Fermeture Ecole Zuckerberg 2025 Et Philanthropie Milliardaires
En 2016, l’annonce de la création de The Primary School par Mark Zuckerberg et Priscilla Chan a été perçue comme un tournant dans la philanthropie moderne : une école innovante, conçue pour briser le cycle de la pauvreté en offrant à des enfants défavorisés un accès simultané à l’éducation, aux soins médicaux et au soutien familial. Financée par la Chan Zuckerberg Initiative (CZI), cette école californienne incarnait un rêve ambitieux, presque utopique. Pourtant, dix ans plus tard, le rêve s’effondre. En avril 2025, la fermeture de l’établissement a été confirmée, avec une date butoir fixée à 2026. Une décision qui, si elle n’a pas été officiellement commentée, révèle des failles profondes dans les modèles de philanthropie contemporaine. Derrière les chiffres, les témoignages de familles, d’éducateurs et d’experts tracent un portrait complexe d’un engagement qui, malgré ses promesses, peine à s’inscrire dans la durée.
The Primary School, basée à East Palo Alto, une communauté historiquement marginalisée, n’était pas une simple école. Elle proposait un modèle intégré, où chaque enfant bénéficiait d’un suivi scolaire personnalisé, d’un accès à des soins pédiatriques sur place, et d’un accompagnement parental. Ce concept, rare aux États-Unis, visait à traiter les causes profondes de l’échec scolaire : instabilité familiale, manque de soins, précarité économique. Pour des familles comme celle de Léa Torres, mère de deux enfants inscrits dès la maternelle, cette école a été une bouée de sauvetage. “Avant, j’étais seule. Je travaillais deux emplois, sans assurance santé, et mes enfants changeaient d’école tous les ans. Ici, on nous a écoutés, soignés, accompagnés. Ce n’était pas qu’une école, c’était une famille”, témoigne-t-elle, la voix serrée.
Entre 2018 et 2024, la CZI a injecté environ 100 millions de dollars dans le projet. Un montant colossal, qui reflète la volonté affichée de transformer l’éducation. Pourtant, malgré ces fonds, l’école n’a jamais atteint l’autonomie financière. Contrairement aux écoles publiques traditionnelles, elle ne bénéficiait pas d’un financement pérenne de l’État, ni d’un réseau de donateurs diversifié. “Nous étions dépendants à 90 % de la CZI”, confie Jamal Reed, ancien directeur pédagogique. “Quand les dons ont commencé à baisser, on a senti le sol se dérober.”
En 2024, la fortune de Mark Zuckerberg a dépassé les 200 milliards de dollars, tirée par la flambée des actions Meta et l’essor de l’intelligence artificielle. Dans ce contexte, la fermeture d’une école fondée par lui-même pour aider les plus démunis apparaît comme un paradoxe moral. “On ne parle pas d’un petit budget”, souligne Émilie Laurent, chercheuse en politiques éducatives à Sciences Po. “On parle d’un projet qui a coûté 100 millions de dollars, soit moins de 0,05 % de la fortune actuelle de Zuckerberg. La question n’est donc pas celle des moyens, mais de la volonté.”
Les chiffres sont éloquents : les dons de la CZI à The Primary School sont passés de 8 millions de dollars en 2022 à 3,7 millions en 2023. Une baisse drastique, qui a rendu l’exploitation impossible. Mais aucune communication officielle n’a accompagné ce retrait. “On nous a dit que les priorités changeaient”, raconte Aïda Ben Salah, enseignante depuis l’ouverture. “Mais on ne sait toujours pas ce que cela signifie exactement. Un jour, on nous a informés que l’école fermerait. Sans plan de transition, sans aide pour les familles.”
Le cas de The Primary School illustre les dangers d’un modèle où une initiative sociale repose sur un unique mécène. Jean-Claude Brizard, président du conseil d’administration, a été clair : “Un projet qui dépend à ce point d’un seul financeur ne peut pas être durable. La philanthropie ne peut pas remplacer les politiques publiques.” Ce constat rejoint une critique croissante : les milliardaires, aussi bien intentionnés soient-ils, ne peuvent pas se substituer à des systèmes publics robustes.
Contrairement aux institutions publiques, les fondations privées comme la CZI ne sont pas tenues de rendre des comptes à une assemblée élue ou à une autorité régulatrice. Elles décident seules de leurs priorités, sans consultation des bénéficiaires. “Nous n’avons jamais été invités à participer aux décisions stratégiques”, déplore Léa Torres. “On nous disait : ‘Nous savons ce qui est bon pour vous.’” Ce paternalisme, fréquent dans la philanthropie technologique, peut saper la légitimité des projets, même bien intentionnés.
Le principal enseignement de cette fermeture est la nécessité de diversifier les financements. “Les projets sociaux doivent être conçus dès le départ pour vivre sans leur fondateur”, affirme Émilie Laurent. Cela passe par des partenariats avec les collectivités locales, des campagnes de financement participatif, ou des modèles hybrides public-privé. L’école KIPP aux États-Unis, par exemple, combine subventions publiques, dons privés et fonds propres, ce qui lui assure une stabilité que The Primary School n’a jamais connue.
La philanthropie des ultra-riches ne doit plus être perçue comme une solution miracle, mais comme un catalyseur temporaire. “Zuckerberg a eu raison d’essayer”, juge Jamal Reed. “Mais il aurait dû construire cette école pour qu’elle survive à son départ. Ce n’est pas un échec technique, c’est un échec de transmission.”
La CZI a annoncé vouloir réorienter ses efforts vers la recherche en intelligence artificielle et en biotechnologie. Ces domaines, bien que prometteurs, sont souvent perçus comme plus “sexy” et médiatisés que l’éducation des enfants pauvres. “Il y a une tendance à privilégier les innovations high-tech, qui offrent des retombées rapides et visibles”, analyse Émilie Laurent. “Mais les besoins les plus urgents sont ailleurs : dans les quartiers défavorisés, dans les hôpitaux sous-financés, dans les écoles en manque de profs.”
Pour les 350 élèves concernés, la fermeture de l’école représente un bouleversement profond. “Mon fils a des troubles de l’attention”, raconte Aïda Ben Salah. “Ici, il était suivi par une équipe médicale et pédagogique. Maintenant, je dois tout recommencer : trouver une nouvelle école, refaire les diagnostics, tout.”
Les autorités locales tentent de réaffecter les élèves dans d’autres établissements, mais les capacités sont limitées. “Nous avons fait des efforts”, reconnaît Maria González, conseillère municipale d’East Palo Alto. “Mais aucune école ne propose ce niveau d’accompagnement intégré. On perd un modèle unique.”
Des initiatives comme la coopérative éducative de Detroit montrent qu’il est possible de créer des écoles pilotées par les parents, les enseignants et les habitants. “Le pouvoir de décision est partagé, et le financement vient de multiples petits donateurs locaux”, explique Omar Diallo, fondateur du projet. “On ne dépend pas d’un milliardaire, on dépend de la communauté.”
Certains experts appellent à réguler la philanthropie privée. “On ne peut pas laisser des fondations privées décider seules de l’avenir de services publics essentiels”, plaide Émilie Laurent. Des propositions émergent pour imposer des audits sociaux, des comités de bénéficiaires, ou des obligations de pérennisation.
Malgré un investissement initial massif de la Chan Zuckerberg Initiative, l’école n’a jamais réussi à diversifier ses sources de financement. La baisse des dons de la CZI, liée à un changement de priorités stratégiques vers la technologie, a rendu l’exploitation financièrement insoutenable, conduisant à une fermeture programmée pour 2026.
Oui, mais pas dans le sens où on pourrait le croire. Bien que sa fortune ait augmenté, le retrait de financement n’est pas dû à un manque de moyens, mais à un choix stratégique de la CZI. Cela souligne que la philanthropie des milliardaires dépend de leurs priorités personnelles, parfois déconnectées des besoins sociaux.
Les autorités locales s’efforcent de réaffecter les élèves, mais aucune école ne propose un modèle aussi intégré que The Primary School. Beaucoup de familles redoutent une perte de suivi médical et pédagogique, surtout pour les enfants ayant des besoins spécifiques.
Non, mais c’est un signal d’alerte. Ce cas pousse à repenser les modèles de financement, à exiger plus de transparence et à favoriser des projets conçus pour durer, indépendamment de leurs fondateurs. La philanthropie doit servir les communautés, pas les ego des bienfaiteurs.
La fermeture de The Primary School n’est pas seulement la fin d’un projet éducatif. C’est un miroir tendu à la philanthropie du XXIe siècle : brillante, ambitieuse, mais souvent fragile, centralisée, et déconnectée des réalités qu’elle prétend transformer. Les témoignages des familles, des enseignants, des chercheurs, rappellent une vérité simple : aucune école, aussi innovante soit-elle, ne peut survivre sans racines profondes dans la communauté et sans un modèle économique solide. L’héritage de The Primary School ne se mesurera pas à sa durée, mais à la leçon qu’elle laisse : la générosité ne suffit pas. Il faut aussi de la sagesse, de la modestie, et une vision à long terme. Pour que la prochaine école fondée par un milliardaire ne connaisse pas le même sort, il faudra qu’elle soit conçue non comme une œuvre personnelle, mais comme un bien commun.
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