Hausse Droits Douane Menace Emplois Suisse 2025
Depuis le 7 août, une onde de choc traverse l’industrie suisse. Une décision prise par l’administration américaine sous l’impulsion de Donald Trump a déclenché une surtaxe douanière de 39 % sur certains produits manufacturés en Suisse. Cette mesure, brutale et ciblée, place les entreprises helvétiques dans une position de fragilité inédite face à leurs concurrents européens. Alors que les exportations vers les États-Unis représentent un pilier essentiel de nombreuses chaînes de valeur, les carnets de commande se vident, les projets d’investissement sont repensés, et des réorganisations industrielles s’accélèrent. Derrière les chiffres, ce sont des stratégies, des emplois et une certaine idée du « Made in Switzerland » qui sont désormais en jeu.
Le secteur industriel suisse, réputé pour sa haute précision et son innovation, est particulièrement vulnérable à cette nouvelle politique tarifaire. Les entreprises spécialisées dans les biens d’équipement, les machines de haute technologie et les dispositifs médicaux sont les premières frappées. Ces produits, souvent intégrés dans des chaînes de production américaines, voient leur coût exploser à l’importation, mettant en péril des partenariats de longue date.
À Rüti, dans le canton de Zurich, PackSys Global, fabricant de machines d’emballage pour l’industrie pharmaceutique et cosmétique, subit déjà les conséquences directes. Beat Rupp, son directeur général, a vu plusieurs contrats annulés en l’espace de quelques semaines. « Un client du Midwest nous a dit clairement : votre machine est excellente, mais à ce prix, nous ne pouvons plus l’acheter », raconte-t-il. Jusqu’alors, la Suisse bénéficiait d’un avantage compétitif fondé sur la qualité, mais cette surtaxe de 39 % creuse un écart insurmontable. L’entreprise envisage désormais de basculer une partie de sa production vers son usine en Slovaquie, déjà existante, pour continuer à servir le marché américain sans déclencher la surtaxe.
La réponse n’est pas uniforme, mais elle suit une logique commune : se rapprocher du client, quitte à délocaliser. Thermoplan, basée à Weggis, dans les Alpes lucernoises, est un exemple frappant. Depuis 1999, cette entreprise fournit Starbucks en machines à café haut de gamme. Adrian Steiner, son PDG, explique qu’il a reçu un courrier alarmant de son partenaire américain : des pièces détachées bloquées à la frontière, des retards de livraison, et des coûts supplémentaires qui sapent la rentabilité. « C’est une super catastrophe absolue », lâche-t-il, un ton rare chez un industriel habitué à la discrétion.
Steiner, qui s’était toujours opposé à la délocalisation, admet aujourd’hui que « la situation nous force à changer de cap ». Un site de production aux États-Unis, probablement dans le Midwest, est désormais à l’étude. Le défi est colossal : recruter, former, transférer du savoir-faire, tout en maintenant la qualité. Mais l’enjeu est clair : perdre le marché américain, c’est risquer de disparaître.
À Thoune, dans le canton de Berne, Katrin Fuhrer, fondatrice de TOFWERK, une PME spécialisée dans les spectromètres de masse, observe une inquiétude grandissante chez ses clients universitaires et industriels aux États-Unis. « Ils nous demandent si nos prix vont augmenter, si les délais vont s’allonger. On sent qu’ils commencent à regarder ailleurs. » Fuhrer redoute des annulations massives si la surtaxe persiste. Elle évalue sérieusement l’ouverture d’un site de production ou d’assemblage aux États-Unis, « non pas par choix, mais par nécessité stratégique ».
Le secteur de la technique médicale, fleuron de l’industrie suisse, n’est pas épargné. Ypsomed, basée à Burgdorf, produit des dispositifs d’injection pour le traitement du diabète. Bien que seule une petite partie de sa production soit exportée directement en provenance de Suisse — environ 5 % —, cette part est stratégique. Simon Michel, son PDG, souligne que « ces produits sont souvent des prototypes ou des séries limitées destinées à des essais cliniques. Leur perte de compétitivité peut retarder des lancements mondiaux ».
Face à la surtaxe de 39 %, Ypsomed a pris une décision radicale : transférer la moitié de sa production destinée aux États-Unis vers son site allemand de Schwerin, ouvert en 2019. « À 10 ou 15 %, on aurait pu absorber le coût. À 39 %, c’est impossible », affirme Michel. L’entreprise prépare également un investissement massif de 300 millions de francs suisses pour construire une usine aux États-Unis, probablement sur la côte Est, d’ici l’année prochaine. « Il ne s’agit plus de faire du “Swiss made” à tout prix, mais de garantir la continuité de la chaîne d’approvisionnement », insiste-t-il.
Tecan, géant zurichois de la biotechnologie, illustre une stratégie différente : l’anticipation. Avec 55 % de son chiffre d’affaires réalisé aux États-Unis, l’entreprise avait déjà anticipé les risques liés aux tensions commerciales en développant une importante capacité de production sur place, notamment en Californie. Aujourd’hui, face à la nouvelle surtaxe, elle envisage d’étendre encore ses sites américains, tout en renforçant sa présence en Malaisie pour diversifier ses chaînes d’approvisionnement.
« Nous ne pouvons pas tout produire en Suisse et espérer rester compétitifs », explique un cadre de l’entreprise, qui préfère rester anonyme. « La décentralisation industrielle n’est plus une option, c’est une obligation. » Tecan réussit à maintenir son ingénierie et sa R&D en Suisse, tandis que la production s’adapte aux marchés. Ce modèle hybride, appelé « global engineering, local manufacturing », devient une référence pour d’autres entreprises helvétiques.
La question des emplois est au cœur des débats. Si les entreprises transfèrent une partie de leur production à l’étranger, cela pourrait entraîner des réductions d’effectifs en Suisse, surtout dans les secteurs de l’assemblage et de la logistique. Beat Rupp de PackSys Global estime que « si nous devons déplacer 40 % de notre production en Slovaquie, cela pourrait représenter une perte de 120 à 150 emplois directs sur notre site de Rüti ».
Cependant, les dirigeants insistent sur le fait que ces décisions ne sont pas prises à la légère. « Nous ne fermons pas d’usines, nous réorganisons », précise Simon Michel d’Ypsomed. « L’ingénierie, la recherche, le contrôle qualité, les fonctions stratégiques restent ici. Ce sont des emplois qualifiés, bien rémunérés. »
Le risque, toutefois, est que cette réorganisation devienne une tendance durable. Plus les entreprises s’implantent à l’étranger, plus elles deviennent dépendantes des conditions locales — fiscales, réglementaires, sociales. Et plus elles risquent de déplacer progressivement leurs centres de décision.
Le label « Swiss made » est l’un des atouts les plus précieux de l’industrie helvétique. Il évoque qualité, fiabilité, innovation. Mais cette crise met en lumière une fragilité : le label ne pèse pas face à une surtaxe de 39 %. « Nos clients américains nous disent : on aime votre produit, mais on ne peut plus se permettre de le payer », confie Katrin Fuhrer de TOFWERK.
Le « Swiss made » risque donc de devenir un luxe réservé à certains segments du marché, tandis que la production destinée aux volumes sera délocalisée. Cela ne signifie pas la fin du label, mais une transformation de son usage. « On va voir émerger un “Swiss design, global production” », prédit un consultant en stratégie industrielle basé à Genève.
Les entreprises appellent à une réponse coordonnée de la Confédération. Des négociations commerciales avec les États-Unis sont en cours, mais les industriels redoutent qu’elles prennent des mois, voire des années. En attendant, ils agissent. Certains envisagent des alliances avec des groupes européens pour mutualiser les capacités de production. D’autres investissent dans l’automatisation pour réduire les coûts en Suisse.
Le canton de Zurich a lancé une initiative pour accompagner les PME dans leurs réorganisations industrielles. « Il ne s’agit pas de subventionner la délocalisation, mais de soutenir l’innovation et la transformation », explique un responsable économique local.
La surtaxe douanière américaine de 39 % n’est pas seulement une mesure commerciale : elle est un catalyseur de changement structurel pour l’industrie suisse. Elle force les entreprises à repenser leur modèle, à s’adapter à un monde où la proximité du client prime parfois sur l’origine du produit. Les décisions prises aujourd’hui — transferts de production, investissements à l’étranger, réorganisation des chaînes — auront des effets durables sur l’économie nationale. Le « Made in Switzerland » ne disparaîtra pas, mais il devra coexister avec une nouvelle réalité : la fabrication délocalisée, mais l’innovation bien ancrée en Suisse.
La mesure a été décidée par l’administration Trump dans le cadre d’une politique commerciale protectionniste visant à réduire les déficits commerciaux avec certains pays, dont la Suisse. Elle s’applique à des produits manufacturés de haute technologie, notamment dans les secteurs de la machine, de la pharmacie et de la biotechnologie.
Les produits en provenance des États membres de l’Union européenne bénéficient d’un régime douanier plus favorable, voire d’accords de libre-échange partiels. La Suisse, en tant que pays non membre de l’UE, n’est pas couverte par ces accords, ce qui la place en position de désavantage concurrentiel.
Elles ne sont pas inévitables pour toutes les entreprises, mais deviennent une nécessité pour celles dont les exportations vers les États-Unis représentent une part significative de leur activité. La décision dépend du rapport coût-compétitivité, mais aussi de la capacité à maintenir la qualité et les délais.
Non, mais il pourrait devenir un label réservé aux produits haut de gamme ou aux séries limitées. Pour les volumes, la production pourrait être délocalisée, tout en conservant la conception, la R&D et le contrôle qualité en Suisse.
La Confédération mène des négociations avec les États-Unis pour faire annuler ou réduire la surtaxe. Elle soutient également les entreprises par des mesures d’accompagnement, notamment en matière de diversification des marchés et de transformation industrielle.
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