Espace Repit Aidants Familiaux Paimpol
Chaque jour, des milliers de personnes en France prennent soin d’un proche fragilisé par la maladie, le handicap ou la perte d’autonomie. Ces aidants, souvent invisibles, portent un fardeau émotionnel, physique et psychologique immense. À Paimpol, dans les Côtes-d’Armor, un lieu s’est spécialement créé pour leur offrir un moment de répit, d’écoute et de partage : l’espace de répit des aidants de la résidence de l’autonomie du Quinic. Ce vendredi 3 octobre 2025, vingt-quatre d’entre eux se sont réunis dans une salle lumineuse, loin de leurs routines épuisantes, pour parler, écouter, respirer. Autour d’eux, des chaises disposées en cercle, des tasses de thé fumantes, et surtout, cette envie commune de ne plus se sentir seul face à l’effort quotidien de l’accompagnement.
L’espace de répit du Quinic n’est pas un simple dispositif d’aide sociale. C’est un lieu pensé comme un refuge, un espace où les aidants peuvent poser leur charge mentale le temps d’une matinée ou d’une journée. Installé au sein d’une résidence pour personnes âgées, il incarne une forme d’entraide intergénérationnelle et de solidarité locale. Son objectif ? Offrir un moment de pause, mais aussi des outils concrets pour mieux vivre leur rôle d’accompagnant.
Chaque mois, plusieurs actions collectives sont organisées : ateliers d’expression, séances de sophrologie, groupes de parole animés par des professionnels de santé, ou encore visites culturelles. On ne vient pas ici pour se plaindre, mais pour se sentir compris , confie Élodie Le Guern, 58 ans, qui s’occupe de son mari, Pierre, atteint de la maladie de Parkinson depuis sept ans. Pendant des années, j’ai tout gardé pour moi. Aujourd’hui, je sais que je ne suis pas anormale de me sentir épuisée. Ce lieu m’a appris à reconnaître mes limites.
En France, on estime à plus de 8,3 millions le nombre d’aidants familiaux. Pourtant, ce statut n’est ni reconnu officiellement, ni toujours accompagné. Beaucoup vivent dans un isolement silencieux, coupés de leur vie sociale, de leur travail, parfois même de leur propre santé. On s’occupe de l’autre, mais qui s’occupe de nous ? interroge Sophie Vignal, psychologue spécialisée dans la prise en charge des aidants, qui anime régulièrement les groupes de parole au Quinic.
Le rôle d’aidant n’a rien d’un simple soutien logistique. Il implique des gestes intimes, des décisions médicales, une gestion administrative complexe, et surtout une vigilance constante. Quand on voit son conjoint souffrir, on ne peut pas se permettre de baisser la garde , explique Hervé Kermorvan, 67 ans, qui assiste sa sœur, Sylvie, atteinte d’une sclérose en plaques évolutive. Mais à force, on devient une éponge : on absorbe la douleur, la fatigue, la tristesse. Et un jour, on craque.
Les conséquences de ce surinvestissement sont multiples. Troubles du sommeil, anxiété, dépression, mais aussi problèmes physiques liés aux efforts répétés (port de poids, mauvaises postures). Une étude de l’Insee révèle que près de 40 % des aidants déclarent une altération de leur santé liée à leur rôle. Et pourtant, beaucoup hésitent à demander de l’aide, par sentiment de devoir, par culpabilité, ou par peur de mal faire.
C’est ce que vivait Cécile Tessier, 62 ans, avant de franchir la porte du Quinic. Pendant cinq ans, elle a accompagné son père, atteint d’Alzheimer, sans jamais s’accorder de pause. Je me levais à 5 h du matin pour lui préparer son petit-déjeuner, je le surveillais toute la journée, je le couchais, et la nuit, je guettais ses moindres mouvements. Je n’avais plus de vie. Un jour, son médecin traitant l’a fortement incitée à consulter un espace de répit. J’y suis allée à reculons. Mais dès la première séance, j’ai pleuré. C’était la première fois que je parlais de tout ça.
L’espace de répit du Quinic propose une programmation variée, conçue en lien avec les retours des aidants eux-mêmes. Les groupes de parole, animés par des psychologues ou des travailleurs sociaux, permettent de partager des expériences, d’échanger des astuces pratiques, et de se sentir moins seul. On parle de choses qu’on n’ose pas dire ailleurs : la colère, la fatigue, les moments de découragement , confie Élodie Le Guern. Ici, on ne juge pas. On écoute.
Des ateliers plus ludiques sont également organisés : peinture, écriture, jardinage thérapeutique. L’idée est de reconnecter les aidants à eux-mêmes, à ce qu’ils aimaient faire avant de devenir aidants , précise Sophie Vignal. Un moment de création, c’est un moment où on ne pense plus à la maladie, où on se retrouve.
Chaque aidant est reçu individuellement lors de son premier passage. Un entretien permet d’évaluer ses besoins, ses difficultés, et de proposer un accompagnement adapté. Certains viennent une fois par mois, d’autres toutes les semaines. Certains cherchent simplement à parler, d’autres ont besoin d’informations sur les aides financières, les structures d’accueil, ou les droits des aidants.
Hervé Kermorvan, par exemple, a bénéficié d’un accompagnement juridique pour mieux comprendre les démarches liées à la prestation de compensation du handicap (PCH). Je ne savais pas que des aides existaient pour financer des heures d’aide à domicile. Grâce à l’équipe du Quinic, j’ai pu en bénéficier. Cela a changé notre quotidien.
Le simple fait de parler, d’être entendu, peut avoir un effet profond. Depuis que je viens ici, je me sens plus forte , affirme Cécile Tessier. Je ne dis pas que la situation est facile, mais je ne me sens plus prisonnière. J’ai retrouvé un peu de légèreté.
Certains aidants témoignent même d’une amélioration dans leur relation avec la personne accompagnée. Quand je suis moins tendue, Pierre est plus serein , raconte Élodie Le Guern. C’est comme si mon bien-être avait un effet direct sur le sien.
L’espace de répit joue aussi un rôle de prévention. En identifiant précocement les signes de burn-out ou de dépression, les professionnels peuvent orienter les aidants vers des soins adaptés. On ne veut pas attendre que la crise éclate , souligne Sophie Vignal. L’accompagnement précoce, c’est ce qui évite l’effondrement.
L’espace de répit du Quinic fait partie d’un réseau encore restreint, mais en expansion. Depuis 2020, la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé a renforcé la reconnaissance des aidants, ouvrant la voie à davantage de soutien. Pourtant, les structures comme celle de Paimpol restent insuffisantes face à la demande.
On reçoit des appels de personnes qui habitent à plus de 50 km , explique la coordinatrice de l’espace. Elles sont prêtes à faire des heures de route pour venir. Cela montre à quel point ce type de lieu est nécessaire.
Des projets de création d’espaces similaires sont en cours dans plusieurs départements bretons. L’objectif est de proposer une offre de répit accessible, proche du domicile des aidants, et intégrée aux réseaux de santé locaux.
Malgré les avancées, les aidants restent souvent en première ligne sans soutien suffisant. Beaucoup ignorent qu’ils ont des droits , déplore Sophie Vignal. Et même lorsqu’ils les connaissent, les démarches sont longues, complexes.
Les espaces de répit, eux aussi, souffrent de manques structurels. Financés principalement par les départements, les caisses de retraite ou des fonds européens, ils dépendent de subventions instables. On travaille à longueur d’année pour sécuriser nos financements , confie la coordinatrice. On ne sait jamais si on pourra maintenir les activités l’année suivante.
Le défi, aujourd’hui, est sociétal. Il s’agit de faire reconnaître le rôle des aidants comme un pilier du système de santé et de l’autonomie. On ne peut pas continuer à compter uniquement sur l’abnégation des familles , affirme Élodie Le Guern. Il faut que la société comprenne que prendre soin de l’autre, c’est aussi prendre soin de ceux qui prennent soin.
L’espace de répit des aidants du Quinic à Paimpol incarne une réponse humaine, simple et profondément nécessaire à une réalité trop souvent ignorée. Il ne s’agit pas de remplacer les aidants, mais de les soutenir, de les accompagner, de leur redonner un peu de leur propre vie. Car s’occuper de soi, quand on s’occupe de l’autre, n’est pas un luxe : c’est une condition essentielle pour continuer à aider. Ces vingt-quatre personnes présentes ce matin de octobre 2025 ne sont pas des héros silencieux. Elles sont des êtres humains qui, grâce à un peu d’écoute et de temps, retrouvent la force de continuer.
Tout aidant familial ou proche accompagnant une personne en perte d’autonomie, malade ou handicapée, peut accéder à un espace de répit, sur simple demande. L’accès est gratuit et confidentiel.
Dans certains cas, des solutions de répit alterné sont proposées, avec l’accueil temporaire de la personne aidée dans un établissement ou via des services d’aide à domicile. Cela permet à l’aidant de participer aux activités sans inquiétude.
Les espaces de répit sont généralement gérés par les départements, les centres communaux d’action sociale (CCAS), ou des associations spécialisées. On peut s’adresser au médecin traitant, au service social de l’hôpital, ou consulter le site de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
Non. La participation est libre. Certains aidants préfèrent écouter, d’autres parlent dès la première séance. L’important est de se sentir en sécurité et respecté dans son rythme.
Un lieu d’écoute, de soutien et d’accompagnement pour les aidants familiaux, offrant des temps de pause, des activités et des conseils pratiques.
Parce que les aidants sont essentiels au maintien à domicile des personnes fragiles, mais qu’ils risquent l’épuisement s’ils ne reçoivent pas de soutien.
Un aidant accompagné et épaulé est plus serein, plus disponible, et souvent plus efficace dans son rôle. Le répit de l’un bénéficie indirectement à l’autre.
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