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Un lycée breton teste la forme de ses élèves pour éviter un tsunami sanitaire

Chaque année, au début du mois d’octobre, le lycée Anita-Conti, niché dans la périphérie verdoyante de Bruz, à quelques kilomètres de Rennes, s’anime d’une énergie particulière. Ce n’est ni une rentrée sportive ni une compétition officielle, mais une journée bien plus ambitieuse : celle de l’évaluation complète de la condition physique de tous les élèves de seconde. Depuis cinq ans, cette initiative, pilotée par Sylvain Portier et ses collègues d’éducation physique et sportive, s’est imposée comme un moment clé du calendrier scolaire. Loin des classements et des records, cette journée vise à instaurer un diagnostic honnête, bienveillant, et surtout utile pour chaque jeune. Ce n’est pas un concours, insiste Sylvain Portier devant ses élèves, mais un miroir tendu à leur corps, à leurs habitudes, à leur rapport à l’effort. Et derrière ce dispositif, c’est tout un projet pédagogique qui prend forme : apprendre à se connaître, à progresser, et à s’approprier durablement une culture du bien-être physique.

Quelle est la philosophie derrière ces tests physiques ?

Le choix d’organiser une journée de bilan physique n’est pas anodin. Sylvain Portier, enseignant d’EPS depuis plus de quinze ans, a longtemps observé un décalage entre les objectifs officiels de l’éducation sportive et la réalité vécue par les élèves. On passait trop de temps à évaluer des performances, à noter, à comparer, alors qu’on devrait d’abord aider les jeunes à comprendre leur corps, à l’écouter , explique-t-il. C’est cette conviction qui a mené à la création du protocole Anita-Conti, conçu en collaboration avec des kinésithérapeutes, des entraîneurs sportifs et des chercheurs en sciences du mouvement. L’idée ? Proposer une grille d’évaluation multidimensionnelle, qui ne réduise pas la condition physique à la seule endurance ou à la vitesse, mais qui intègre des composantes souvent négligées : la force isométrique, la coordination, la stabilité posturale, la souplesse, ou encore la capacité à maintenir un effort prolongé sans fatigue excessive.

Ce n’est pas un concours, et ça ne sert à rien de tricher , répète Sylvain Portier, debout face à une centaine d’élèves en tenue de sport, parfois moqueurs, souvent curieux. Le but, c’est de faire un état des lieux. Ensuite, on travaille dessus. Ce discours, entendu chaque année, semble peu à peu porter ses fruits. Les élèves, au lieu de chercher à briller, commencent à adopter une posture d’observation. Comme Léa Berthier, 15 ans, qui avoue : L’année dernière, je me suis rendu compte que je tenais à peine 20 secondes en chaise. J’étais dégoûtée, mais ça m’a motivée. Depuis, je fais des exercices chez moi.

Comment se déroule concrètement la journée de tests ?

Quels sont les différents ateliers proposés ?

La journée est structurée en six ateliers distincts, chacun encadré par un enseignant ou un assistant. Les élèves circulent par groupes, avec un temps imparti pour chaque épreuve. Le premier atelier évalue la force explosive des membres inférieurs : il s’agit du saut en longueur sans élan. Pas de course, pas d’élan, juste un bond depuis une position statique , précise Sylvain. Cela permet de mesurer la puissance pure du muscle, sans artifice.

Le deuxième atelier teste l’équilibre : les élèves doivent traverser une poutre étroite, posée au sol, en marchant pieds nus, les bras tendus. On ne cherche pas des gymnastes, mais on veut voir qui a une bonne coordination, qui oscille beaucoup, qui bloque sa respiration , commente Amélie Kessler, collègue de Sylvain, qui supervise cet atelier. C’est étonnant de voir à quel point certains élèves sont déséquilibrés. Parfois, c’est lié à des habitudes de posture, à des chaussures inadaptées, ou à un manque d’activité physique régulière.

Le troisième atelier, l’un des plus redoutés, est celui de la chaise . Les élèves doivent rester assis dans l’air, dos contre un mur, cuisses parallèles au sol, pendant le plus longtemps possible. C’est un test de force isométrique des quadriceps, mais aussi de résistance mentale , sourit Sylvain. Certains lâchent en dix secondes, d’autres tiennent plus de deux minutes. Ce n’est pas forcément ceux qu’on croit.

Le quatrième atelier évalue la force des membres supérieurs : les élèves doivent se suspendre à une barre fixe, menton au-dessus, pendant une durée maximale. On ne demande pas des tractions, juste de tenir , insiste Amélie. C’est surprenant de voir à quel point les jeunes ont perdu cette capacité. Beaucoup ne tiennent pas plus de 15 secondes.

Le cinquième atelier mesure l’endurance cardio-respiratoire, avec un test de course en continu sur 1 500 mètres, chronométré. On ne pousse pas à la performance, mais on note le temps, et surtout la récupération après l’effort , précise Sylvain. Une bonne condition cardio, ce n’est pas seulement courir vite, c’est aussi retrouver un rythme cardiaque normal rapidement après l’effort.

Enfin, le dernier atelier est consacré à la souplesse : les élèves doivent effectuer un test de flexion en position assise, pieds joints, et tendre les mains vers les orteils. La souplesse est souvent négligée, mais elle est essentielle pour prévenir les blessures , explique Amélie. Et on voit clairement la différence entre ceux qui pratiquent une activité régulière et les autres.

Comment les résultats sont-ils utilisés ?

À la fin de la journée, chaque élève reçoit un bilan personnalisé, sous forme de fiche synthétique. Ce document, conçu comme un outil pédagogique, présente les résultats obtenus dans chaque atelier, accompagnés de repères de référence selon l’âge et le sexe. Mais surtout, il propose des axes de progrès concrets. On ne donne pas de note chiffrée, on ne classe personne , insiste Sylvain. On dit : “Voilà où tu en es. Voilà ce que tu pourrais travailler. Voilà quelques exercices simples à faire chez toi.”

Ce bilan devient ensuite un point de départ pour les séances d’EPS des mois suivants. Les élèves peuvent choisir de se fixer des objectifs personnels, accompagnés par leurs professeurs. L’année dernière, j’ai travaillé sur mon gainage pendant six mois , raconte Tom Régnier, un élève de première. Je passais de 15 à 45 secondes en chaise. C’est pas mal, non ?

Quels sont les bénéfices observés depuis la mise en place de cette initiative ?

Une meilleure conscience corporelle chez les élèves

Les enseignants constatent une évolution notable dans la manière dont les élèves perçoivent leur corps. Avant, beaucoup d’entre eux pensaient que faire du sport, c’était courir vite ou soulever lourd , note Amélie Kessler. Maintenant, ils comprennent que la condition physique, c’est un ensemble : la force, l’équilibre, la souplesse, la résistance… Et que chacun peut progresser, peu importe son niveau de départ.

Le témoignage de Léa Berthier va dans ce sens : Avant, je me disais que je n’étais pas sportive. Mais grâce à ces tests, j’ai vu que j’avais une bonne endurance. Alors j’ai commencé à courir le dimanche, juste pour moi. Et maintenant, je me sens plus forte.

Une réduction des inégalités en EPS

Un autre bénéfice, moins visible mais tout aussi important, est la réduction des inégalités entre élèves. Dans les activités traditionnelles, les meilleurs sont souvent ceux qui ont déjà pratiqué un sport en club , observe Sylvain Portier. Ici, on remet tout à zéro. Un élève qui n’a jamais fait de sport peut très bien avoir une excellente souplesse ou un bon équilibre. Et ça, ça valorise.

Le cas de Tom Régnier est exemplaire. Je détestais l’EPS avant. Je n’étais bon à rien. Mais cette journée m’a montré que j’avais des points forts. Depuis, je participe plus.

Un impact sur les habitudes de vie

Plusieurs élèves ont modifié leurs habitudes après avoir reçu leur bilan. Certains ont intégré des étirements dans leur routine matinale, d’autres ont commencé à marcher ou courir régulièrement. Ce n’est pas qu’une journée de tests, c’est un déclic , estime Sylvain. On ne forme pas des athlètes, on forme des citoyens capables de prendre soin d’eux-mêmes.

Quelles sont les limites de ce dispositif ?

Bien que largement salué, le protocole n’est pas sans limites. Le temps de mise en œuvre est important : une journée entière mobilise l’ensemble des enseignants d’EPS, et nécessite une logistique conséquente. De plus, certains élèves restent réticents, notamment ceux qui associent encore l’évaluation à la sanction. Il faut du temps pour changer les mentalités , reconnaît Amélie Kessler. Mais on avance.

Par ailleurs, le suivi des progrès reste difficile à mesurer sur le long terme. On n’a pas encore de données chiffrées sur l’évolution des élèves sur deux ou trois ans , admet Sylvain. Mais on voit bien, dans les classes, que certains changent d’attitude.

Quelles perspectives pour l’avenir ?

Les enseignants du lycée Anita-Conti envisagent d’étendre le dispositif à d’autres niveaux, voire de le proposer comme modèle à d’autres établissements. On a déjà eu des contacts avec des collègues de Nantes et de Rennes , confie Sylvain. L’idée, c’est de créer un réseau d’écoles qui utilisent ce type d’évaluation bienveillante.

Un autre projet en cours est la création d’une application mobile permettant aux élèves de suivre leurs progrès au fil du temps, enregistrer leurs séances d’entraînement, et recevoir des conseils personnalisés. On veut que cette journée ne soit pas un événement isolé, mais le point de départ d’un parcours , explique Amélie.

Conclusion

La journée de tests physiques au lycée Anita-Conti n’est pas une simple évaluation. C’est une démarche éducative profonde, qui repense le rôle de l’EPS dans l’accompagnement des jeunes. En mettant l’accent sur la connaissance de soi, la progression personnelle et la bienveillance, elle offre une alternative aux logiques de performance et de compétition. Elle montre que l’école peut jouer un rôle clé dans la promotion d’un rapport sain au corps et à l’activité physique. Et elle prouve, à sa manière, que l’éducation n’est pas seulement une affaire de savoir, mais aussi de savoir-être — et de savoir-se mouvoir.

A retenir

Quel est l’objectif principal de cette journée de tests ?

L’objectif n’est pas de classer les élèves, mais de leur permettre de faire un état des lieux de leur condition physique, d’identifier leurs points forts et leurs axes de progrès, et de s’approprier une démarche d’amélioration personnelle.

Les tests sont-ils notés ?

Non, les résultats ne donnent lieu à aucune note chiffrée ni à un classement. Chaque élève reçoit un bilan personnalisé, avec des repères et des conseils d’entraînement, mais aucune sanction ou valorisation comparative.

Quels sont les ateliers proposés ?

Les élèves passent par six ateliers : saut en longueur sans élan (force explosive), marche sur poutre (équilibre), position en chaise (force isométrique), suspension à la barre (force des membres supérieurs), course de 1 500 mètres (endurance cardio-respiratoire), et test de souplesse (flexibilité).

Les élèves peuvent-ils progresser après cette évaluation ?

Oui, le bilan sert de base à un travail personnel sur plusieurs mois. Les enseignants proposent des exercices ciblés, et les élèves peuvent suivre leurs progrès dans les séances d’EPS ou en autonomie.

Cette initiative pourrait-elle être généralisée ?

Les enseignants du lycée Anita-Conti souhaitent diffuser leur modèle à d’autres établissements et travaillent à la création d’un réseau d’écoles partageant cette approche bienveillante de l’évaluation physique.

Anita

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