Luthier Sculpte Citrouilles Guitares Invite Cotes Darmor
Entre tradition séculaire et créativité contemporaine, la lagenaria, souvent confondue avec la courge, s’impose peu à peu comme bien plus qu’une simple plante potagère. Originaire d’Afrique tropicale, naturalisée en Europe depuis l’Antiquité, cette cucurbitacée aux formes surprenantes incarne aujourd’hui un pont entre le savoir-faire ancestral et l’innovation artistique. Cultivée avec soin par quelques passionnés, elle inspire aussi bien les jardiniers amateurs que les artisans d’art. Parmi eux, Jérôme Désigaud, musicien, jardinier et luthier, a fait de cette plante singulière une alliée précieuse dans sa quête de sons authentiques et durables. À travers son histoire et celle d’autres acteurs engagés, découvrons comment la lagenaria, sous ses noms de calebasse, cougourde ou cougordon, renaît aujourd’hui dans nos jardins et nos ateliers.
La lagenaria, dont le nom scientifique est Lagenaria siceraria, appartient à la famille des cucurbitacées, au même titre que les courgettes, les melons ou les courges. Pourtant, malgré des apparences parfois similaires, elle n’est pas une variété de courge. Comme le souligne Jérôme Désigaud, spécialiste de la plante : Les lagenarias sont présentes en France depuis l’Antiquité, transportées par les navigateurs anciens, alors que les courges, comme la courge musquée ou la citrouille, ont été introduites beaucoup plus tard, après les grandes découvertes américaines. Cette distinction botanique et historique est essentielle.
La lagenaria se distingue par sa peau dure, presque boisée, une fois séchée. Contrairement aux courges comestibles, elle n’est pas destinée à la consommation, du moins pas dans sa maturité avancée. Lorsqu’elle est jeune, la calebasse peut être cuisinée comme une courgette, mais c’est surtout à maturité qu’elle révèle tout son potentiel : récipients, instruments de musique, objets décoratifs, voire œuvres d’art. Son nom varie selon les régions : cougourde en Bretagne, cougordon en Anjou, calebasse dans le sud de la France. Ces appellations locales témoignent de son ancrage culturel profond.
La culture de la lagenaria demande patience et rigueur. Elle se développe sur de longues tiges grimpantes, nécessitant un tuteurage ou un espace dégagé pour s’épanouir. Les graines, souvent conservées de récolte en récolte, sont semées au printemps, après les dernières gelées. Chaque plant peut produire de deux à cinq fruits, dont la forme varie selon la variété : sphérique, cylindrique, en col de cygne, ou même torsadée.
Élodie Roussel, maraîchère bio dans la vallée de la Loire, cultive des lagenarias depuis une dizaine d’années. Au début, je voulais simplement diversifier mes cultures. Puis j’ai découvert que les gens étaient fascinés par ces formes organiques, presque magiques. Aujourd’hui, je les vends autant pour leur aspect décoratif que pour les ateliers que j’organise autour de leur transformation. Elle insiste sur l’importance du séchage : un processus long, parfois de plusieurs mois, durant lequel la pulpe se détache des parois internes, laissant un cocon creux et solide.
Le climat joue un rôle crucial. La lagenaria aime la chaleur et la lumière, mais redoute l’humidité excessive, qui favorise la pourriture. C’est pourquoi les jardiniers expérimentés, comme Élodie, la cultivent en pleine terre, sur buttes bien drainées, et évitent de laisser les fruits toucher le sol en les suspendant à l’aide de filets.
C’est sans doute dans le domaine musical que la lagenaria révèle sa magie la plus profonde. Depuis des millénaires, des peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud ont façonné ces calebasses en instruments : flûtes, violons, harpes, ou encore n’gombi, un instrument à corde utilisé en République démocratique du Congo. Jérôme Désigaud, après avoir parcouru le monde à la recherche de sons oubliés, a été captivé par cette tradition.
J’ai vu des musiciens en Guinée fabriquer des n’gombis avec une seule calebasse, une corde de boyau et un manche en bois. Le son était rauque, vivant, presque animal. Je me suis dit : pourquoi ne pas le faire ici, avec des matériaux locaux ? , raconte-t-il. Depuis, il cultive ses propres lagenarias, choisit les formes les plus adaptées, les sèche, les vide, puis les assemble avec des bois nobles pour créer des instruments uniques. Chaque pièce est numérotée, signée, et porte en elle l’empreinte du temps : celui de la croissance, du séchage, de la patine.
Il organise régulièrement des concerts-ateliers dans des écoles et des festivals. Lors d’une représentation à Pedernec, lors de la Foire aux courges, il a fait découvrir aux enfants le son d’un violon à calebasse. Un petit garçon m’a dit : “On dirait que la plante chante.” C’était exactement ça.
Au-delà de la musique, la lagenaria connaît un regain d’intérêt dans le monde de l’artisanat et du design durable. En un temps où l’écoconception est devenue une nécessité, cette plante s’impose comme une alternative naturelle aux plastiques et aux matériaux industriels. Sculptée, polie, teintée ou laissée brute, elle devient lampe, vase, boîte à bijoux, ou même pièce centrale d’une installation artistique.
Camille Lefebvre, designer toulousaine spécialisée dans les matériaux biosourcés, a intégré la lagenaria dans sa collection “Terre & Forme”. Je travaille avec des calebasses issues de circuits courts, parfois directement des jardins familiaux. Chaque forme est unique, donc chaque objet est une pièce singulière. C’est une réponse concrète à la surproduction de biens standardisés.
Ses créations ont été exposées lors d’un salon du design à Nantes, où elles ont suscité l’admiration pour leur esthétique organique et leur message environnemental. On ne fabrique pas la nature, on l’accompagne. La lagenaria nous rappelle que la beauté peut naître du simple passage du temps.
La culture de la lagenaria n’est pas seulement un geste agricole ou artistique : c’est aussi un acte de transmission. Dans les campagnes bretonnes ou ligures, certains anciens gardent encore des graines transmises de génération en génération. Ces graines, parfois âgées de plusieurs décennies, portent en elles des histoires familiales, des souvenirs de récoltes passées, de fêtes villageoises.
À Pedernec, la Foire aux courges – malgré son nom – célèbre chaque automne la diversité des cucurbitacées, avec une place grandissante pour la lagenaria. En 2024, plus de cinquante exposants étaient présents, dont des jardiniers, des artisans, des ethnobotanistes. L’un d’eux, Henri Vasseur, octogénaire originaire du Morbihan, y expose chaque année ses calebasses sculptées. Mon père en faisait déjà. On les utilisait pour stocker le lait ou l’eau. Aujourd’hui, c’est différent, mais l’essentiel reste : on continue.
Cette continuité est précieuse. Dans un monde où les savoirs anciens s’effacent, la lagenaria devient un vecteur de mémoire. Elle pousse lentement, demande de l’attention, et ne se hâte pas. Comme le dit Jérôme Désigaud : Elle nous apprend à ralentir. À écouter. À respecter le rythme des saisons.
Pour les jardiniers débutants, cultiver une lagenaria peut être une expérience enrichissante. Il suffit de quelques graines, un coin ensoleillé, et un peu de patience. Les associations de jardinage, comme “Les Jardins de l’Écureuil” en Nouvelle-Aquitaine, proposent des ateliers de semis et de séchage. On voit souvent des gens sceptiques au départ. Puis, quand ils tiennent leur première calebasse sèche entre les mains, il y a une émotion particulière , témoigne Léa Bompard, animatrice de l’association.
Pour ceux qui ne veulent pas cultiver, il est possible de se procurer des objets en lagenaria auprès d’artisans ou sur les marchés locaux. Choisir une calebasse, c’est choisir un objet vivant, imparfait, marqué par le temps. Ce n’est pas un produit de consommation, mais un compagnon du quotidien.
La lagenaria, longtemps oubliée au profit de cultures plus lucratives ou plus visibles, connaît aujourd’hui un renouveau mérité. Entre tradition et innovation, entre art et écologie, elle incarne une forme de résilience douce. Elle pousse dans les jardins, résonne dans les concerts, illumine les intérieurs. Elle est le fruit d’un engagement : celui de redonner du sens à la matière, à la croissance, à la création. Comme le rappelle Jérôme Désigaud, en tenant entre ses mains un violon à calebasse : Ce n’est pas moi qui ai fait cet instrument. C’est la plante, le temps, et un peu de main d’homme.
Originaire d’Afrique tropicale, la lagenaria a été introduite en Europe dès l’Antiquité. Elle a suivi les routes maritimes anciennes et s’est naturalisée dans de nombreuses régions méditerranéennes et occidentales.
Lorsqu’elle est jeune et tendre, la lagenaria peut être consommée comme une courgette. Cependant, à maturité, sa chair devient fibreuse et son enveloppe durcit, la rendant impropre à la consommation mais idéale pour la transformation artisanale.
Dans de nombreuses cultures, la calebasse séchée servait de récipient pour stocker l’eau, les graines ou les aliments. Elle était aussi utilisée comme ustensile de cuisine, comme cuillère géante ou comme outil de mesure.
Après séchage complet (6 à 12 mois), la calebasse est vidée de sa pulpe, poncée, puis associée à un manche en bois et une corde. Selon la forme et la taille, elle peut devenir violon, harpe, banjo ou flûte. Le son produit est chaud, profond, et varie selon la structure interne de chaque fruit.
Non, mais elle demande de la vigilance. Elle aime la chaleur, la lumière, et un sol bien drainé. Il est important de la protéger de l’humidité et de surveiller son développement pour éviter les maladies fongiques. Avec un peu d’attention, elle peut prospérer même dans des jardins amateurs.
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