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Hommage à Jacques Martial : France 4 diffuse son spectacle poétique sur Césaire en 2025

Un écran s’allume. Une voix s’élève. Le silence se fait. Ce soir, France 4 ne diffuse pas un simple enregistrement de théâtre : elle ouvre une brèche dans le temps. Une porte que beaucoup croyaient fermée avec la disparition de Jacques Martial, comédien d’une rare intégrité, artiste aux silences éloquents, citoyen engagé. À 22h20, la chaîne interrompt sa programmation habituelle pour offrir au public un moment rare : la diffusion du spectacle *Cahier d’un retour au pays natal*, capté en 2022 au Théâtre de l’Épée de bois. Une performance à la fois sobre et puissante, portée par une présence qui, même à distance, impose le respect. Ce n’est pas un adieu. C’est un retour. Un retour au texte, à la voix, à la mémoire.

Pourquoi France 4 rend-elle hommage à Jacques Martial ce soir ?

La décision de déprogrammer la grille habituelle de France 4 n’est pas anodine. Elle s’inscrit dans un geste de transmission assumé, presque urgent. Jacques Martial s’est éteint le 13 août 2025, à l’âge de 70 ans, après une longue maladie. Sa disparition a laissé un vide dans le monde du théâtre, du cinéma, mais aussi dans celui de la vie publique. L’hommage télévisé n’est pas seulement une reconnaissance posthume : il s’agit d’un acte de mémoire collective. En diffusant *Cahier d’un retour au pays natal*, France 4 choisit de faire vivre l’œuvre, de la replacer au cœur du débat culturel et politique. Ce spectacle, mis en scène et interprété par Martial lui-même, est bien plus qu’une lecture poétique. C’est un acte de résistance douce, une affirmation de dignité, une traversée intime du texte fondateur d’Aimé Césaire.

Le choix du poème, publié en 1939, n’est pas anachronique. Bien au contraire. Dans un contexte où les luttes contre le racisme sont parfois réduites à des étiquettes — « identitaires », « communautaristes » —, la scène répond par la nuance, par l’art. Ici, pas de dénonciation bruyante, pas de pathos. Juste une voix, posée, qui porte des mots d’une puissance intacte. Martial ne crie pas ; il affirme. Il ne supplie pas ; il revendique. Et cette retenue, cette force tranquille, est peut-être ce qui touche le plus. Comme le confie Élise Toussaint, enseignante de littérature comparée à l’université de Lille : « Ce que Martial réussit, c’est de rendre Césaire accessible sans le simplifier. Il ne traduit pas, il incarne. Et cette incarnation, elle traverse les générations. »

Quel rôle a joué Jacques Martial dans “Navarro” ?

Pour des millions de téléspectateurs, le nom de Jacques Martial évoque d’abord une série : *Navarro*, diffusée sur TF1 de 1989 à 2007. Pendant près de vingt ans, il incarne « Bain-Marie », le fidèle collègue du commissaire Navarro, joué par Roger Hanin. Le personnage, discret, intelligent, d’une loyauté sans faille, devient un repère dans la fiction policière. Il n’est pas le héros flamboyant, mais le pilier silencieux. Un homme qui écoute, observe, agit. Et c’est peut-être cette sobriété qui a touché le public.

« Bain-Marie, c’était l’anti-stéréotype », raconte Malik Régnier, 58 ans, ancien policier à Marseille. « À une époque où les Noirs à la télé, c’était souvent la menace ou le marginal, Martial nous montrait un flic sérieux, cultivé, posé. Il ne parlait pas de sa couleur, mais il la portait avec dignité. Et ça, ça changeait tout. »

Le succès de la série a ancré Martial dans l’inconscient collectif. Mais loin de s’y enfermer, il a toujours cherché à dépasser les rôles assignés. Il choisissait ses personnages avec exigence, refusant les caricatures. « Il ne voulait pas être « le Noir de service » », confie Claire Dumas, metteuse en scène et amie de longue date. « Il disait souvent : « Je ne joue pas une couleur, je joue un homme. » Et c’est ce qui a fait sa grandeur. »

Quelle était l’importance de son travail de doublage ?

Moins visible, mais tout aussi essentiel, le travail de Jacques Martial dans le doublage a marqué des générations. Sa voix, grave, chaude, précise, a été celle de Denzel Washington dans *Gladiator 2*, de Wesley Snipes dans les *Blade*, ou encore de Samuel L. Jackson dans plusieurs de ses rôles emblématiques. Pour beaucoup, c’est cette voix qu’ils entendent quand ils pensent à ces acteurs.

« Le doublage, ce n’est pas seulement traduire », explique Julien Mercier, ingénieur du son spécialisé dans la post-synchronisation. « C’est réincarner. Et Martial avait cette capacité rare : il ne copiait pas, il comprenait. Il entrait dans l’intention de l’acteur, dans son souffle, sa douleur, sa colère. Quand Denzel pleure à l’écran, c’est aussi la voix de Martial qui pleure. »

Il traitait le doublage comme une scène à part entière. Un art exigeant, où chaque syllabe compte. Et là encore, il refusait les facilités. « Il demandait toujours les rushes, les intentions du réalisateur, les émotions du personnage », se souvient Sophie Laroche, coordinatrice de doublage. « Il ne voulait pas juste dire les mots. Il voulait les vivre. »

Quel a été son engagement politique ?

En 2002, Jacques Martial fait une décision surprenante : il met sa carrière d’acteur entre parenthèses pour s’engager en politique. Il devient conseiller de Paris délégué aux Outre-mers, puis, en novembre 2022, adjoint d’Anne Hidalgo, chargé des Outre-mer. Un virage que certains ont mal compris. Mais pour lui, ce n’était pas une rupture. C’était une continuité.

« L’art et la citoyenneté, pour lui, c’était la même chose », affirme Léa Saint-Juste, historienne spécialisée dans les cultures ultramarines. « Il ne voyait pas la scène comme une échappatoire, mais comme un terrain d’action. Et quand il a senti qu’il pouvait agir autrement, il n’a pas hésité. »

Son action politique a été marquée par la même sobriété que son jeu. Il ne cherchait pas la lumière, mais les résultats. Il a porté des projets pour la reconnaissance des cultures ultramarines, défendu l’accès à la fonction publique pour les jeunes des territoires d’outre-mer, et œuvré pour que la voix des Outre-mer soit entendue dans les politiques culturelles. « Il ne parlait jamais de « diversité » comme d’une mode », raconte Yannick Goulard, ancien collaborateur. « Il parlait de justice, d’égalité, de place. Et il le faisait sans bruit, sans posture. »

En 2023, lors d’un colloque sur les mémoires coloniales, il prononce une phrase restée dans les esprits : « Je ne veux pas qu’on me reconnaisse parce que je suis noir. Je veux qu’on me reconnaisse parce que je suis juste. » Un mot d’ordre, autant que de foi.

Pourquoi ce spectacle sur Césaire est-il si important ?

*Cahier d’un retour au pays natal* est bien plus qu’un poème. C’est un manifeste. Publié en 1939, il marque la naissance de la négritude, mais aussi une prise de conscience radicale : celle d’un homme qui revient dans son pays après des années d’exil, et qui redécouvre sa terre, sa peau, sa langue, sa douleur et sa fierté. Césaire y dénonce la colonisation, mais aussi la dépossession identitaire. Et il le fait avec une langue d’une violence poétique inouïe.

Que Jacques Martial ait choisi de porter ce texte sur scène n’a rien d’anecdotique. C’était un choix politique, artistique, intime. « Il disait que ce texte, c’était son ADN », raconte Claire Dumas. « Il ne le lisait pas, il le respirait. Et quand il le jouait, on sentait qu’il parlait pour des générations entières. »

Le spectacle, filmé au Théâtre de l’Épée de bois, est d’une sobriété bouleversante. Pas de décors, peu d’effets. Juste un homme, debout, qui parle. Mais chaque mot est pesé, chaque silence chargé. Martial ne cherche pas à impressionner. Il cherche à transmettre. Et c’est ce qui frappe le plus : cette impression que l’on assiste à quelque chose de sacré, de nécessaire.

« J’ai vu le spectacle en 2022 », témoigne Amélie Troadec, 34 ans, enseignante à Fort-de-France. « C’était la première fois que je voyais un homme noir porter ce texte sans théâtralité, sans cri. Juste avec la force du verbe. Et j’ai pleuré. Pas parce que c’était triste, mais parce que c’était juste. Enfin, quelqu’un disait les choses comme elles sont. »

Quel héritage laisse Jacques Martial ?

La disparition de Jacques Martial a été accueillie par un silence profond. Pas de grandes déclarations, pas de polémiques. Juste un sentiment collectif de perte. Anne Hidalgo, dans un hommage sobre, l’a salué comme « un ami cher, fidèle, généreux et sensible », rappelant qu’il aimait « l’Hexagone à partir des Outre-mer ». Une phrase qui résume tout : son ancrage, son ouverture, sa manière de penser la France comme un tout, sans hiérarchie.

Son héritage est multiple. Artiste, il a porté des rôles avec une dignité rare. Citoyen, il a mis son talent au service des autres. Et comédien, il a toujours choisi les textes qui le dépassaient. « Il ne jouait pas pour exister », dit Julien Mercier. « Il existait pour jouer. »

En diffusant *Cahier d’un retour au pays natal*, France 4 ne rend pas seulement hommage à un homme. Elle rappelle que la mémoire n’est pas une archive. Elle est un acte vivant. Et ce soir, en allumant son écran, chacun peut entendre cette voix qui dit : je suis là, je suis revenu, je parle pour ceux qui n’ont pas eu la parole.

A retenir

Quel est le titre du spectacle diffusé en hommage à Jacques Martial ?

Le spectacle diffusé est *Cahier d’un retour au pays natal*, une adaptation et interprétation personnelle de Jacques Martial du poème fondateur d’Aimé Césaire.

À quelle heure et sur quelle chaîne ce spectacle est-il diffusé ?

La diffusion a lieu à 22h20 sur France 4, dans le cadre d’une déprogrammation exceptionnelle en hommage à l’artiste.

Pourquoi ce choix de *Cahier d’un retour au pays natal* ?

Ce texte incarne les combats culturels, identitaires et politiques que Jacques Martial a portés toute sa vie. Sa mise en scène sobre et puissante reflète son exigence artistique et son engagement profond.

Quel a été le rôle de Jacques Martial dans “Navarro” ?

Il incarnait « Bain-Marie », le collègue fidèle et discret du commissaire Navarro, devenant un repère dans la série policière emblématique diffusée de 1989 à 2007.

Quand Jacques Martial est-il décédé ?

Il est décédé le mercredi 13 août 2025, à l’âge de 70 ans, après une longue maladie.

Quel était son engagement politique ?

Élu conseiller de Paris délégué aux Outre-mers, puis adjoint d’Anne Hidalgo à partir de 2022, il a défendu la représentation, la reconnaissance culturelle et l’accès aux institutions pour les populations ultramarines.

Anita

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