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Un animal charismatique : Alençon cherche des volontaires pour sauver le hérisson

Emblème discret de la biodiversité urbaine, le hérisson fascine autant qu’il touche. Son allure maladroite, son pelage piqueté de pointes, son air de petit mammifère nocturne affairé à fouiller les feuilles mortes : tout en lui inspire tendresse et respect. Pourtant, ce compagnon silencieux de nos jardins est menacé. En cause ? L’urbanisation croissante, les espaces cloisonnés, les haies infranchissables, les produits chimiques. À Alençon, une initiative audacieuse voit le jour pour lui offrir une seconde chance : Piqu’en ville, un hérisson dans mon jardin . Ce programme, porté par la Ville et le Groupe mammalogique normand (GMN), ne se contente pas de sensibiliser — il invite les citoyens à devenir acteurs d’un changement concret, à l’échelle de leur propre jardin. Car sauver le hérisson, c’est aussi simple qu’un trou de quinze centimètres.

Qu’est-ce que Piqu’en ville , concrètement ?

Lancé par la Ville d’Alençon en partenariat avec le Groupe mammalogique normand, Piqu’en ville est un programme participatif qui vise à rétablir des corridors écologiques en milieu urbain. L’objectif ? Permettre aux petites espèces terrestres, et notamment aux hérissons, de circuler librement d’un jardin à l’autre. Ceux-ci se heurtent souvent à des obstacles infranchissables : murs pleins, clôtures continues, haies trop denses. Ces barrières, bien que destinées à préserver l’intimité des résidents, fragmentent les habitats et empêchent les animaux de trouver nourriture, abri ou partenaires. Le programme propose donc une solution simple : aménager des passages discrets dans les clôtures ou murets séparant les jardins. Ces trous, d’un diamètre précis de quinze centimètres, sont conçus pour permettre à une femelle hérisson, parfois enceinte, de passer sans encombre.

Élodie Roussel, naturaliste au sein du GMN, explique : On a longtemps pensé que les villes étaient des déserts écologiques. Or, les jardins privés, les parcs, les friches, même les balcons, peuvent devenir des refuges. Le hérisson, en particulier, s’adapte bien au milieu urbain, à condition qu’il puisse se déplacer. Un trou, c’est peu, mais c’est tout.

Pourquoi un trou de 15 cm exactement ?

Le choix de cette dimension n’est pas anodin. Il résulte d’observations scientifiques et d’expérimentations menées par des écologues. Une femelle hérisson gestante, lorsqu’elle cherche un lieu pour élever ses petits, peut atteindre une taille imposante — jusqu’à 30 cm de long pour un diamètre corporel pouvant approcher les 14 cm. Un passage de 15 cm laisse donc une marge suffisante pour qu’elle circule sans se coincer, même dans les périodes les plus délicates.

Au début, on pensait que 10 cm suffiraient, raconte Damien Leblanc, coordinateur du projet à Alençon. Mais on a constaté que certaines femelles hésitaient, voire renonçaient. En passant à 15 cm, on a vu une augmentation significative de leur passage. C’est un détail, mais c’est décisif.

Le trou est généralement aménagé à ras de sol, au niveau du sol ou légèrement enterré, afin d’être accessible même aux animaux les plus prudents. Il peut être protégé par une grille ou un carrelage en biais pour éviter les intrusions humaines ou canines, sans gêner la faune. Le dispositif est discret, esthétique, et ne compromet pas la sécurité des propriétés.

Comment les habitants s’impliquent-ils dans l’initiative ?

Le succès de Piqu’en ville repose sur la participation volontaire des habitants. Chaque propriétaire ou locataire de jardin peut s’inscrire via une plateforme en ligne ou lors de réunions de quartier. Une fois inscrit, il reçoit un kit d’information : conseils techniques pour réaliser le trou, suggestions d’aménagements complémentaires (abris à hérissons, plantations adaptées, suppression des pesticides), et surtout, un réseau de voisins engagés.

Camille Ferrand, habitante du quartier Saint-Martin, s’est lancée dans l’aventure il y a deux ans. J’ai toujours aimé les animaux, mais je n’imaginais pas que mon jardin pouvait devenir un sanctuaire. Quand j’ai entendu parler du projet, j’ai tout de suite dit oui. J’ai percé un trou dans ma clôture, installé une cabane en bois, et arrêté d’utiliser des produits chimiques. Six mois plus tard, j’ai vu mes premiers hérissons. Un couple, puis des petits. C’était émouvant.

Le voisinage joue un rôle clé. Plus les passages sont nombreux, plus les corridors sont efficaces. Le GMN encourage ainsi les discussions entre voisins, parfois méfiants au départ. Il y a toujours quelqu’un qui craint les nuisances, les rongeurs, les chats errants, reconnaît Élodie Roussel. Mais on montre que les hérissons sont des alliés : ils mangent les limaces, les vers, les insectes nuisibles. Et ils ne s’installent pas chez vous — ils passent, ils chassent, ils repartent.

Quels bénéfices écologiques pour la ville ?

Le hérisson n’est pas qu’un symbole de la nature en ville — il est un indicateur de santé écologique. Sa présence signifie que l’environnement est favorable à la biodiversité : sol vivant, végétation diversifiée, faible pollution chimique. En facilitant ses déplacements, Alençon ne sauve pas seulement une espèce, mais reconstruit un écosystème.

Les bénéfices sont multiples. D’abord, la régulation naturelle des populations d’insectes. Un seul hérisson peut consommer jusqu’à 200 grammes d’invertébrés par nuit — soit des milliers de limaces, araignées ou coléoptères. Ensuite, la création de corridors favorise d’autres espèces : musaraignes, lézards, certains insectes pollinisateurs. Enfin, l’effet pédagogique est puissant. Les enfants observent, les parents s’impliquent, les écoles s’associent. Un projet de suivi scolaire a ainsi été lancé dans trois écoles primaires d’Alençon, où les élèves construisent des abris et tiennent des carnets de bord.

On ne fait pas de la conservation en laboratoire, affirme Damien Leblanc. On la fait dans les jardins, dans les rues, avec les gens. Et quand un enfant voit un hérisson pour la première fois, il comprend que la nature, c’est aussi chez lui.

Le hérisson est-il vraiment en danger ?

Oui. En France, comme dans de nombreux pays européens, les populations de hérissons d’Ortolan (Erinaceus europaeus) ont chuté de plus de 30 % en deux décennies. En Grande-Bretagne, certaines régions ont perdu jusqu’à 90 % des spécimens. Les causes sont bien identifiées : la perte d’habitats, l’usage des pesticides, les collisions routières, les pièges domestiques (piscines sans échelle, tondeuses à gazon, produits rodenticides), et surtout, la fragmentation des milieux.

Un hérisson a besoin d’un territoire de plusieurs hectares pour survivre, explique Élodie Roussel. En milieu rural, les haies disparaissent. En ville, les jardins sont des îlots. Sans connexion, ils deviennent des prisons.

À Alençon, une étude menée en 2022 a révélé que moins de 15 % des jardins étaient reliés par des passages fauniques. Depuis le lancement de Piqu’en ville , ce chiffre a grimpé à 37 % dans les quartiers prioritaires. Une progression encourageante, mais encore insuffisante pour assurer la pérennité des populations locales.

Quelles sont les autres mesures pour accueillir les hérissons ?

Le trou de passage est une première étape. Pour que les hérissons s’installent durablement, d’autres aménagements sont nécessaires. Le GMN recommande notamment :

  • La création d’abris : tas de branches, cabanes en bois, zones de feuilles mortes.
  • L’interdiction des pesticides et des produits chimiques de jardinage.
  • L’installation de points d’eau peu profonds, accessibles la nuit.
  • La suppression des obstacles mortels (piscines découvertes, trappes, fils barbelés).
  • La promotion de végétaux locaux, favorables aux insectes qu’ils consomment.

Théo Marchand, jardinier amateur et participant au programme, a transformé son terrain en refuge. J’ai planté des vivaces, laissé un coin en friche, installé une petite mare. Je n’ai plus de limaces sur mes salades, et j’ai vu au moins trois hérissons cette année. Le meilleur, c’est qu’on en parle dans le quartier. On échange des astuces, on surveille ensemble. On se sent… utile.

Le projet peut-il s’étendre à d’autres villes ?

Oui, et c’est tout l’enjeu. Piqu’en ville n’est pas une solution unique à Alençon. Il s’inscrit dans un mouvement plus large de reconquête de la biodiversité en milieu urbain. Des initiatives similaires existent déjà en Belgique, en Suisse, ou dans certaines villes françaises comme Rennes ou Strasbourg. Mais Alençon se distingue par son approche systématique : cartographie des passages, suivi scientifique, accompagnement des habitants.

Ce qu’on fait ici peut être dupliqué partout, affirme Damien Leblanc. Il n’y a pas besoin de millions d’euros. Il faut de la volonté, un peu d’organisation, et des citoyens motivés.

Le GMN travaille déjà à une boîte à outils transférable, destinée à d’autres collectivités. Des villes voisines, comme Argentan ou Mortagne-au-Perche, ont déjà manifesté leur intérêt. L’idée est de créer des réseaux régionaux, où les hérissons pourraient circuler librement d’un bourg à l’autre.

Quel est l’avenir de Piqu’en ville ?

Le projet, lancé en 2023, est évalué sur trois ans. Les premiers résultats sont prometteurs : plus de 400 passages ont été aménagés, une cinquantaine de nids observés, et une forte mobilisation citoyenne. Une application mobile est en cours de développement pour permettre aux habitants de signaler des observations, suivre les déplacements, et recevoir des alertes saisonnières (période de reproduction, hibernation, etc.).

À long terme, l’objectif est de faire d’Alençon une ville refuge labellisée. On ne veut pas juste sauver des hérissons, conclut Élodie Roussel. On veut redonner aux gens le sentiment qu’ils font partie de la nature. Pas en la dominant, mais en cohabitant. Un trou de 15 cm, c’est une porte ouverte. Sur la faune, sur le vivant, sur un autre rapport au monde.

A retenir

Quel est l’objectif principal de Piqu’en ville ?

Le programme vise à favoriser la circulation des hérissons et de la petite faune terrestre en milieu urbain, en créant des passages dans les clôtures et murets séparant les jardins. Il s’agit de lutter contre la fragmentation des habitats et de promouvoir une cohabitation harmonieuse entre les citoyens et la biodiversité.

Qui peut participer au dispositif ?

Tout habitant d’Alençon propriétaire ou occupant d’un jardin peut s’inscrire volontairement. Le projet encourage la coordination entre voisins pour maximiser l’efficacité des corridors écologiques.

Pourquoi un trou de 15 cm est-il crucial ?

Cette dimension permet à une femelle hérisson gestante de passer sans difficulté. Elle a été déterminée par des observations scientifiques pour garantir l’accessibilité tout en restant discrète et sécurisée.

Le hérisson est-il une espèce protégée ?

Il n’est pas officiellement classé en danger en France, mais ses populations sont en forte régression. Il bénéficie d’une protection indirecte par des lois sur la préservation de la faune sauvage, et toute destruction intentionnelle est interdite.

Quels autres animaux profitent de ces passages ?

Outre les hérissons, les musaraignes, lézards, amphibiens et certains insectes peuvent emprunter ces corridors. Le bénéfice écologique dépasse donc largement l’espèce cible.

Anita

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