Erreur Subjonctif 2025 Fosse Generational Enseignement Francais
Une simple dictée, choisie dans les archives d’un manuel des années 1965, a suffi à révéler une faille profonde dans l’enseignement du français. Dans une classe de troisième située en Essonne, une enseignante a lancé un exercice apparemment banal : transcrire un texte ancien, sans en préciser l’origine. Le piège ? Une erreur grammaticale volontairement glissée dans une subordonnée au subjonctif. Sur vingt-huit élèves, un seul l’a repérée. Ce résultat, isolé, aurait pu passer inaperçu. Mais il s’inscrit dans un contexte plus large, où les compétences orthographiques et grammaticales des jeunes générations semblent s’effriter. Ce fossé n’est pas seulement pédagogique : il est culturel, générationnel, et parfois émotionnel. Entre ceux qui ont appris à conjuguer avec rigueur et ceux qui naviguent dans un français plus oral, plus fluide, la communication elle-même vacille. Pourquoi une règle de grammaire devient-elle aujourd’hui un mystère ? Qu’est-ce que ce test révèle sur notre rapport à la langue ? Et surtout, comment réapprendre à écrire juste, sans renoncer à la richesse du langage ?
L’exercice reposait sur un passage classique, extrait d’un manuel scolaire de 1965, dans lequel une subordonnée introduite par « bien que » devait être au subjonctif. Or, le verbe utilisé était à l’indicatif, ce qui constitue une faute flagrante selon les règles traditionnelles. Pourtant, cette anomalie est passée inaperçue. Les élèves, habitués à des textes modernes où l’usage du subjonctif tend à s’estomper, n’ont pas perçu l’incongruité. Leur oreille grammaticale, affûtée sur d’autres critères, ne détecte plus ces subtilités. Ce n’est pas qu’ils ignorent la règle ; c’est qu’elle n’a jamais été suffisamment ancrée pour devenir un réflexe.
La différence tient à une culture scolaire marquée par la répétition. Claudine M., ancienne correctrice du brevet des collèges, se souvient : « On faisait une dictée chaque semaine, parfois deux. On relisait, on corrigeait, on apprenait les fautes par cœur. » Ce rituel forgeait une mémoire des formes, une sensibilité aux accords, aux temps verbaux, aux nuances. Le subjonctif, loin d’être une abstraction, était une réalité quotidienne. Aujourd’hui, cette mémoire collective des règles s’estompe. Les élèves ne manquent pas d’intelligence, mais d’exposition régulière aux structures complexes du français.
Statistiquement, son usage recule. Dans les écrits numériques, les échanges verbaux, même dans certains manuels, il est souvent remplacé par l’indicatif. Pourtant, il n’a pas disparu des programmes. Le problème est ailleurs : il n’est plus enseigné de manière systématique. Les élèves rencontrent la règle, mais sans l’entraînement répétitif qui permet de l’intégrer. Résultat : une connaissance théorique, mais pas opératoire. Comme le dit Élodie Ravel, professeure de français dans un collège de Seine-Saint-Denis : « Mes élèves savent que “bien que” exige le subjonctif… en théorie. Mais dans la pratique, ils ne l’entendent pas, ne le sentent pas. C’est comme une note fausse dans une chanson qu’on n’a jamais entendue. »
Les données sont accablantes. En 1984, 33 % des élèves de CM2 commettaient plus de quinze fautes dans une dictée standard. En 2021, ce chiffre atteint 90 %. Cette explosion des erreurs n’est pas seulement due à une baisse de vigilance : elle reflète un désinvestissement des bases. La grammaire, longtemps pilier du français, a perdu de sa place dans les emplois du temps. Les programmes ont été allégés, les heures de cours réduites. Depuis 1968, plus de cinq cents heures de français ont été supprimées dans l’enseignement primaire et secondaire. Ce n’est pas un détail : c’est une amputation.
À partir des années 1980, les pédagogies nouvelles ont mis l’accent sur le sens, sur l’expression, sur la lecture plaisir. Un virage salutaire, mais qui a parfois été pris au détriment des fondamentaux. Les élèves apprennent à interpréter un texte, à écrire des récits, à débattre. Mais on leur fournit moins d’outils grammaticaux pour structurer leur pensée. Le paradoxe ? Plus on valorise l’expression, moins on maîtrise les codes qui la rendent claire. Comme le souligne Thomas Lefebvre, formateur d’enseignants à l’ÉSPÉ de Lyon : « On veut que les élèves s’expriment librement, mais on ne leur apprend pas assez à le faire correctement. La liberté sans les règles devient du brouillon. »
Oui, et c’est l’un des signaux d’alerte les plus inquiétants. Plusieurs rapports du Conseil supérieur des programmes ont pointé des lacunes chez les étudiants en lettres. Certains maîtrisent mal les règles d’accord du participe passé, d’autres confondent subjonctif et indicatif. Or, comment transmettre ce que l’on ne maîtrise pas ? Le cercle se referme : les élèves ne reçoivent pas l’enseignement, les futurs professeurs n’ont pas reçu cet enseignement, et ainsi de suite. La transmission linguistique est en panne.
Oui, à condition de la repenser. La dictée ne doit pas revenir comme un châtiment, mais comme un outil de formation. Béatrice Chalumeau, professeure dans un collège rural de l’Allier, l’a expérimenté : « Je propose des dictées courtes, deux fois par semaine, sur des extraits de romans contemporains ou de chansons. Les élèves écoutent, écrivent, puis corrigent en groupe. On discute des fautes, on les explique. » Ce n’est plus une épreuve solitaire, mais un moment collectif d’analyse. L’objectif n’est pas la perfection, mais la prise de conscience. Et le résultat ? « En trois mois, leurs relectures se sont améliorées. Ils relisent leurs devoirs, ils cherchent les accords. »
Énorme. La langue se transmet aussi à la maison. Pourtant, beaucoup de parents se sentent démunis. Ils ont oublié les règles, ou pensent que c’est du ressort de l’école. Or, le simple fait de lire à voix haute avec son enfant, de discuter d’un mot, de relire ensemble une rédaction, change tout. Céline et son fils Lucas, 14 ans, ont instauré un rituel : chaque soir, dix minutes de lecture partagée. « Au début, c’était difficile, raconte Céline. Lucas bâillait, il voulait aller sur sa console. Mais petit à petit, il a commencé à poser des questions : “Pourquoi on dit ‘je voudrais’ et pas ‘je voudrais que’ ?” » Ces instants, simples, construisent une culture du détail.
Elles sont un double tranchant. D’un côté, les correcteurs automatiques aident à repérer les fautes. Mais de l’autre, ils désapprennent la vigilance. « Mes élèves écrivent sans relire, constate Élodie Ravel. Ils comptent sur le surlignage rouge du traitement de texte. Sauf que le correcteur ne voit pas tout. Il ne détecte pas un subjonctif manquant, il ne comprend pas un accord de participe passé. » L’enjeu est donc de former à l’usage critique des outils numériques. Apprendre à s’en servir, sans en dépendre.
Il le faut. Le français n’est pas un musée. Il évolue, se transforme, s’adapte. Mais il a besoin de repères stables pour rester compréhensible. Le défi est de ne pas opposer rigueur et créativité. Comme le dit Thomas Lefebvre : « Un bon écrivain ne choisit pas entre les règles et l’expression. Il les maîtrise toutes les deux. Il sait quand respecter la norme, et quand la contourner avec style. » C’est cela qu’il faut transmettre : la liberté par la maîtrise, pas en dépit d’elle.
Fondamental. La grammaire n’est pas qu’une affaire de logique : elle est aussi une affaire de mémoire. Les élèves qui réussissent en orthographe ne sont pas ceux qui comprennent tout, mais ceux qui ont vu, revu, et intégré les formes. C’est pourquoi les exercices répétitifs, souvent décriés, restent indispensables. « On croit que c’est archaïque, dit Claudine M. Mais la mémoire ne se forme pas autrement. On apprend à marcher en tombant, on apprend à écrire en se trompant, et en corrigeant. »
Il doit être rééquilibré. Pas question de revenir aux années 1960, avec des heures de conjugaison en rangs serrés. Mais il faut réhabiliter les fondamentaux : dictées courtes, relectures systématiques, grammaire expliquée et appliquée. Les programmes doivent intégrer davantage de temps dédié à l’écriture et à la correction. Les enseignants doivent être mieux formés, et les parents mieux accompagnés. Ce n’est pas une réforme, c’est une restauration.
Ce fossé générationnel n’est pas une fatalité. Il est le résultat d’un choix pédagogique, d’une évolution culturelle, d’une transformation des usages. Mais il n’est pas insurmontable. La dictée de l’Essonne n’est pas un constat d’échec : c’est un réveil. Elle montre que la langue française reste un bien commun, fragile, qui se transmet ou se perd selon les efforts que l’on consent. Replacer la rigueur au cœur de l’apprentissage, ce n’est pas renoncer à la modernité. C’est au contraire garantir que chacun, quel que soit son milieu, puisse accéder à une expression claire, précise, libre. Parce qu’une erreur discrète peut révéler un monde, il faut apprendre à la voir — et à la corriger.
Parce que les élèves n’ont plus l’habitude de ce type d’exercice systématique. L’entraînement régulier à la grammaire et à l’orthographe a diminué, affaiblissant leur capacité à repérer les anomalies grammaticales, même lorsqu’ils connaissent théoriquement les règles.
Oui, il figure toujours dans les programmes. Mais son enseignement est souvent ponctuel, peu répété, et mal intégré dans des situations d’écriture concrètes. Il reste une règle abstraite, pas un réflexe.
Partiellement. En lisant régulièrement avec leurs enfants, en relisant ensemble leurs devoirs, en discutant des mots et des tournures, ils renforcent l’attention aux détails. Mais cette action ne peut remplacer un enseignement scolaire structuré.
Elles ne sont pas en cause en elles-mêmes, mais leur mise en œuvre parfois déséquilibrée l’est. Valoriser le sens et l’expression est essentiel, mais pas au détriment de la maîtrise des outils linguistiques. L’équilibre entre fondamentaux et créativité doit être retrouvé.
Non pas aux dictées telles qu’elles étaient pratiquées dans le passé, mais à une pratique régulière, courte, et pédagogique de la dictée. Elle doit servir à développer l’écoute, la mémoire, et la vigilance, pas à sanctionner.
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