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Hôpital du Mans : un déficit de 18 millions d’euros enfin réduit en 2025

Depuis la crise sanitaire du Covid-19, les hôpitaux français traversent une période de turbulence financière sans précédent. Parmi eux, le centre hospitalier du Mans incarne une situation préoccupante, emblématique d’un mal plus large qui touche le système de santé public. Si le budget global de l’établissement dépasse les 430 millions d’euros, son déficit ne cesse de croître : 3 millions d’euros en 2021, 10 millions en 2022, 12 millions en 2023, et 18 millions en 2024. Une spirale inquiétante que les responsables locaux tentent d’expliquer, sans pour autant parvenir à rassurer l’opinion publique ni les professionnels de santé sur place. Derrière ces chiffres, ce sont des équipes épuisées, des services contraints, et une question de fond qui émerge : comment maintenir un service public de qualité face à des moyens qui s’amenuisent ?

Quelle est l’origine du déficit croissant du centre hospitalier du Mans ?

Le déficit du centre hospitalier du Mans ne s’est pas construit en un jour. Il résulte d’un ensemble de facteurs structurels, aggravés par la crise sanitaire. La première cause, d’ordre national, réside dans la hausse des revalorisations salariales décidées par le gouvernement. Ces mesures, bien qu’attendues et nécessaires pour reconnaître le travail des soignants, n’ont pas été accompagnées d’une compensation budgétaire suffisante. Guillaume Leroy, directeur général de l’établissement depuis 2020, le confirme sans détour : Les revalorisations ont fait exploser la masse salariale, mais sans que les dotations de l’État soient ajustées à la hauteur de cette inflation. On paie le juste prix du travail, mais on le paie sans argent.

Cette absence de financement compensatoire a créé un déséquilibre majeur. En 2023, la masse salariale représentait près de 70 % du budget total, contre 65 % avant la crise. L’inflation généralisée, notamment sur les produits médicaux, l’énergie et les prestations de nettoyage, a encore creusé le trou. On a vu le prix des pansements, des seringues, des gants grimper de 15 à 20 % en deux ans, alors que nos tarifs de remboursement par l’Assurance maladie sont restés figés , explique Élodie Vasseur, pharmacienne hospitalière au Mans. C’est une pression constante, invisible pour le public, mais qui nous met à genoux.

Comment la crise du Covid a-t-elle impacté la gestion hospitalière ?

La pandémie a bouleversé l’organisation des soins, mais aussi les flux financiers. Pendant les vagues successives, l’hôpital du Mans a dû réaffecter massivement ses ressources : création de lits dédiés aux patients Covid, recrutement d’agilité en personnel, achat de matériel de protection. Ces dépenses d’urgence ont été en partie prises en charge par l’État, mais de manière ponctuelle. On a reçu des fonds pour la crise, mais pas pour les conséquences à long terme , souligne Guillaume Leroy. Le retour à une activité normale n’a pas été accompagné d’un ajustement durable.

En parallèle, l’activité chirurgicale et ambulatoire a fortement baissé pendant deux ans. Or, ces secteurs sont générateurs de recettes pour l’hôpital. Chaque chirurgie non réalisée, c’est des centaines d’euros de manque à gagner , précise le docteur Samuel Tixier, chef du service de chirurgie orthopédique. On a accumulé des listes d’attente, mais aussi des pertes financières qu’on ne récupérera jamais.

Le personnel, quant à lui, a subi une pression psychologique et physique sans précédent. J’ai vu des collègues partir en burn-out, d’autres quitter l’hôpital pour des postes en clinique privée, mieux rémunérés , témoigne Camille Dubreuil, infirmière en réanimation depuis dix ans. Aujourd’hui, on est moins nombreux, mais on doit faire face à une demande de soins qui n’a jamais été aussi forte.

Quelles sont les conséquences concrètes sur les soins et les patients ?

Le déficit ne se mesure pas seulement en chiffres comptables. Il a des répercussions directes sur la qualité et l’accessibilité des soins. Le centre hospitalier du Mans a dû procéder à des arbitrages difficiles : gel des recrutements, report de travaux de maintenance, réduction des heures de prestataires externes. On a dû fermer temporairement une unité de soins de suite , raconte Guillaume Leroy. Ce n’était pas une décision médicale, mais une décision financière.

Pour les patients, cela se traduit par des délais d’attente plus longs, des parcours de soins parfois chaotiques, et une impression de dégradation du service public. J’ai dû attendre trois mois pour une consultation de cardiologie, alors que c’était pour un problème chronique , confie Martine Lefebvre, 68 ans, habitante du Mans. Avant, on m’aurait vu en quinze jours.

Dans les services, les professionnels s’adaptent comme ils peuvent. On fait du mieux qu’on peut, mais on sent qu’on est sur une pente descendante , avoue le docteur Tixier. On a des jeunes médecins très motivés, mais ils arrivent dans un système qui les épuise.

La tension est palpable, notamment dans les services d’urgence. On a des jours où on dépasse les 300 passages par jour, alors qu’on est dimensionnés pour 220 , explique Camille Dubreuil. On manque de lits, de personnel, parfois même de matériel de base.

Quelles solutions sont envisagées pour redresser la situation ?

Face à l’urgence, plusieurs pistes sont explorées. D’abord, une restructuration interne est en cours : rationalisation des processus, mutualisation de certains services, optimisation des achats. On a mis en place un comité de pilotage financier, avec des représentants médicaux, administratifs et techniques , indique Guillaume Leroy. Il faut que tout le monde soit impliqué, car la solution ne viendra pas d’en haut.

Des économies sont réalisées, mais elles ont leurs limites. On ne peut pas couper à l’infini , prévient Élodie Vasseur. Si on réduit les stocks de médicaments, on met des vies en danger.

La deuxième piste est une demande de soutien accru de l’État. Le directeur espère un plan de relance ciblé pour les hôpitaux en difficulté. On ne demande pas une manne, mais une équité. Si on nous impose des revalorisations salariales, il faut que le financement suive.

En parallèle, des partenariats sont développés avec le secteur privé et les collectivités locales. On travaille avec la métropole du Mans sur des projets de prévention, pour désengorger les urgences , précise-t-il. Moins de patients aux urgences, c’est moins de coûts, et plus de temps pour ceux qui en ont vraiment besoin.

Le système hospitalier français est-il durable à long terme ?

Le cas du Mans n’est pas isolé. Des dizaines d’hôpitaux en France sont en situation similaire. Selon un rapport de la Cour des comptes de 2023, plus de 40 % des établissements publics sont déficitaires, et le déficit global du secteur s’élève à plus de 1,5 milliard d’euros. On est dans un modèle qui ne tient plus , analyse Claire Morel, économiste de la santé et chercheuse à l’Irdes. On demande aux hôpitaux de faire plus, mieux, et moins cher, alors que les besoins augmentent avec le vieillissement de la population et la complexité des pathologies.

Le système de financement à l’activité, mis en place il y a vingt ans, est aujourd’hui remis en cause. Ce modèle pousse à la performance quantitative, mais il ne prend pas en compte la qualité des soins, ni la charge mentale des équipes , poursuit-elle. Et surtout, il est fragile face aux crises.

Pour beaucoup, une refonte du financement public est inéluctable. Il faut passer à un modèle de financement global, qui prenne en compte la mission de service public, pas seulement le nombre de patients traités , plaide Guillaume Leroy. Sinon, on continue à creuser le trou.

Quel avenir pour les soignants et les patients ?

Malgré les difficultés, les professionnels du Mans ne baissent pas les bras. On est là pour les patients, pas pour les chiffres , insiste Camille Dubreuil. Mais on a besoin qu’on nous écoute, qu’on nous soutienne.

Des initiatives locales émergent : groupes de parole pour le personnel, accompagnement psychologique, formations continues. On essaie de préserver le lien humain, dans un système qui nous pousse à la productivité , dit le docteur Tixier. C’est ça, la vraie urgence : ne pas perdre l’âme de l’hôpital.

Pour les patients, l’enjeu est de continuer à avoir accès à des soins de qualité, proches de chez eux. L’hôpital public, c’est un pilier de notre société , affirme Martine Lefebvre. Si on le laisse couler, on perdra quelque chose de précieux.

Conclusion

Le déficit croissant du centre hospitalier du Mans n’est pas qu’une affaire de comptabilité. C’est un symptôme d’un mal plus profond : un système de santé public sous pression, malmené par des décisions politiques insuffisamment accompagnées, et confronté à des besoins croissants. Les revalorisations salariales, bien qu’essentielles, n’ont pas été compensées. L’inflation grignote les marges. Les soignants sont épuisés. Les patients attendent. Pour inverser la tendance, il faut plus que des économies : une vision claire, un engagement fort de l’État, et une refonte du modèle de financement. Sans cela, même les hôpitaux les mieux gérés risquent de ne pas tenir le choc.

A retenir

Quel est le montant du déficit du centre hospitalier du Mans en 2024 ?

Le déficit s’élève à 18 millions d’euros en 2024, contre 3 millions en 2021, marquant une aggravation continue depuis la crise du Covid.

Pourquoi les revalorisations salariales ont-elles aggravé la situation financière ?

Elles ont augmenté la masse salariale sans être compensées par une hausse équivalente des dotations publiques, d’autant que l’inflation a accru les coûts des fournitures et des prestations.

Quelles sont les conséquences sur les soins aux patients ?

Les retards de recrutement, la fermeture temporaire de services et la saturation des urgences entraînent des délais d’attente plus longs et une pression accrue sur les équipes soignantes.

Quelles solutions sont envisagées ?

Le centre explore des économies internes, des partenariats locaux et demande un soutien financier accru de l’État, ainsi qu’une réforme du modèle de financement hospitalier.

Le problème est-il propre au Mans ?

Non, il s’inscrit dans une crise plus large du système hospitalier public français, avec des déficits généralisés et une pression croissante sur les établissements de toute taille.

Anita

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