Expo Innovante Art Accessible Non Voyants Maine Et Loire
En septembre 2024, un souffle nouveau a parcouru les médiathèques de Beaucouzé et de Verrières-en-Anjou. Le Tactile tour, une exposition itinérante imaginée par l’association Valentin-Haüy, a fait escale dans ces lieux culturels, transformant le regard en toucher, le silence en dialogue, et l’invisibilité en partage. Ce projet, porté par le Bibliopôle du Maine-et-Loire, n’était pas seulement une exposition : c’était une invitation à vivre l’art autrement, à expérimenter la culture sans dépendre de la vue. Pendant plusieurs semaines, enfants, adultes, personnes aveugles, malvoyantes ou voyantes ont arpenté les espaces d’exposition avec les doigts, redécouvrant des chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art à travers des modélisations 3D tactiles. Une expérience sensorielle, collective, et profondément humaine, qui interroge notre rapport à l’inclusion culturelle.
Le Tactile tour est une initiative conçue par l’association Valentin-Haüy, fondée en 1889 par Maurice de La Sizeranne pour soutenir les personnes déficientes visuelles. Ce dispositif itinérant propose une approche inédite de l’art : il permet de voir avec les mains. Douze œuvres majeures, allant de Léonard de Vinci à Vincent Van Gogh en passant par Edgar Degas et Jan de Beer, ont été reproduites en relief, fidèlement modélisées en trois dimensions. Chaque sculpture tactile est accompagnée d’un livret en braille, d’un texte en gros caractères, et d’une version audio décrite, offrant un accès multiple à l’œuvre.
Le génie de cette exposition réside dans son universalité. Elle n’est pas destinée uniquement aux personnes aveugles ou malvoyantes, mais à tous. En invitant le public à toucher ce que l’on regarde habituellement, elle bouscule les codes muséaux. Permis de toucher : ce slogan, scandé dans les médiathèques, a pris une dimension symbolique. Il incarne une rupture avec les normes traditionnelles de l’exposition, où le regard est roi et le toucher interdit. Pour Élise Delval, médiatrice culturelle à la médiathèque Anita-Conti, ce projet a changé notre manière d’accueillir le public. On ne parle plus d’accessibilité comme d’une contrainte, mais comme d’une richesse. Quand un enfant de 8 ans découvre La Nuit étoilée de Van Gogh en suivant les courbes du ciel avec ses doigts, il vit l’émotion autrement. Et ça, c’est transformateur.
Transformer une peinture en objet tactile demande une précision scientifique et artistique. Chaque œuvre a été numérisée, puis reconstituée en relief grâce à des logiciels de modélisation 3D. Les contrastes de lumière, les coups de pinceau, les textures — autant d’éléments visuels — sont traduits en variations de hauteur, de rugosité, de profondeur. Le spectateur peut ainsi sentir la touffe d’herbe dans un tableau de Degas, ou les tourbillons du ciel dans une œuvre de Van Gogh.
Pauline Rouvier, conceptrice sonore du projet, explique : Notre but n’était pas de remplacer la vue, mais de créer une expérience parallèle. L’audio-décrit est une narration précise, qui guide sans imposer. Elle décrit non seulement ce que l’on voit, mais ce que l’on pourrait ressentir : la tension d’un visage, la douceur d’un tissu, le mouvement d’un bras.
Cette approche sensorielle a particulièrement touché Thomas Lefebvre, un homme de 67 ans aveugle depuis l’âge de 40 ans. J’ai toujours aimé l’art, mais après ma perte de vision, je me suis senti exclu. Là, pour la première fois, j’ai pu “voir” une œuvre de Degas. J’ai senti la ballerine penchée sur sa jambe, les plis de sa jupe. Et l’audio m’a raconté la scène comme un film. C’était… émouvant. J’avais l’impression de retrouver une part de moi.
Le Tactile tour s’inscrit dans un projet plus vaste intitulé Lire autrement , qui s’étendra jusqu’en mars 2026 dans les médiathèques du Maine-et-Loire. Ce fil rouge culturel explore de nouvelles formes d’accès au savoir et à la création, en s’appuyant sur des technologies adaptées.
Un des piliers de cette initiative est le format Daisy, un système de lecture numérique spécialement conçu pour les personnes en situation de handicap visuel. Contrairement aux livres audio classiques, Daisy permet de naviguer dans le texte comme dans un livre papier : sauter des chapitres, revenir en arrière, faire des recherches. Ce format est distribué via Eole, la bibliothèque numérique de l’association Valentin-Haüy, qui propose aujourd’hui près de 70 000 ouvrages en libre accès.
Camille Berthier, bibliothécaire à Verrières-en-Anjou, témoigne : On a vu des personnes âvées venir chercher des romans policiers en Daisy. Elles nous disaient : “Enfin, on peut choisir ce qu’on lit, comme tout le monde.” C’est une forme de liberté que l’on ne mesure pas assez.
L’exposition a été vécue comme un moment de rencontre. À Beaucouzé, une classe de CM2 a participé à un atelier tactile encadré par des bénévoles de l’association Valentin-Haüy. Les enfants, d’abord hésitants, ont rapidement plongé dans l’expérience. Au début, ils avaient peur de toucher, raconte leur enseignante, Sophie Tanguy. On leur a répété toute leur vie : “Ne touche pas !” Là, on leur disait : “Touche, explore !” Et ça a changé leur regard. Certains ont même demandé à être guidés les yeux bandés par un camarade.
Cette inversion des rôles — les voyants devenant les non-voyants le temps d’un atelier — a eu un effet puissant. Elle a mis en lumière les difficultés du quotidien : se déplacer, identifier un objet, comprendre une image. J’ai compris que je ne voyais pas, j’observais. Mais je ne ressentais pas. Là, j’ai ressenti , confie Lucas, 10 ans, après avoir exploré une reproduction tactile de La Joconde.
Pour Hélène Bernugat, adjointe à la culture, cette expérience dépasse le cadre culturel : Baisser les barrières, c’est se mettre à la place de l’autre. Ce concept de “permis de toucher” a pris ici tout son sens. Ce n’est pas seulement une exposition pour les malvoyants : c’est une exposition contre l’indifférence.
Malgré les avancées, les acteurs du projet insistent sur le chemin restant à parcourir. Nathalie Pommier, chargée du public à besoins spécifiques au Bibliopôle 49, souligne : C’était une première sur le département. Il y a encore un long chemin à parcourir, mais en mutualisant nos forces, en créant du lien et en connaissant les besoins, il y a moyen de développer cette offre et surtout de la faire connaître.
Le défi n’est pas uniquement technique, mais culturel. Il s’agit de changer les mentalités, de convaincre les institutions que l’inclusion n’est pas une obligation, mais une source d’enrichissement. Yves Colliot, maire de Beaucouzé, estime que ce Tactile tour est une belle œuvre collective qui offre une perspective profondément inclusive et novatrice sur l’accès à la culture. Il a su interroger, éveiller la curiosité. Cette excellente expérience en appelle d’autres.
Des discussions sont déjà en cours pour intégrer des dispositifs tactiles dans d’autres lieux culturels du département : musées, salles de concert, théâtres. L’idée est de ne plus penser l’accessibilité comme une adaptation a posteriori, mais comme une dimension fondatrice de la création culturelle.
Derrière les chiffres et les projets, ce sont des vies qui ont été touchées. Clémentine Faure, une jeune femme atteinte de rétinopathie pigmentaire, a découvert l’exposition avec son fils de 5 ans. Il m’a pris la main et m’a dit : “Maman, touche, c’est un cheval !” J’ai senti les jambes tendues, la crinière en relief… Et j’ai pleuré. C’était la première fois que je partageais une œuvre d’art avec lui de cette manière. Avant, je devais me contenter de décrire. Là, on a vécu ensemble.
D’un autre côté, Antoine Rivière, un retraité voyant, confie : Je suis venu par curiosité. Je ne pensais pas être autant ému. En touchant le visage de Mona Lisa, j’ai senti une émotion que je n’avais jamais eue en la regardant. C’est paradoxal, mais c’est vrai : j’ai “vu” cette œuvre pour la première fois grâce au toucher.
Le Tactile tour démontre que l’inclusion culturelle n’est pas une question de moyens, mais de volonté. Elle repose sur trois piliers : la technologie au service du sens, la collaboration entre institutions et associations, et surtout, une vision humaine de la culture. L’art ne doit pas être un privilège du regard, mais une expérience partagée.
Les médiathèques, souvent perçues comme des lieux de conservation, se révèlent ici comme des espaces de transformation. Elles deviennent des laboratoires d’innovation sociale, où l’on expérimente de nouvelles formes de lien. Comme le dit Élise Delval : On ne change pas seulement l’accès à l’art. On change la manière dont on se regarde les uns les autres.
Le Tactile tour vise à rendre l’art accessible aux personnes aveugles, malvoyantes ou voyantes en proposant des reproductions tactiles d’œuvres picturales majeures, accompagnées de descriptions en braille, en gros caractères et en audio. Il s’agit de promouvoir une culture inclusive et sensorielle.
Le projet est imaginé et porté par l’association Valentin-Haüy, spécialisée dans l’aide aux personnes déficientes visuelles. Il est déployé en collaboration avec le Bibliopôle du Maine-et-Loire, qui coordonne les médiathèques du territoire.
Le format Daisy permet une navigation fluide dans les livres numériques, similaire à celle d’un livre papier. Il est particulièrement adapté aux personnes aveugles ou dyslexiques, et s’intègre à la bibliothèque numérique Eole, qui en propose des milliers d’exemplaires.
L’exposition présente douze œuvres d’artistes renommés, dont Léonard de Vinci, Edgar Degas, Jan de Beer et Vincent Van Gogh. Chaque reproduction est fidèle aux textures, formes et compositions originales, traduites en relief.
Le projet “Lire autrement” se poursuit jusqu’en mars 2026 dans les médiathèques du Maine-et-Loire. Il prévoit d’étendre les dispositifs tactiles, d’enrichir l’offre numérique et de former les médiateurs culturels à l’inclusion. Des partenariats avec d’autres lieux culturels sont également envisagés.
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