Inclusivité au cœur du festival Focus au cinéma Club 6 à Saint-Brieuc

Chaque année, des événements culturels se multiplient pour promouvoir l’inclusion, la sensibilité et la diversité. Mais rares sont ceux qui parviennent à allier engagement, émotion et accessibilité de manière aussi fluide que le festival Focus, qui se déroule à Saint-Brieuc, dans les Côtes-d’Armor. Ce festival cinématographique, bien qu’encore méconnu du grand public, s’impose peu à peu comme une référence régionale en matière de représentation des handicaps. Il ne s’agit pas ici de faire l’apologie de la pitié ou de la surmédicalisation, mais bien de raconter des vies, des combats, des joies et des rêves. À travers une programmation exigeante et une organisation pensée pour tous, Focus invite à un regard neuf sur la différence. Rencontre avec des personnes dont les parcours croisent ce festival, parfois de manière inattendue.

Qu’est-ce que le festival Focus ?

Le festival Focus, qui se tient au Club 6 à Saint-Brieuc jusqu’au samedi 11 octobre 2025, est bien plus qu’une simple programmation de films. C’est un projet collectif porté par plusieurs acteurs du secteur médico-social, associatif et culturel : APF France handicap, La Bande son, l’association Valentin Haüy, le GEM Ti Kenwaller, l’EPSMS Ar Goued, et le cinéma Club 6. Ensemble, ils ont conçu un événement où le handicap n’est ni un sujet tabou, ni un thème à exploiter, mais une réalité humaine à partager, à comprendre, à célébrer.

Laura Richomme, chargée de développement des actions associatives auprès d’APF France handicap, insiste sur la synergie entre les partenaires : C’est un travail entre plusieurs structures qui roule tout seul , explique-t-elle. Une formule qui cache en réalité des mois de coordination, de réflexion, et d’adaptation pour garantir que chaque spectateur, quel que soit son handicap, puisse vivre pleinement l’expérience cinématographique.

Pourquoi ce festival attire-t-il des personnes en situation de handicap ?

Élodie Vasseur, kinésithérapeute et spectatrice engagée, raconte son changement de regard : J’avais déjà entendu parler du festival Focus, mais je n’étais pas dans l’optique de m’y rendre. Voir des films sur des handicaps ? Non merci. J’essaye déjà de m’occuper du mien. Diagnostiquée il y a cinq ans avec une sclérose en plaques, Élodie a longtemps fui les représentations médiatiques de sa condition. Je ne voulais pas être étiquetée, ni me reconnaître dans des récits trop dramatiques ou trop héroïques. Mais cette année, j’ai mûri. J’ai pris du recul. Et j’ai compris que ces films, c’était aussi mon histoire.

Aujourd’hui, elle participe activement au festival, notamment en intervenant lors du débat de clôture. Ce n’est pas un festival pour les autres. C’est un festival pour nous. Et pour ceux qui veulent nous comprendre.

Comment les films sont-ils rendus accessibles à tous ?

L’inclusivité n’est pas un simple mot d’ordre au festival Focus : elle est mise en œuvre concrètement. Chaque projection est accompagnée d’audiodescription (AD) pour les personnes aveugles ou malvoyantes, et de sous-titrage pour les sourds et malentendants (SME). Le Club 6, déjà reconnu pour son accessibilité physique, a renforcé ses dispositifs : rampes, places réservées, espaces de circulation larges, et personnel formé à l’accompagnement.

L’idée, c’est que personne ne se sente exclu à l’entrée , précise Laura Richomme. Et ce souci de l’accueil ne s’arrête pas à la porte de la salle. Les débats, les rencontres avec les réalisateurs, et même les pauses sont pensés pour permettre à chacun de participer pleinement.

Maël Piriou, réalisateur de Une pointe d’amour, projeté en présence le samedi 11 octobre, témoigne : C’est la première fois qu’un festival m’invite à venir avec un interprète en langue des signes et un dispositif d’audiodescription pour ma propre intervention. Cela change tout. Cela signifie que ma parole, comme celle des spectateurs, compte.

Quels types de films sont proposés ?

La programmation du festival évite soigneusement le piège de la représentation unique. Pas de récit linéaire sur la souffrance ou la rédemption. Ici, on trouve de l’animation, du documentaire, de la comédie, du drame. Des genres variés pour des expériences diverses.

Le jeudi 9 octobre, La vie de Lise a ému la salle. Ce documentaire suit une jeune femme trisomique dans son quotidien, entre travail, amitiés et premiers émois amoureux. Ce qui m’a touchée, c’est qu’on ne parle pas de sa trisomie comme d’un obstacle, mais comme d’un élément de sa personnalité , confie Camille Le Dantec, étudiante en sociologie venue avec son groupe de recherche. Elle est drôle, parfois têtue, souvent joyeuse. Bref, humaine.

Le lendemain, On est fait pour s’entendre a surpris par son ton léger. Ce film d’animation met en scène un duo improbable : un chien sourd et un oiseau aveugle, qui apprennent à communiquer. C’était drôle, mais aussi profond , raconte Théo, 10 ans, venu avec son école. Le chien grogne, l’oiseau bat des ailes… et petit à petit, ils se comprennent. C’est comme nous, en fait.

Comment les spectateurs réagissent-ils à ces films ?

Les réactions sont unanimes : émotion, empathie, mais aussi prise de conscience. Pour beaucoup, ces projections sont une première. Je ne savais pas que des films comme ça existaient , avoue Jean-Baptiste, venu seul pour la première fois. J’ai toujours cru que le cinéma sur le handicap, c’était triste. Mais là, c’est vivant.

Le débat qui suit chaque film est souvent intense. Des spectateurs témoignent, posent des questions, parfois s’interrogent sur leurs propres préjugés. J’ai réalisé que je regardais les personnes en fauteuil roulant comme des personnes “en difficulté”, alors qu’elles vivent, aiment, voyagent, rient , confie Aïcha, étudiante en psychologie.

Élodie Vasseur, qui participe régulièrement à ces échanges, souligne l’importance de ces moments : On ne parle pas de nous, on parle avec nous. C’est une différence énorme.

Quel est l’impact du festival sur la société locale ?

Dans une ville comme Saint-Brieuc, où les initiatives inclusives restent encore trop rares, le festival Focus joue un rôle de pionnier. Il ne se contente pas de projeter des films : il ouvre des discussions, bouscule les habitudes, invite à repenser l’espace public.

Depuis qu’on participe à Focus, on a demandé à notre mairie d’améliorer l’accessibilité de la médiathèque , raconte Gwenaëlle, membre du GEM Ti Kenwaller. Et ils ont écouté.

Cette dynamique de changement est aussi perçue par les professionnels. On voit une évolution dans les mentalités , observe Maël Piriou. Les gens ne viennent plus par curiosité ou par devoir. Ils viennent par envie. Et ça, c’est une victoire.

Quelles leçons peut-on tirer de ce festival ?

Le festival Focus montre qu’un événement culturel peut être à la fois artistique, politique et humain. Il prouve que l’inclusion n’est pas une contrainte, mais une richesse. En donnant la parole à des personnes souvent invisibilisées, il redonne du sens au cinéma : celui de raconter le monde tel qu’il est, dans toute sa diversité.

Il montre aussi que la sensibilisation passe par l’émotion, et que l’émotion passe par la rencontre. Ce n’est pas un film qui va changer le monde , reconnaît Laura Richomme. Mais peut-être qu’il va changer un regard. Et un regard, c’est déjà un pas.

Quel avenir pour le festival Focus ?

Les organisateurs rêvent d’élargir l’événement : plus de films, plus de débats, peut-être une résidence d’artistes en situation de handicap. On aimerait que Focus devienne un lieu de création, pas seulement de diffusion , explique un membre de l’association La Bande son.

Le succès grandissant du festival laisse présager un avenir prometteur. En 2025, près de 800 personnes ont assisté aux projections, un chiffre en hausse constante depuis sa création. On commence à être attendus , sourit Laura Richomme. Et c’est bon signe.

A retenir

Le festival Focus, c’est quoi exactement ?

Le festival Focus est un événement cinématographique organisé à Saint-Brieuc par un collectif d’associations et d’établissements médico-sociaux. Il propose des films traitant de handicaps, dans des genres variés, tous accessibles grâce à l’audiodescription et au sous-titrage SME.

Qui peut y assister ?

Tout le monde. Le festival est ouvert à tous, sans distinction. Il est particulièrement conçu pour être accessible aux personnes en situation de handicap, mais il s’adresse aussi au grand public désireux de découvrir d’autres regards sur la vie.

Où et quand a-t-il lieu ?

Il se déroule au Club 6 à Saint-Brieuc, dans les Côtes-d’Armor, jusqu’au samedi 11 octobre 2025. Les projections ont lieu à différentes heures, notamment le jeudi 9 octobre à 13h45, le vendredi 10 à 20h, et le samedi 11 à 13h45.

Combien coûte l’entrée ?

Le tarif d’entrée est fixé à 6 € par séance, un prix modéré pour favoriser l’accès au plus grand nombre.

Y a-t-il des temps d’échange après les films ?

Oui, chaque projection est suivie d’un débat. Ces échanges sont animés par des professionnels, des personnes en situation de handicap, et parfois les réalisateurs eux-mêmes.

Le festival a-t-il un impact concret sur la ville ?

Oui, il participe à sensibiliser les institutions locales à l’inclusion. Des actions concrètes, comme l’amélioration de l’accessibilité de certains lieux publics, ont été menées à la suite de discussions initiées lors du festival.

Pourquoi est-il important de parler de ce festival ?

Parce qu’il incarne une forme d’inclusion réussie, où culture, accessibilité et respect des personnes se rencontrent. Il montre qu’un autre regard sur le handicap est possible : plus juste, plus humain, plus vivant.