Un maire envoie le panneau de son village à l’animateur de 12 coups de midi après une blague sur son nom – la réponse fait le tour de France en 2025

Parfois, une simple plaisanterie télévisée suffit à réveiller des fiertés endormies. Ce fut le cas au printemps 2024, lorsqu’un candidat alsacien, Loïc Kennel, passa sur le plateau de l’émission *12 coups de midi*. Ce jour-là, rien ne laissait présager une telle onde de choc régionale. Pourtant, en quelques minutes d’échanges légers, un nom de village devint symbole, un panneau de signalisation se transforma en ambassadeur, et une région entière retrouva le goût de se raconter. Ce n’est pas une querelle identitaire, ni un clash médiatique, mais une réponse élégante, presque poétique, à une taquinerie devenue virale. Une réponse qui dit : ici, on existe, on rit, et on tient à nos racines.

Qu’est-ce qui a déclenché cette vague de fierté alsacienne ?

Lors de son passage dans *12 coups de midi*, Loïc Kennel, jeune ingénieur originaire d’Haguenau, évoque avec naturel les communes de son département natal, le Bas-Rhin. Il cite notamment Merkwiller-Pechelbronn et Oberdorf-Spachbach, deux localités aux noms complexes pour une oreille non avertie. Le présentateur, Jean-Luc Reichmann, ne manque pas l’occasion de s’en amuser : « Mais comment on prononce ça ? », lance-t-il, mi-surpris, mi-amusé. L’auditoire rit, Loïc sourit, l’échange file comme une anecdote parmi d’autres.

Pourtant, ce moment, anodin en apparence, résonne différemment à 500 kilomètres de là. À Oberdorf-Spachbach, un petit village de 1 200 habitants niché entre forêts et collines, la scène est suivie par plusieurs familles. Parmi elles, celle de Claire Bühler, institutrice depuis quinze ans dans l’école du village. « On a regardé l’émission en groupe, raconte-t-elle. On s’est tous marrés, c’est vrai. Mais après, on s’est dit : “Attends, pourquoi on se moquerait de notre nom ? Il est beau, il est ancien, il raconte notre histoire.” » Ce sentiment, partagé par de nombreux habitants, devient le germe d’une réaction collective bien plus forte que de simples commentaires sur les réseaux.

Pourquoi cette réaction a-t-elle pris une telle ampleur ?

Le clip de l’émission est rapidement extrait, monté, puis diffusé sur TikTok. En quelques jours, il dépasse les 2,7 millions de vues. Les internautes s’amusent des noms alsaciens, les répètent à l’envers, en font des défis de prononciation. Mais derrière la blague, une question sous-jacente émerge : pourquoi ces toponymes paraissent-ils si étranges à certains ?

« C’est une question de culture, explique Thomas Ehrhart, historien local et auteur d’un ouvrage sur les noms de lieux en Alsace. Ces appellations ne sont pas des coquilles linguistiques, ce sont des archives vivantes. Oberdorf, c’est “village supérieur” en ancien allemand. Spachbach, c’est “ruisseau de la Spach” – un hydronyme oublié. Ces noms portent des siècles de bilinguisme, de frontières mouvantes, de traditions paysannes. »

Pour les habitants, ce n’est donc pas une question de vanité, mais de reconnaissance. Et c’est là que l’humour, au lieu de diviser, devient un outil de rassemblement. Comme le dit Julien Schaeffer, jeune élu municipal : « On aurait pu s’offusquer. On aurait pu envoyer une lettre de protestation. Mais on a préféré répondre par un geste simple, fort, et un peu malicieux. »

Quel a été le geste symbolique du maire d’Oberdorf-Spachbach ?

Le 4 août 2024, une scène insolite se déroule à l’entrée du village. En présence d’une petite foule, le maire, Denis Weiler, accompagné de ses adjoints et de quelques habitants, décroche le panneau d’entrée d’Oberdorf-Spachbach. Le geste est filmé, sobre, presque solennel. Puis, le panneau est remis à un jeune Alsacien, Marc Lutz, étudiant à Strasbourg, qui s’engage à le porter jusqu’à TF1, à Paris.

« On ne l’a pas enlevé pour l’effacer, précise le maire lors d’une courte déclaration relayée sur les réseaux. On l’a enlevé pour le montrer. Pour dire : oui, ce nom existe. Il est là, gravé dans le métal, dans la pierre, dans nos mémoires. Et il mérite d’être vu. »

Le panneau, mesurant environ 1,50 mètre de long, est peint aux couleurs traditionnelles du village : fond blanc, lettres noires, avec l’écusson communal en haut à gauche. Il devient, en quelques heures, une icône. Partagé sur Instagram, relayé par des comptes régionaux, il devient le symbole d’une Alsace fière, sereine, et capable de rire d’elle-même sans se renier.

Comment le message a-t-il été perçu à Paris et par l’émission ?

Le panneau arrive à TF1 une semaine plus tard. Marc Lutz, accompagné d’un journaliste de *Dernières Nouvelles d’Alsace*, le remet en main propre à un membre de l’équipe de *12 coups de midi*. Bien que Jean-Luc Reichmann ne soit pas présent ce jour-là, le geste est accueilli avec amusement et respect. Une vidéo est publiée sur les réseaux de l’émission : on y voit l’équipe découvrant le panneau, le tenant comme une relique, souriant, lisant le nom à voix haute.

« C’est magnifique, commente un technicien dans la vidéo. On dirait une œuvre d’art ! »

Le lendemain, Jean-Luc Reichmann évoque l’affaire en début d’émission. « On a reçu un cadeau… inattendu », lance-t-il, avant de montrer une photo du panneau. « Je veux dire merci à Oberdorf-Spachbach. Vous avez raison : votre nom est compliqué, mais il est beau. Et il mérite qu’on le prononce avec respect. » L’auditoire applaudit. Loïc Kennel, en invité surprise, ajoute : « En plus, maintenant, tout le monde connaît mon village. C’est une victoire pour l’Alsace. »

Quel impact ce geste a-t-il eu sur la communauté locale ?

Le retour du panneau, quelques jours plus tard, est fêté comme une victoire. Un petit rassemblement a lieu à l’entrée du village. Le panneau est remis en place, mais cette fois, entouré d’un cadre en bois sculpté, offert par un artisan local. Une plaque est apposée dessous : « Offert à la France, rendu à l’Alsace – août 2024 ».

« C’était plus qu’un panneau, c’était notre identité qui voyageait », confie Élise Kieffer, octogénaire et doyenne du village. « Mon père disait toujours : “Un nom, c’est une maison.” Aujourd’hui, on a montré que la nôtre tient debout, même à Paris. »

Le geste inspire d’autres communes. À Merkwiller-Pechelbronn, on envisage un projet similaire : offrir une reproduction du puits historique de la ville, symbole de son passé industriel. À Rosheim, un village voisin, on crée un jeu de société sur les toponymes alsaciens. Partout, l’humour et la fierté se mêlent.

Quelle est la portée de ce phénomène au-delà de l’Alsace ?

Cette affaire touche une corde sensible dans toute la France. Combien de villages portent des noms que l’on prononce mal, que l’on oublie sur les cartes, que l’on réduit à une blague ? À Saint-Étienne-du-Rouvray, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Germain-en-Laye, des voix s’élèvent : « Et nous, alors ? »

Le sociologue Antoine Maréchal, spécialiste des identités territoriales, analyse : « Ce qui s’est passé à Oberdorf-Spachbach est un exemple parfait de résilience culturelle. Face à une moquerie, au lieu de se replier, la communauté a choisi de s’affirmer par un acte concret, non violent, et profondément humain. C’est une forme de diplomatie locale. »

Le phénomène interpelle aussi les médias nationaux. Une émission de France 3 Alsace consacre un documentaire de trente minutes à l’histoire. Un dessin humoristique paraît dans *Le Canard Enchaîné*, montrant le panneau en train de monter les marches de l’Élysée. Même le ministère de la Culture évoque, en aparté, la nécessité de mieux valoriser les patrimoines toponymiques.

Que dit cette histoire sur l’identité locale à l’ère du numérique ?

Elle dit que l’identité n’est pas forcément dans les discours solennels, mais parfois dans un geste simple, filmé et partagé. Elle dit que les réseaux sociaux, souvent accusés de diluer les cultures, peuvent aussi les amplifier. Elle dit que l’humour, lorsqu’il est bienveillant, peut devenir un pont.

Comme le résume Julien Schaeffer : « On n’a pas voulu punir, ni corriger. On a juste voulu dire : “On est là.” Et parfois, pour ça, un panneau suffit. »

A retenir

Quel était l’objectif du maire en envoyant le panneau à TF1 ?

Le maire d’Oberdorf-Spachbach n’a pas cherché à provoquer une polémique, mais à répondre avec humour et dignité à une plaisanterie télévisée. En envoyant le panneau, il a voulu affirmer l’existence réelle et historique du village, tout en transformant une moquerie en moment de fierté collective.

Le panneau a-t-il été rendu au village ?

Oui, après avoir été présenté sur les réseaux de TF1, le panneau a été renvoyé à la mairie d’Oberdorf-Spachbach. Il a été réinstallé à l’entrée du village, désormais encadré et accompagné d’une plaque commémorative.

Loïc Kennel était-il impliqué dans l’initiative ?

Non, Loïc Kennel n’a pas participé directement à l’envoi du panneau. Il a toutefois salué l’initiative publiquement, la qualifiant de « belle réponse alsacienne : calme, intelligente, et pleine d’humour ».

Cette affaire a-t-elle eu des conséquences politiques ?

Non, il ne s’agissait pas d’un acte politique, mais d’un geste symbolique et culturel. Il a été perçu comme une action de proximité, portée par la communauté, et non comme une prise de position partisane.

Peut-on visiter le panneau aujourd’hui ?

Oui, le panneau est visible à l’entrée d’Oberdorf-Spachbach, sur la route départementale D53. Il est devenu une attraction locale, et plusieurs touristes ont fait le déplacement pour le photographier depuis l’épisode de *12 coups de midi*.