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Un hôpital du Var récolte 50 000 € grâce à l’investissement des citoyens

En ces temps où les hôpitaux publics peinent à maintenir un niveau de service digne de ce nom, une initiative inédite à Fréjus résonne comme un vent de renouveau. Et si, au lieu d’attendre les décisions lointaines des pouvoirs publics, les citoyens prenaient eux-mêmes en main le destin de leur établissement de santé ? C’est exactement ce qui s’est produit dans le Var, où plus d’une cinquantaine de personnes ont choisi de financer directement leur hôpital par un emprunt citoyen. Ce geste, à la fois solidaire et pragmatique, n’est pas seulement une bouée de sauvetage financière : il incarne une nouvelle manière de penser la santé publique, ancrée dans la proximité, la confiance et la participation concrète.

Qu’est-ce qu’un emprunt citoyen appliqué à un hôpital ?

L’emprunt citoyen est un dispositif de financement participatif qui permet à des particuliers d’investir directement dans un projet d’intérêt collectif. Dans le cas de l’hôpital de Fréjus, il s’agissait de lever des fonds pour acquérir une Gamma caméra, un équipement médical sophistiqué indispensable à la détection précoce de pathologies osseuses, cardiaques ou cancéreuses. Le principe est simple : chaque citoyen peut prêter une somme, de 10 à 8 000 euros, à l’établissement hospitalier, qui s’engage à rembourser le capital avec un intérêt fixe – ici de 3 % par an sur une durée définie.

Contrairement à un don, l’emprunt citoyen repose sur une relation contractuelle. Les investisseurs ne font pas acte de charité, mais participent à un circuit économique local où tout le monde y gagne. L’hôpital obtient un financement rapide, sans passer par les lourdeurs administratives des subventions publiques. Les citoyens, eux, bénéficient d’un rendement supérieur à celui du livret A, tout en soutenant un projet qui leur tient à cœur.

Pourquoi une Gamma caméra ?

L’appareil visé par cette collecte, une Gamma caméra, est un outil crucial en médecine nucléaire. Elle permet de réaliser des scintigraphies, examens non invasifs qui donnent une image fonctionnelle du corps humain. Contrairement à une radiographie classique, qui montre l’anatomie, la Gamma caméra révèle les anomalies métaboliques, comme des métastases osseuses ou des troubles du débit sanguin cardiaque.

À Fréjus, cet équipement est utilisé quotidiennement pour une vingtaine de patients. Son absence ou son vieillissement aurait pu compromettre la qualité des soins, obligeant à des transferts vers d’autres centres, souvent éloignés. C’est cette réalité que Marie-Claire Vidal, une retraitée de 72 ans résidant à La Seyne-sur-Mer, a voulu éviter. “J’ai été soignée ici il y a deux ans pour un problème cardiaque. J’ai vu à quel point cet appareil était important. Quand j’ai appris qu’ils en avaient besoin d’un neuf, je n’ai pas hésité une seconde.” Elle a investi 2 500 euros, “pas pour l’argent, mais pour que mon petit-fils, qui vit à Hyères, puisse un jour bénéficier des mêmes soins que moi”.

Comment fonctionne la rémunération des prêteurs ?

Le taux d’intérêt fixé à 3 % est l’un des atouts majeurs de ce dispositif. À une époque où le livret A rapporte 1,7 %, ce rendement attire des citoyens soucieux de placer leur épargne de manière éthique tout en obtenant un meilleur retour. Ce taux, bien que attractif, reste raisonnable pour l’hôpital, qui intègre le remboursement dans son budget annuel.

Frédéric Limouzy, directeur de l’établissement, insiste sur l’équilibre du système : “Tout le monde est gagnant : l’hôpital arrive à se financer avec un taux plus intéressant que certains crédits bancaires, et les personnes qui investissent sont rémunérées.” Pour lui, cette initiative marque une rupture avec les modes de financement traditionnels. “On saisit une opportunité qu’il n’y avait pas il y a dix ans. Les citoyens veulent être acteurs, pas spectateurs.”

Qui sont les citoyens investisseurs ?

Les profils des prêteurs sont très variés. Un quart d’entre eux vivent à moins de 70 kilomètres de Fréjus, mais les autres viennent de 20 départements différents, allant de la Bretagne à l’Ain. Certains sont des patients reconnaissants, d’autres des professionnels de santé, comme Loïc Renard, infirmier au service oncologie. “Je vois chaque jour les limites de notre matériel. Quand j’ai appris que l’on pouvait participer directement, j’ai mis 1 200 euros. C’est une manière de dire que je crois en mon hôpital.”

Il y a aussi des jeunes actifs, comme Élise Troadec, 34 ans, cadre dans une entreprise de logistique à Toulon. “Je n’ai pas de lien direct avec Fréjus, mais je suis sensible aux projets locaux qui font sens. Plutôt que de laisser mon argent dormir sur un compte, je préfère qu’il serve à quelque chose de concret.”

Un modèle qui dépasse le Var

L’initiative de Fréjus n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans un mouvement national de financement participatif appliqué à la santé publique. À Saint-Lô, dans la Manche, un emprunt citoyen lancé en mai 2024 a permis de réunir 100 000 euros pour agrandir un service de médecine polyvalente. Les habitants y ont vu une chance de maintenir une offre de soins de proximité, alors que la ville craint depuis des années une désertification médicale.

À Évreux, en Normandie, 120 000 euros ont été collectés grâce à un dispositif similaire, permettant l’ouverture de 22 lits supplémentaires dans un service saturé. “On a été submergés par les demandes”, raconte Sophie Marceau, coordinatrice du projet. “Des gens qu’on ne connaissait pas, des anciens patients, des enseignants, des artisans… Ils ont compris que l’hôpital, c’est un bien commun.”

Pourquoi ce modèle séduit-il de plus en plus ?

La crise du système de santé français, marquée par des suppressions de lits, des pénuries de personnel et des délais d’attente croissants, a érodé la confiance des citoyens dans les institutions. L’emprunt citoyen répond à un besoin de reconnexion : il permet aux habitants de se réapproprier un service public qu’ils jugent menacé.

Il y a aussi un effet symbolique puissant. En investissant, les citoyens ne disent pas seulement “je donne de l’argent”, mais “je fais partie de la solution”. C’est une forme de démocratie sanitaire en acte, où les patients et les usagers deviennent des acteurs à part entière du système de soins.

Le succès de Fréjus montre que ce modèle peut fonctionner même dans des zones urbaines moyennes, loin des grandes métropoles. “On pensait que ça marcherait mieux dans une grande ville”, confie Frédéric Limouzy. “Mais en fait, c’est dans les territoires où l’hôpital est un pilier du quotidien que les gens sont prêts à s’engager.”

Quelles sont les limites de ce dispositif ?

Malgré son succès, l’emprunt citoyen ne peut pas tout. Il ne résout pas les problèmes structurels de sous-financement chronique du secteur hospitalier. Il ne remplace pas les salaires corrects pour les soignants, ni les politiques de recrutement ambitieuses. Il est, avant tout, un complément.

De plus, ce type de financement ne peut pas être mis en œuvre partout. Il suppose une forte mobilisation locale, une communication claire, et une gestion rigoureuse des fonds. Il nécessite aussi une confiance préexistante entre l’établissement et la population. Dans des zones où cette confiance est ébranlée, le dispositif risque de peiner à décoller.

L’hôpital de Fréjus va-t-il réitérer l’expérience ?

Oui, et c’est peut-être là le signe le plus fort du succès de cette initiative. L’établissement se dit “prêt à réitérer” pour d’autres projets, comme l’achat de nouveaux lits ou la modernisation des salles de radiologie. Le directeur évoque même la possibilité de créer un fonds local de financement participatif, pérenne, qui permettrait de soutenir plusieurs projets à la fois.

“On ne veut pas que ce soit un coup d’éclat isolé”, précise-t-il. “On veut en faire une culture. Que les citoyens se disent : si on veut quelque chose ici, on peut y contribuer.”

Quel avenir pour les emprunts citoyens en santé ?

L’avenir semble prometteur. Plusieurs hôpitaux ont déjà contacté Fréjus pour s’inspirer de leur modèle. Des collectivités locales étudient la possibilité de soutenir ces initiatives, par exemple en garantissant une partie des prêts ou en facilitant la communication.

Des experts en économie de la santé, comme le docteur Antoine Fournier, spécialiste des politiques publiques à l’université d’Aix-Marseille, y voient une “piste innovante de relocalisation du financement de la santé”. “Cela ne remplacera pas l’État, mais cela peut créer des relais de solidarité locale, essentiels dans un contexte de tension budgétaire.”

Conclusion

L’emprunt citoyen de Fréjus n’est pas qu’un succès financier. C’est une réponse concrète à un sentiment d’impuissance face à la dégradation des services publics. En permettant aux citoyens d’agir, il redonne du sens à la notion d’hôpital public. Il montre que, même dans un système complexe, la solidarité peut prendre des formes nouvelles, efficaces et humaines. Et si sauver l’hôpital passait, tout simplement, par la confiance que nous lui accordons ?

A retenir

Quel est l’objectif de l’emprunt citoyen à Fréjus ?

L’objectif principal est de financer l’achat d’une Gamma caméra, un équipement médical indispensable pour la détection de pathologies osseuses, cardiaques et cancéreuses. Le coût total s’élève à 72 000 euros, et 50 000 euros ont déjà été collectés en deux mois grâce à l’investissement de plus de cinquante citoyens.

Quel rendement est offert aux investisseurs ?

Les citoyens prêteurs bénéficient d’un taux d’intérêt fixe de 3 % par an, supérieur au rendement du livret A (1,7 %). Ce taux est rémunéré par l’hôpital sur une durée définie, dans le cadre d’un remboursement planifié.

Qui peut participer à un emprunt citoyen ?

Tout particulier peut investir, à partir de 10 euros. Les prêteurs viennent de divers horizons : habitants du territoire, patients, soignants, ou simples citoyens solidaires. À Fréjus, les investisseurs proviennent de 20 départements différents.

Ce modèle existe-t-il ailleurs en France ?

Oui, des initiatives similaires ont eu lieu à Saint-Lô (100 000 euros collectés) et à Évreux (120 000 euros), notamment pour agrandir des services ou créer de nouveaux lits. Ces projets montrent que le modèle peut être exporté à d’autres territoires.

L’hôpital de Fréjus compte-t-il réitérer cette expérience ?

Oui, l’établissement envisage de réutiliser ce dispositif pour d’autres projets de modernisation. Le directeur souhaite en faire une pratique régulière, intégrée à la stratégie de développement de l’hôpital.

Anita

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