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À Marseille, des riverains patrouillent la nuit contre les nuisances sonores et les comportements violents en 2025

Dans les hauteurs de Marseille, là où le ciel se fond dans la mer et où les collines offrent une vue imprenable sur la cité phocéenne, une tension sourde gronde chaque nuit. À la Parade Haute, quartier résidentiel niché dans les quartiers nord, le calme attendu d’un lieu d’habitation paisible se brise sous les basses des enceintes, les crissements de pneus et les éclats de voix. Ceux qui ont choisi d’y vivre pour la sérénité se retrouvent piégés dans un cauchemar répété : l’envahissement nocturne de lieux publics par des groupes venus y organiser des rassemblements sauvages. Face à une situation qui dure, s’aggrave et semble échapper à tout contrôle, certains copropriétaires ont décidé d’agir. Leur réponse ? Des patrouilles improvisées, menées de leur propre initiative, entre inquiétude, responsabilité citoyenne et risque d’affrontement. Ce phénomène, loin d’être isolé, révèle un mal plus profond : l’usure du vivre-ensemble, quand la loi tarde à s’imposer et que la peur remplace la confiance.

Comment des habitants sont-ils passés du sommeil perturbé à la ronde de surveillance ?

À la Parade Haute, le quotidien de Clara Valdès, professeure de lettres retraitée, s’est transformé en une suite d’insomnies. Depuis trois ans, elle entend les mêmes sons chaque week-end : des basses sourdes qui vibrent à travers les murs, des rires hystériques amplifiés par des micros, des klaxons de voitures qui tournent en rond. « Ce n’est plus une rue, c’est un festival permanent, sans autorisation, sans respect », confie-t-elle, assise sur son balcon où flotte encore l’odeur âcre du barbecue de la veille. Elle n’est pas seule. Chaque vendredi soir, entre vingt et trente véhicules convergent vers les parkings de la résidence, transformant les espaces communs en territoire festif.

Les nouveaux venus ne sont pas des voisins. Ce sont des jeunes, parfois des adultes, venus de quartiers voisins ou même d’autres arrondissements, attirés par le panorama, mais aussi par l’absence de contrôle. Là, ils s’installent : enceintes géantes, barbecues sur trépieds, consommation d’alcool et de substances comme le protoxyde d’azote, souvent en toute impunité. Les riverains, majoritairement des familles ou des seniors, se sentent dépossédés de leur cadre de vie. « On paie des charges, on entretient les lieux, mais on n’a plus le droit d’y vivre tranquillement », déplore Julien Roche, copropriétaire depuis douze ans.

Après des mois de plaintes aux syndics, aux mairies de secteur, et de signalements aux forces de l’ordre souvent vains, un groupe de six habitants a décidé de prendre les choses en main. Sans arme, sans uniforme, mais avec des talkies-walkies et des phares allumés, ils sillonnent les ruelles de la résidence entre 22 heures et 2 heures du matin. Leur mission : repérer les groupes, les interpeller calmement, les inviter à partir. « On ne veut pas d’affrontement, explique Léa Ménard, pharmacienne et mère de deux enfants. On dit simplement : “Vous êtes ici chez nous, ce n’est pas un lieu public, et vous dérangez.” Parfois, ça marche. Parfois, on se fait insulter. »

Quelles sont les limites de ces actions citoyennes ?

Le geste des habitants de la Parade Haute est compréhensible, mais il soulève des questions juridiques et éthiques complexes. En France, la police et la gendarmerie détiennent le monopole de l’usage légitime de la force. Toute forme de patrouille privée, même pacifique, peut être perçue comme une forme d’autojustice. « Ce n’est pas parce qu’on est victime qu’on devient juge et gendarme », rappelle Thomas Lacroix, avocat spécialisé en droit pénal à Aix-en-Provence.

En 2023, un incident similaire à Aubagne avait mal tourné : un habitant tentant de disperser un groupe avait été agressé, tandis que ses compagnons avaient été mis en examen pour violence en réunion. Le risque d’escalade est réel. À la Parade Haute, les tensions montent. « Il y a eu des menaces, des regards hostiles, confie Julien Roche. Une fois, un type a dit : “Tu crois que tu peux nous chasser ? On reviendra, et pas seuls.” »

Les autorités locales ont réagi. Le sous-préfet Yannis Bouzar a rencontré les représentants des copropriétaires. La préfecture des Bouches-du-Rhône affirme mettre en œuvre des opérations ciblées, avec des patrouilles renforcées de la police nationale. La mairie de Marseille, par la voix de son adjoint à la sécurité, a annoncé un renforcement des équipes municipales dans le secteur. « Nous ne tolérons aucune occupation illégale ni nuisance sonore », a-t-il déclaré. Mais sur le terrain, les habitants restent sceptiques. « On voit des voitures de police passer, parfois s’arrêter cinq minutes, puis repartir, raconte Clara Valdès. Ce n’est pas une dissuasion. C’est du décor. »

Quelles solutions durables peuvent être envisagées ?

Les experts en médiation urbaine pointent du doigt l’absence de prévention. « On arrive toujours en situation de crise, alors qu’il faudrait anticiper », estime Élodie Timsit, coordinatrice d’un réseau de médiateurs sociaux dans les quartiers nord. Elle propose de mettre en place des médiateurs de nuit, formés à la désescalade, capables d’interpeller sans provoquer. « Ce sont des professionnels, neutres, qui connaissent les codes des jeunes. Eux peuvent parler sans être perçus comme des envahisseurs. »

D’autres pistes sont explorées : l’installation de barrières automatiques, l’éclairage intelligent, la signalisation interdisant les rassemblements après 22 heures. À Toulouse, une résidence similaire a fait installer des caméras avec détection de bruit, reliées directement au centre de supervision de la police municipale. Résultat : une baisse de 70 % des nuisances en six mois.

À Marseille, des discussions sont en cours pour expérimenter un dispositif comparable. Mais le temps presse. Pour Frédéric Pinatel, secrétaire général de la fédération des CIQ du 13e arrondissement, le cœur du problème n’est pas seulement technique. « Ce qui manque, c’est une culture du respect de l’espace partagé. On a perdu ça. Et tant qu’on ne reconstruira pas ce lien, les patrouilles, les caméras, les policiers ne suffiront pas. »

Peut-on concilier sécurité, tranquillité et liberté d’usage ?

Le débat dépasse largement les frontières de la Parade Haute. Il touche à la question fondamentale de l’usage de l’espace public. Un belvédère, même situé dans une copropriété, est souvent perçu comme un lieu ouvert, accessible. « La vue, elle, appartient à tout le monde », entend-on parfois dans les discussions de rue. Mais les copropriétaires rappellent que ces espaces sont privés, financés par leurs charges, entretenus par leurs efforts.

Il y a aussi une dimension sociale. Les jeunes qui viennent s’y rassembler ne trouvent souvent nulle part ailleurs où se retrouver. « Les centres sociaux ferment à 18 heures, les salles de jeunesse sont rares, les espaces de loisirs sous-financés », souligne Élodie Timsit. « On leur dit : “Ne faites pas de bruit”, mais on ne leur propose rien. »

Des initiatives citoyennes tentent de tendre des ponts. À Noailles, un collectif a organisé des nuits culturelles légales : concerts acoustiques, projections en plein air, avec autorisation et sécurité. « On a accueilli 200 personnes, sans débordement, sans plainte », se félicite Samir Benhima, animateur de l’association Quartiers d’été. « Le problème, ce n’est pas la jeunesse. C’est l’absence d’organisation. »

Quel avenir pour les quartiers sous pression ?

La situation à la Parade Haute n’est pas unique. Elle s’inscrit dans un contexte plus large de dégradation du lien social dans certains quartiers populaires de Marseille. Les copropriétés, souvent construites dans les années 70, souffrent d’un déficit d’entretien, d’une gestion parfois approximative, et d’une pression foncière croissante. Les nouveaux acquéreurs, attirés par les prix encore accessibles, se heurtent à des réalités complexes.

Le risque, selon Frédéric Pinatel, est que l’exaspération mène à la stigmatisation. « On parle de “nuisances”, mais derrière, il y a des personnes. Si on ne fait pas attention, on bascule dans le “eux contre nous”, et là, c’est la fin du dialogue. »

Pour Clara Valdès, la solution passe par une action coordonnée : plus de policiers présents, mais aussi des médiateurs, des espaces d’expression pour les jeunes, et une réglementation claire sur l’accès aux lieux. « Je ne veux pas vivre barricadée chez moi. Je veux juste pouvoir ouvrir ma fenêtre sans craindre le pire. »

A retenir

Les habitants peuvent-ils légalement patrouiller la nuit ?

Non, les habitants ne peuvent pas exercer des fonctions de police. Leur rôle se limite à observer, signaler et interpeller de manière pacifique. Toute forme d’intimidation ou d’expulsion peut entraîner des poursuites judiciaires. La loi française réserve l’usage de la force aux seules autorités habilitées.

Quelles sont les infractions les plus fréquentes commises sur ces lieux ?

Les comportements signalés incluent le tapage nocturne, l’occupation illégale d’espaces privés, les rodéos motorisés, la consommation de stupéfiants et le non-respect des règles sanitaires (barbecues non autorisés, déchets abandonnés). Ces actes peuvent être punis d’amendes, voire de poursuites pénales selon leur gravité.

Quel recours ont les copropriétaires face à ces nuisances ?

Les copropriétaires peuvent déposer des plaintes collectives, installer des systèmes de vidéosurveillance (dans le respect de la loi), renforcer l’accès à leur résidence (barrières, digicodes), et solliciter la médiation ou la présence policière. Ils peuvent aussi faire appel à des sociétés de gardiennage agréées.

La mairie ou la préfecture peuvent-elles interdire l’accès à un belvédère ?

Oui, sous certaines conditions. Si l’espace est public, la mairie peut instaurer des arrêtés municipaux limitant l’accès la nuit. Si l’espace est privé, c’est au syndicat des copropriétaires de gérer l’accès, mais l’appui des autorités peut renforcer la légitimité de ces mesures.

Existe-t-il des exemples de réussite ailleurs en France ?

Oui. À Lyon, dans le quartier de la Duchère, un partenariat entre habitants, médiateurs et police a permis de réduire les nuisances nocturnes de 60 % en deux ans. À Bordeaux, des “nuits apaisées” sont organisées avec des animations légales, encadrées et sécurisées, pour redonner du sens à l’usage des espaces publics.

À Marseille, la route sera longue. Mais les témoignages des habitants de la Parade Haute, entre colère et espoir, rappellent une vérité simple : la paix du voisinage ne se décrète pas. Elle se construit, pas à pas, avec des règles claires, des moyens réels, et surtout, un dialogue qui ne rompt pas.

Anita

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