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Maine-et-Loire : comment repérer les 100 000 aidants pour les aider

Dans le Maine-et-Loire, une réalité silencieuse et profondément humaine touche des milliers de foyers : celle des aidants familiaux. Ces femmes, ces hommes, souvent proches d’un parent en perte d’autonomie, portent sur leurs épaules une charge invisible, faite de gestes du quotidien, de fatigue accumulée, et parfois de solitude. Selon une estimation de l’Union départementale des associations familiales (Udaf), ils seraient près de 100 000 dans le département. Un chiffre colossal, qui reflète à la fois l’ampleur du phénomène et l’urgence d’une reconnaissance plus forte. Pourtant, nombreux sont ceux qui ignorent leurs droits, leurs ressources, ou même l’existence d’un soutien possible. C’est précisément ce vide que l’Udaf tente de combler, en misant sur l’écoute, l’information, et des initiatives innovantes comme une pièce de théâtre qui donne voix à ces silences.

Qui sont les aidants du Maine-et-Loire ?

Le terme aidant recouvre une diversité de situations. Il ne s’agit pas seulement de conjoints âgés s’occupant l’un de l’autre, bien que ce soit une configuration fréquente. On y trouve aussi des enfants prenant en charge un parent malade, des frères et sœurs soutenant un proche handicapé, ou encore des proches accompagnant une personne atteinte de maladie neurodégénérative. Ce rôle, souvent assumé sans formation ni préparation, peut durer des années, voire des décennies.

Élodie Mercier, 54 ans, habite Angers. Depuis sept ans, elle s’occupe de son père, atteint de la maladie d’Alzheimer. Au début, je pensais que c’était temporaire. Puis les jours sont devenus des mois, les mois des années. Je me levais à 5 heures du matin pour lui préparer son petit-déjeuner, je le surveillais la nuit, je gérais les rendez-vous médicaux. Et pourtant, personne ne me voyait. Je n’étais pas soignante, je n’étais pas infirmière. Juste… sa fille, raconte-t-elle, la voix tremblante. Son témoignage, comme celui de tant d’autres, illustre cette invisibilité sociale des aidants.

Pourquoi tant d’aidants ignorent-ils leurs droits ?

Malgré l’existence de dispositifs d’aide, une minorité d’aidants en bénéficie réellement. La raison ? Un manque d’information, mais aussi une forme de renoncement. Beaucoup pensent qu’ils ne remplissent pas les critères, ou qu’ils n’ont pas le droit de demander de l’aide parce que c’est ‘leur devoir’, explique Maud Robinard, chargée de mission aidants à l’Udaf du Maine-et-Loire. Or, il n’y a pas de honte à chercher du soutien. L’aidant n’est pas un super-héros. Il a besoin de respirer, de se sentir accompagné.

Cette méconnaissance des droits est d’autant plus préoccupante que les conséquences de l’épuisement sont réelles. Fatigue chronique, isolement, troubles du sommeil, voire dépression : les risques psychosociaux sont élevés. Un rapport de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) souligne que 30 % des aidants familiaux déclarent une altération de leur santé liée à leur rôle.

Quelles aides existent concrètement ?

L’Udaf du Maine-et-Loire met à disposition un guide complet sur les droits des aidants, accessible en ligne. Ce document, concret et pédagogique, détaille notamment les possibilités de congés : congé de proche aidant, congé de soutien à un proche malade ou en fin de vie, ou encore le droit à l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie. Ces dispositifs permettent de suspendre temporairement son activité professionnelle pour se consacrer à un proche, sans perdre entièrement ses revenus.

Par ailleurs, l’Udaf oriente vers des aides financières comme la Prestation de compensation du handicap (PCH) ou l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA), selon les situations. Il ne s’agit pas de remplacer l’aidant, mais de le soulager, précise Maud Robinard. Par exemple, l’APA peut financer une aide à domicile quelques heures par semaine, ce qui permet à l’aidant de récupérer du temps pour lui.

Comment briser l’isolement ?

Le rôle d’aidant est souvent vécu comme une prison invisible. Les journées se succèdent, rythmées par les soins, les repas, les médicaments, sans que l’on puisse s’éloigner. C’est pourquoi l’Udaf insiste sur l’importance des temps pour soi et des offres répit. Ces moments, parfois simples – une promenade, une séance de sport, une sortie entre amis – sont essentiels pour préserver l’équilibre mental.

Le café des aidants, organisé régulièrement dans plusieurs communes du département, est un espace informel où les aidants peuvent se rencontrer, parler, rire, ou simplement se sentir compris. La première fois que je suis allée au café des aidants à Trélazé, j’ai pleuré, confie Thierry Lenoir, 68 ans, qui accompagne sa femme atteinte de sclérose en plaques. Parce que j’ai entendu mon histoire dans celle des autres. Je n’étais plus seul.

Pourquoi une pièce de théâtre sur les aidants ?

En 2025, l’Udaf mise sur une forme inédite de sensibilisation : une pièce de théâtre intitulée Rage d’aidant, écrite et interprétée par Ann-Marie Teinturier. Cette artiste angevine a puisé dans son vécu : pendant des années, elle a accompagné ses deux parents, l’un après l’autre, dans leurs derniers moments. J’ai vécu cette situation comme une montagne. On grimpe sans savoir si on atteindra le sommet, et surtout, sans savoir ce qu’il y aura après, explique-t-elle.

La pièce, à la fois poignante et lumineuse, explore les émotions contradictoires de l’aidant : amour, colère, culpabilité, fatigue, mais aussi moments de tendresse et d’humour. Après chaque représentation, un temps d’échange est organisé avec des professionnels – travailleurs sociaux, médecins, psychologues – et des aidants présents. Le théâtre touche là où les brochures ne parviennent pas, affirme Maud Robinard. Il touche le cœur, et c’est souvent par le cœur qu’on commence à agir.

Où et quand voir Rage d’aidant ?

La pièce sera jouée à plusieurs reprises dans le Maine-et-Loire en octobre 2025. Les représentations sont programmées à Trélazé (lundi 6), Brain-sur-l’Authion (jeudi 9), Doué-en-Anjou (samedi 11), Angers (mardi 14) et Trémentines (jeudi 16). Chaque date est l’occasion de sensibiliser les habitants, mais aussi de faire connaître les services de l’Udaf. On ne veut pas que les gens viennent juste pour voir un spectacle. On veut qu’ils repartent avec des contacts, des infos, et l’envie de ne plus rester seuls, insiste Ann-Marie Teinturier.

Quel est le rôle des comités locaux ?

L’Udaf s’appuie sur un réseau de comités locaux répartis dans tout le département. Ces structures, souvent animées par des bénévoles ou des professionnels de terrain, sont des points d’ancrage essentiels. Elles permettent de rapprocher l’information des habitants, en particulier dans les zones rurales où l’accès aux services peut être difficile.

C’est le cas à Segré-en-Anjou Bleu, où un comité local a récemment lancé un groupe de parole hebdomadaire. On a commencé avec trois personnes. Aujourd’hui, on en accueille une dizaine chaque semaine, raconte Sophie Renard, animatrice du groupe. Ce n’est pas une thérapie, mais un espace d’écoute. Parfois, juste dire ‘moi aussi, je vis ça’ peut changer une journée.

Quelles perspectives pour l’avenir ?

L’enjeu, désormais, est d’aller vers les aidants qui ne se manifestent pas. Ceux qui, par fierté, par peur, ou par déni, restent dans l’ombre. L’Udaf travaille avec les centres sociaux, les hôpitaux, les médecins traitants, pour repérer ces personnes isolées. Des campagnes de communication ciblées sont également envisagées, notamment via les réseaux sociaux et les médias locaux.

Par ailleurs, une réflexion est menée sur la création d’un pass aidant, une carte unique donnant accès à l’ensemble des services et aides du département. L’idée est de simplifier, de rendre visible, de dire clairement : vous n’êtes pas seul, et voici les outils à votre disposition, conclut Maud Robinard.

Conclusion

Les aidants familiaux sont le pilier invisible du système de soins. Ils rendent possible ce que les institutions ne peuvent pas toujours assurer : la continuité de l’attention, de l’affection, de la présence. Pourtant, leur rôle est trop souvent sous-estimé. À travers des actions concrètes – guides, cafés, groupes de parole, ou pièces de théâtre – l’Udaf du Maine-et-Loire tente de redonner de la visibilité à ces personnes essentielles. Car reconnaître les aidants, ce n’est pas seulement leur offrir des aides : c’est leur redonner une dignité.

A retenir

Combien d’aidants y a-t-il dans le Maine-et-Loire ?

Environ 100 000 aidants familiaux seraient recensés dans le département, selon l’estimation de l’Udaf. Ce chiffre, bien que difficile à vérifier précisément, témoigne de l’ampleur du phénomène.

Quels sont les droits des aidants ?

Les aidants peuvent bénéficier de plusieurs droits, notamment des congés spécifiques (congé de proche aidant, congé de soutien), de l’allocation journalière d’accompagnement, ou encore de dispositifs financiers comme l’APA ou la PCH. Un guide détaillé est disponible sur le site de l’Udaf.

Où trouver du soutien ?

L’Udaf du Maine-et-Loire propose des cafés des aidants, des groupes de parole, des offres de répit, et un accompagnement personnalisé. Des comités locaux sont actifs dans plusieurs villes du département.

Qu’est-ce que Rage d’aidant ?

Il s’agit d’une pièce de théâtre écrite et interprétée par Ann-Marie Teinturier, inspirée de son expérience personnelle d’aidante. Elle sera jouée à plusieurs reprises en octobre 2025 dans le Maine-et-Loire, suivie d’échanges avec des professionnels.

Comment contacter l’Udaf pour les aidants ?

Le service aidants de l’Udaf du Maine-et-Loire est joignable au 02 41 36 04 44 ou par courriel à l’adresse aidants.49@udaf49.fr.

Anita

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