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Une étudiante sénégalaise exemplaire menacée d’expulsion en 2025 malgré son parcours et son emploi en France

Une jeune femme arrive en France avec un rêve : s’insérer, apprendre, contribuer. Neuf ans plus tard, diplômes en poche, promesse d’emploi concrète et soutien unanime de ses formateurs, elle se retrouve confrontée à une décision administrative qui menace de tout briser. Marie-Thérèse Gomis, étudiante sénégalaise en mastère d’ingénierie patrimoniale à la Talis Business School de Bayonne, incarne aujourd’hui un paradoxe profond : celui d’un parcours d’excellence mis en suspens par une OQTF – une obligation de quitter le territoire français – alors même que son avenir professionnel est déjà dessiné. Autour d’elle, enseignants, employeurs et collègues s’organisent. La tension monte. L’administration juge-t-elle seulement la régularité du séjour, ou évalue-t-elle aussi la valeur d’un parcours ?

Qui est Marie-Thérèse Gomis, et pourquoi son cas soulève-t-il tant d’interrogations ?

Un parcours académique sans faille

Marie-Thérèse Gomis arrive en France en 2016, munie d’un visa étudiant, pour étudier le droit des affaires à Strasbourg. Ce n’est pas un caprice : c’est une stratégie. Diplômée de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, elle veut approfondir ses connaissances dans un système juridique aux ramifications internationales. Elle suit ensuite des formations à Paris, à Mulhouse, puis à Rodez, accumulant les validations d’acquis et les stages. À chaque étape, elle s’impose par sa rigueur. « Elle ne se contente jamais de la surface », confie Jean-Paul Gibert, ancien directeur pédagogique à Rodez. « Quand elle aborde un sujet, elle le démonte, le reconstruit, et le remet dans un contexte global. C’est rare, même chez les meilleurs. »

En 2023, elle intègre la Talis Business School à Boucau, près de Bayonne, pour un mastère spécialisé en ingénierie patrimoniale. Là, elle capte l’attention de Manuel Herrero, notaire de renom et enseignant en droit des successions. « J’ai vu des centaines d’étudiants. Marie-Thérèse est l’une des rares à avoir produit un mémoire sur la transmission d’entreprise qui tienne la route sur le plan technique, tout en étant humainement ancré. Elle parle des familles, des conflits, des silences. Ce n’est pas du droit froid. C’est du droit vécu. »

Un engagement qui déborde des salles de classe

Fabienne Ribes, directrice de la Talis Business School, la décrit comme « exemplaire ». « Elle arrive en avance, prépare tout, relit les consignes, et vient discuter de ses projets avec une humilité qui force le respect. » Ce n’est pas seulement une bonne élève : c’est une personne engagée. Elle participe aux projets collectifs, aide ses camarades, et même lors des pauses, on la voit souvent en discussion avec des professeurs sur des cas concrets. « Elle ne veut pas juste réussir. Elle veut comprendre », ajoute Marion Minvielle, formatrice en fiscalité. « Et quand elle comprend, elle veut transmettre. »

Son mémoire, en cours de finalisation, porte sur la création, la cession et la transmission d’entreprise – un sujet d’actualité dans un contexte de vieillissement des chefs d’entreprise français. Elle y traite non seulement des aspects juridiques et fiscaux, mais aussi des dynamiques familiales, des tensions entre générations, des enjeux de gouvernance. « C’est un travail impressionnant », insiste Herrero. « Si elle ne peut pas le soutenir, ce n’est pas seulement une injustice pour elle. C’est une perte pour le système éducatif. »

Pourquoi l’administration a-t-elle pris une telle décision ?

Une série d’OQTF : une trajectoire administrative complexe

Le parcours de Marie-Thérèse Gomis est régulier sur le plan académique, mais il a été entrecoupé de décisions administratives. La première OQTF lui a été notifiée en mars 2021 dans le Val-d’Oise, alors qu’elle résidait temporairement à Paris. Le tribunal administratif de Pontoise a confirmé cette décision en janvier 2023, estimant qu’elle ne justifiait pas d’attaches suffisantes sur le territoire. Une seconde OQTF a été émise en septembre 2023 en Aveyron, où elle suivait une formation complémentaire. Celle-ci fait toujours l’objet d’un recours en appel.

La troisième, la plus récente, émane de la préfecture des Pyrénées-Atlantiques. Datée d’août 2024, elle est exécutoire. Pourtant, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande d’urgence déposée par sa défense, sans pour autant trancher sur le fond. La procédure continue. Un recours gracieux a été déposé auprès du préfet. « On est dans un paradoxe absolu », déplore son avocat, Me Lucien Tarrade. « Elle est autorisée à rester pour suivre sa formation, mais on lui dit en même temps qu’elle doit partir. Comment peut-on former quelqu’un pour le renvoyer au moment où il est prêt à servir ? »

Le cœur du débat : qu’est-ce qu’une « insertion durable » ?

La préfecture invoque deux motifs principaux : l’absence d’attaches privées et un « manquement manifeste de déférence ». Marie-Thérèse Gomis est célibataire, sans enfants, et vit seule. Selon l’administration, neuf ans de présence sur le territoire ne suffisent pas à prouver une intégration durable. « Ce raisonnement me sidère », réagit Jean-Paul Gibert. « On juge l’intégration non pas sur les actes, mais sur des critères de forme. Elle a étudié, travaillé, produit, contribué. Elle a des liens familiaux en France : un frère et une sœur à Paris, deux oncles, dont l’un est vicaire épiscopal à Mulhouse. Ce ne sont pas des attaches ? »

La notion de « déférence » est elle aussi floue. Selon Me Tarrade, cela renvoie à une attitude jugée insuffisamment coopérative lors de précédents entretiens. « Mais elle a toujours respecté les procédures, fourni les documents, répondu aux convocations. Dire qu’elle manque de déférence, c’est dire qu’elle ne baisse pas assez la tête. C’est une critique de posture, pas de fond. »

Quel avenir professionnel lui est promis, et pourquoi cela compte ?

Un CDI suspendu, mais pas abandonné

En 2023, durant un stage à Agen, Marie-Thérèse Gomis est repérée par Frédéric Bulf, associé du cabinet d’expertise comptable BM Expertise. « On cherchait quelqu’un avec une double compétence : juridique et patrimoniale. Elle avait tout. » Le cabinet lui propose un CDI à compter de juin 2023. Pour qu’elle puisse achever sa formation à Bayonne, le contrat est suspendu, mais la promesse d’embauche reste ferme.

« On ne fait pas ça pour n’importe qui », précise Bulf. « On a prévu de créer un pôle juridique et patrimonial, et on l’a choisie pour le co-diriger. Elle sera cheffe de mission, et à terme, directrice générale associée. Ce n’est pas un poste symbolique. C’est une responsabilité stratégique. »

Le cabinet a même rédigé une lettre officielle adressée à la préfecture, dans laquelle il affirme que l’embauche est conditionnée à l’obtention du diplôme, lui-même conditionné à la soutenance. « Si elle est expulsée, on perd une collaboratrice clé, mais elle perd surtout une légitimité. Ce n’est pas seulement un contrat de travail. C’est un projet de vie professionnelle. »

Un modèle d’intégration par la formation et l’emploi

Marion Minvielle souligne un point crucial : « Ce n’est pas l’État qui va la former pour la renvoyer. C’est elle qui s’est formée, qui a investi du temps, de l’argent, de l’énergie, et qui a trouvé un employeur avant même d’avoir son diplôme. Elle ne demande pas une faveur. Elle demande qu’on reconnaisse ce qu’elle a fait. »

Le cas de Marie-Thérèse Gomis révèle une faille dans le système : alors que la France lance des appels à l’attractivité des talents étrangers, notamment dans les domaines juridiques et financiers, elle expulse des personnes qui ont justement su répondre à cet appel. « Elle n’a pas profité du système », insiste Manuel Herrero. « Elle l’a épousé. Elle parle parfaitement le français, connaît nos institutions, respecte nos règles. Elle ne veut pas rester. Elle veut participer. »

Quelles sont les implications humaines et politiques de cette affaire ?

Entre circulaires et réalités vécues

Le contexte politique n’est pas neutre. En janvier 2025, la « circulaire Retailleau » a durci les critères d’octroi du séjour pour les étudiants étrangers, en exigeant une preuve plus stricte de régularité et d’insertion. À l’inverse, la « circulaire Valls » de 2012 encourageait une approche plus humaine, tenant compte du parcours individuel, des efforts d’intégration, et des perspectives professionnelles.

« On passe d’une logique de reconnaissance à une logique de suspicion », analyse Me Tarrade. « Marie-Thérèse est le symbole de cette bascule. Elle fait tout ce qu’on lui demande, mais on lui dit que ce n’est pas assez. »

Le débat dépasse l’individu. Il touche à la cohérence du système d’immigration française. « On forme des gens, on les valorise, on les embauche, et puis on les expulse parce qu’ils n’ont pas d’enfant ou qu’ils ne sont pas mariés ? » s’interroge Jean-Paul Gibert. « C’est absurde. On devrait mesurer l’intégration à l’aune de ce que les gens apportent, pas à celle de ce qu’ils consomment. »

Un appel à la cohérence des institutions

Les soutiens à Marie-Thérèse Gomis ne viennent pas seulement de son école ou de son futur employeur. Des collectifs d’étudiants, des associations de défense des droits, et même des élus locaux ont relayé son cas. « Ce n’est pas une affaire de laxisme », précise un élu bayonnais sous couvert d’anonymat. « C’est une affaire de cohérence. Si on veut attirer des talents, il faut qu’ils puissent rester. Sinon, on envoie un message clair : la France forme, mais ne retient pas. »

La décision finale appartient au préfet. Elle pourrait intervenir dans les semaines à venir. Entre-temps, Marie-Thérèse Gomis continue de préparer sa soutenance, malgré l’angoisse. « Je ne demande pas une faveur, je demande justice », dit-elle simplement. « Je suis ici depuis neuf ans. J’ai étudié, travaillé, payé mes impôts, respecté les lois. Je ne veux pas fuir. Je veux construire. »

Quel avenir pour les étudiants étrangers en France ?

Un cas emblématique d’un mal plus large

Le cas de Marie-Thérèse Gomis n’est pas isolé. Chaque année, des dizaines d’étudiants étrangers, souvent brillants et bien intégrés, se retrouvent confrontés à des OQTF alors qu’ils sont sur le point d’entrer dans la vie active. Leurs parcours sont réguliers, leurs motivations claires, mais leurs dossiers sont rejetés faute de « preuves suffisantes » d’insertion.

« Il faut repenser la notion d’attaches », estime Marion Minvielle. « Un diplôme en poche, un CDI signé, des compétences rares – ce sont des attaches. Plus que des liens familiaux, parfois. »

La France a besoin de talents dans des domaines comme la finance, le droit, la gestion patrimoniale. Or, les filières de formation supérieure attirent des étudiants internationaux motivés. Le risque, c’est de les former… pour les renvoyer à d’autres pays, qui eux les accueillent à bras ouverts.

Une décision à venir, un symbole en suspens

La soutenance de Marie-Thérèse Gomis est prévue en septembre. Si l’OQTF est exécutée, elle devra quitter le territoire avant même de présenter son mémoire. Son employeur, son école, ses professeurs espèrent une décision favorable. « Ce n’est pas seulement une question de droit », conclut Manuel Herrero. « C’est une question d’équité. Et peut-être, aussi, de dignité. »

A retenir

Pourquoi Marie-Thérèse Gomis fait-elle l’objet d’une OQTF alors qu’elle est étudiante ?

L’administration invoque l’absence d’attaches privées et un prétendu manquement de déférence. Malgré un parcours académique régulier et neuf années de présence en France, ces critères sont jugés insuffisants pour justifier le maintien de son séjour.

Quel est son niveau d’intégration en France ?

Marie-Thérèse Gomis a suivi des formations dans plusieurs villes françaises, a accumulé les validations de compétences, et est sur le point d’obtenir un diplôme reconnu. Elle parle couramment le français, travaille depuis des années, et entretient des liens familiaux en France. Son intégration est professionnelle, académique et sociale.

Quelle est la position de son futur employeur ?

BM Expertise, cabinet d’Agen, lui a offert un CDI et prévoit de lui confier la co-direction d’un nouveau pôle juridique et patrimonial. Il considère qu’elle est essentielle à son développement et déplore l’incertitude administrative qui menace son recrutement.

Quel est l’enjeu symbolique de cette affaire ?

Cette affaire met en lumière une contradiction entre les politiques d’attractivité des talents et les pratiques d’expulsion administratives. Elle questionne la capacité de la France à retenir ceux qui ont investi dans son système éducatif et qui sont prêts à y contribuer.

Quelle décision peut-on attendre ?

Un recours gracieux est en cours auprès du préfet des Pyrénées-Atlantiques. La décision finale dépendra d’une appréciation souveraine de l’administration, dans un contexte marqué par des circulaires récentes favorisant une approche plus restrictive.

Anita

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