle où la production d’électricité n’est plus dissociée des usages qu’elle permet. En alliant nucléaire et numérique, ce contrat sur douze ans ne se contente pas de répondre à une demande industrielle. Il trace une voie claire vers une économie plus stable, plus durable, et plus souveraine. À une époque où les data centers deviennent des acteurs incontournables de la vie économique, leur approvisionnement en énergie bas carbone n’est plus une option, mais une nécessité. Ce modèle, porté par une vision stratégique et des acteurs engagés, pourrait bien devenir une référence pour les années à venir.

A retenir

Qu’est-ce que le Contrat d’Allocation de Production Nucléaire (CAPN) ?

Le CAPN est un nouveau type de contrat mis en place par EDF qui permet d’attribuer directement une quantité d’électricité d’origine nucléaire à un grand consommateur industriel, comme Data4. Il garantit un approvisionnement stable, bas carbone et sur le long terme, en dehors des mécanismes de marché traditionnels.

Pourquoi Data4 a-t-il choisi l’énergie nucléaire ?

Data4 a choisi le nucléaire pour assurer une alimentation constante à ses data centers, stabiliser ses coûts énergétiques face aux fluctuations du marché, et réduire son empreinte carbone. Cette décision répond à la fois à des impératifs techniques, économiques et environnementaux.

Quel impact le CAPN pourrait-il avoir sur d’autres secteurs ?

Le succès du CAPN pourrait inspirer d’autres industries énergivores, comme l’industrie lourde ou les transports, à négocier des contrats similaires. Il ouvre la voie à une nouvelle forme de relation entre producteurs d’énergie et consommateurs industriels, basée sur la durabilité et la prévisibilité.

Le nucléaire est-il compatible avec les objectifs de développement durable ?

Oui, dans cette configuration. L’énergie nucléaire émet très peu de CO₂ pendant son fonctionnement et permet une production continue, ce qui la rend compatible avec les objectifs de décarbonation. Associée à des infrastructures modernes comme les data centers, elle contribue à une transition énergétique réaliste et efficace.

Le CAPN est-il un modèle exportable à l’international ?

Le modèle suscite déjà de l’intérêt à l’étranger, notamment dans des pays où la sécurité d’approvisionnement est une préoccupation majeure. Bien que dépendant de la disponibilité du nucléaire, ce type de contrat pourrait être adapté à d’autres contextes, en particulier là où des sources d’énergie bas carbone sont disponibles en continu.