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Cet Esat breton mobilise tous ses efforts pour l’emploi des travailleurs handicapés en 2025

Dans le paysage économique breton, entre Saint-Brieuc et la baie de Saint-Brieuc, un établissement fait preuve d’une résilience exemplaire face aux aléas du marché : les Ateliers de la Baie, un Établissement et service d’accompagnement par le travail (Esat) situé à Hillion, dans les Côtes-d’Armor. Depuis des années, cet Esat accompagne des personnes en situation de handicap dans leur insertion professionnelle, en leur proposant des activités concrètes, structurées et valorisantes. Mais derrière ces réussites humaines se joue une bataille quotidienne : celle de la conquête et du maintien de marchés économiques. Une mission dévolue à Pauline Carlo, chargée du développement commercial, dont le rôle est aussi stratégique que méconnu.

Comment un Esat se positionne-t-il sur le marché ?

Les Esat ne fonctionnent pas comme des entreprises classiques. Bien qu’ils soient soumis à des impératifs économiques, leur objectif principal est l’insertion professionnelle de personnes en situation de handicap. Les salariés accueillis, reconnus travailleurs handicapés, bénéficient d’un accompagnement social, médical et professionnel. Pourtant, pour assurer leur pérennité, ces structures doivent gagner des marchés, souvent en concurrence avec des prestataires privés plus agressifs.

À Hillion, les Ateliers de la Baie ont réussi à tisser un réseau d’entreprises partenaires qui leur confient des prestations variées : nettoyage, conditionnement, logistique, ou encore maintenance. Mais ce réseau ne s’est pas construit en un jour. Il repose sur une stratégie de développement rigoureuse, menée tambour battant par Pauline Carlo, dont le rôle est à la fois celui d’un commercial, d’un négociateur et d’un ambassadeur du modèle Esat.

Quel est le rôle exact d’un chargé de développement dans un Esat ?

Pauline Carlo ne vend pas un simple service : elle vend un projet humain. Son travail consiste à convaincre les entreprises que faire appel à un Esat, c’est non seulement remplir une obligation légale de sous-traitance (dans le cadre de la loi du 10 juillet 1987), mais aussi participer activement à l’inclusion sociale.

Je ne vais pas démarcher en disant “on est moins cher” , explique-t-elle. Je mets en avant la qualité du travail, la fiabilité, et surtout le sens. Les entreprises qui collaborent avec nous savent qu’elles contribuent à quelque chose de concret : donner du travail à des personnes souvent éloignées de l’emploi.

Ses journées sont rythmées par des rendez-vous, des appels, des réunions avec des responsables d’achats, mais aussi des visites d’entreprises partenaires. Elle doit connaître sur le bout des doigts les capacités de chaque atelier, les compétences des salariés, les contraintes logistiques, et surtout les réussites passées pour les valoriser.

Pourquoi la prospection commerciale est-elle un enjeu vital ?

Contrairement aux idées reçues, les Esat ne vivent pas uniquement sur des subventions publiques. Une grande partie de leurs ressources provient de la vente de prestations. Sans nouveaux marchés, l’établissement ne peut pas évoluer, ni même maintenir ses activités actuelles.

À Hillion, Pauline Carlo a mis en place une véritable stratégie de prospection ciblée. Elle analyse les besoins des entreprises locales, identifie celles qui ont déjà un engagement RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises), et les approche avec des propositions sur mesure.

On ne fait pas du porte-à-porte , précise-t-elle. On travaille par secteur : industrie, tertiaire, collectivités. On regarde qui a des besoins récurrents en nettoyage, par exemple, et on propose une alternative solide, avec un suivi rigoureux.

Quels sont les freins rencontrés lors de la négociation ?

Malgré les atouts, la méfiance existe encore. Certaines entreprises craignent un manque de réactivité, une qualité de service insuffisante, ou des contraintes administratives. Pauline Carlo doit alors déconstruire ces préjugés.

J’ai eu un directeur d’usine qui m’a dit : “Je ne suis pas une œuvre de charité.” Je lui ai répondu : “Moi non plus. On est là pour faire du bon travail, pas pour faire de l’assistanat.”

Elle insiste sur les garanties : les équipes sont encadrées, les processus sont documentés, les indicateurs de performance sont mesurés. Les Ateliers de la Baie ont d’ailleurs obtenu des certifications qui rassurent les clients. On a la même exigence qu’un prestataire privé, parfois même plus, parce qu’on sait qu’on doit prouver notre valeur chaque jour.

Quand on perd un gros client, il faut rebondir

En 2023, les Ateliers de la Baie ont subi un coup dur : la perte d’un contrat majeur. Une entreprise locale avait mis en concurrence le nettoyage de ses locaux, auparavant assuré par une équipe d’une dizaine de salariés de l’Esat. Le marché, initialement réservé aux structures comme les Ateliers de la Baie, a été ouvert à tous les prestataires.

On a perdu l’appel d’offres face à un prestataire privé , raconte Pauline Carlo. Et ce n’était pas une question de prix. C’était un dispositif commun, sans critères d’inclusion. Face à un concurrent qui n’a pas les mêmes coûts structurels que nous, on n’a pas fait le poids.

La conséquence a été immédiate : une équipe formée, efficace, et bien intégrée à la chaîne de travail s’est retrouvée sans mission. Pour les salariés, ce fut un choc. Léa, salariée de l’atelier nettoyage depuis cinq ans, se souvient : On avait un planning, des responsabilités. Du jour au lendemain, on nous a dit qu’on ne retournait plus sur le site. C’était dur. On se sentait… inutiles.

Comment rebondir après un échec commercial ?

Plutôt que de rester sur ce revers, Pauline Carlo a lancé une contre-offensive. Elle a analysé les raisons de la défaite : manque de visibilité sur les délais, absence de leviers digitaux dans la proposition, et surtout, une communication insuffisante auprès du client final.

On s’est rendu compte qu’on n’avait pas assez mis en avant notre impact social. Le directeur des achats ne connaissait pas nos salariés, ne savait pas ce qu’on représentait pour eux.

Elle a alors monté un nouveau plan : renforcer la relation client, documenter les témoignages, améliorer la présentation des offres, et surtout, diversifier les types de prestations. En parallèle, elle a intensifié les partenariats avec les collectivités territoriales, moins sensibles aux seuls critères de coût.

On ne peut pas se permettre de dépendre d’un seul client. Il faut être agile, anticiper les changements, et surtout, ne jamais baisser les bras.

Quelles sont les clés du succès d’un développement commercial en Esat ?

Le succès de Pauline Carlo repose sur plusieurs piliers. Le premier : la connaissance fine de l’activité de l’Esat. Elle ne promet rien que ses équipes ne puissent tenir. Le second : l’écoute. Elle ne vend pas un service standardisé, mais une réponse adaptée aux besoins du client.

Elle cite l’exemple de la coopérative agricole Armor-Lait, située à quelques kilomètres de Hillion. Ils avaient besoin de conditionnement pour des échantillons de produits. Un travail minutieux, répétitif, mais crucial. On a monté une équipe spécialisée, avec un encadrement renforcé. Aujourd’hui, c’est un contrat stable, et ils nous font confiance pour d’autres missions.

Comment transformer un contrat en partenariat durable ?

La fidélité des entreprises partenaires ne se gagne pas en un jour. Elle s’appuie sur la qualité du travail, mais aussi sur la relation humaine. Pauline Carlo organise régulièrement des visites croisées : les clients viennent découvrir les ateliers, rencontrent les salariés, assistent à des points d’étape.

Quand un directeur voit Mathieu, qui a un trouble du spectre autistique, trier des pièces avec une précision incroyable, ou entend Camille, atteinte de polyhandicap, expliquer avec fierté ce qu’elle fait ici, ça change tout. Ce n’est plus une prestation, c’est une collaboration.

Ces moments humains font la différence. Un responsable d’entreprise qui a vu le travail accompli en direct est bien moins enclin à le remettre en cause lors d’un appel d’offres.

Quel avenir pour les Esat dans un marché concurrentiel ?

L’avenir des Esat dépend de leur capacité à s’insérer durablement dans l’économie. Or, les réformes des marchés publics, comme celle qui a conduit à la suppression des marchés réservés au profit de dispositifs communs, mettent en danger des structures comme celle de Hillion.

On ne demande pas de traitement de faveur , insiste Pauline Carlo. On demande juste une chance équitable. Quand on nous compare sur la qualité, le suivi, l’engagement, on est compétitifs. Mais si on nous juge uniquement sur le prix, on perd d’avance.

Pourtant, le modèle Esat évolue. De plus en plus, les entreprises cherchent à valoriser leur impact social. Le développement durable, la RSE, l’économie circulaire : autant de domaines où les Esat peuvent jouer un rôle central.

Comment les Esat peuvent-ils s’adapter aux nouvelles attentes du marché ?

Les Ateliers de la Baie ont lancé une réflexion sur l’extension de leurs activités. Par exemple, dans le tri et la valorisation de déchets spécifiques, ou dans la logistique verte. On a des compétences, de la main-d’œuvre, et une forte motivation. On peut devenir un partenaire clé dans la transition écologique.

Pauline Carlo travaille aussi sur des partenariats innovants. Elle collabore avec une start-up locale qui développe des solutions de traçabilité pour les chaînes d’approvisionnement. On pourrait assurer le conditionnement tout en alimentant un système de suivi digital. Cela ajoute de la valeur, et cela nous distingue des prestataires traditionnels.

Quel impact humain derrière chaque contrat ?

Chaque nouveau marché, chaque contrat gagné, a un impact direct sur la vie des salariés. Pour Émilie, 38 ans, ancienne enseignante reconvertie après un burn-out, travailler aux Ateliers de la Baie a été une renaissance. Ici, on ne me juge pas sur mon passé, mais sur ce que je fais aujourd’hui. Chaque tâche accomplie, c’est un pas de plus vers la confiance en moi.

Quand Pauline Carlo décroche un nouveau contrat, elle ne pense pas seulement aux chiffres. Elle pense à ces visages, à ces parcours, à ces vies transformées. Mon job, ce n’est pas juste de vendre du nettoyage ou du conditionnement. C’est de vendre de la dignité.

Conclusion

Le développement commercial dans un Esat est un métier à part entière, à la croisée de l’économie, de l’humain et de la politique publique. À Hillion, Pauline Carlo incarne cette mission avec ténacité et passion. Face aux obstacles, elle ne baisse pas les bras. Elle adapte, elle convainc, elle rebondit. Car derrière chaque signature, il y a un salarié qui retrouve un rôle, une place, une fierté. Et c’est peut-être cela, le véritable succès.

A retenir

Quel est le rôle d’un chargé de développement commercial en Esat ?

Il est chargé de conquérir et de fidéliser des marchés pour assurer la pérennité de l’établissement. Il doit allier compétences commerciales, connaissance des activités de l’Esat et sensibilité aux enjeux sociaux de l’insertion par le travail.

Pourquoi la perte d’un marché réservé est-elle critique pour un Esat ?

Les marchés réservés offraient une protection face à la concurrence purement économique. Leur suppression au profit de dispositifs ouverts à tous met les Esat en difficulté, car ils ne peuvent pas systématiquement rivaliser sur le prix, malgré une qualité de service souvent équivalente ou supérieure.

Comment un Esat peut-il rester compétitif ?

En valorisant son impact social, en diversifiant ses prestations, en améliorant la qualité de ses offres et en renforçant les relations avec les clients. La différenciation passe par la transparence, la fiabilité et la mise en avant des bénéfices RSE pour les entreprises partenaires.

Quel est l’impact d’un contrat gagné sur les salariés de l’Esat ?

Chaque contrat représente une opportunité d’emploi, de reconnaissance et de développement personnel pour les personnes en situation de handicap. Le travail leur redonne une place dans la société, une routine, et un sentiment d’utilité.

Anita

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