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Un seul médecin de garde la nuit pour 30 patients aux urgences de Rennes : la situation critique en 2025

La crise des urgences hospitalières, longtemps contenue dans les coulisses du système de santé, s’impose désormais comme une urgence nationale. À Rennes et dans ses environs, cette situation atteint des niveaux critiques, menaçant à la fois la qualité des soins et la pérennité des services. Tandis que les patients affluent, les effectifs médicaux s’étiolent, plongeant les équipes dans un climat de surmenage constant. Ce phénomène, loin d’être isolé, révèle un mal plus profond : une profession en souffrance, des jeunes médecins qui fuient la spécialité, et une organisation du travail qui peine à s’adapter aux réalités du XXIe siècle. À travers les témoignages de soignants engagés, l’analyse des causes structurelles et les pistes de solutions, cet article dresse un portrait sans concession de la crise des urgences en Ille-et-Vilaine.

Pourquoi les services d’urgence sont-ils saturés à Rennes ?

À Rennes, la saturation des urgences n’est plus une exception, mais une norme. Au CHU Pontchaillou, comme dans les hôpitaux privés de Cesson-Sévigné et de Saint-Grégoire, les files d’attente s’allongent, les patients sont parfois transférés à des dizaines de kilomètres, et les équipes médicales fonctionnent en mode survie. La cause ? Un déséquilibre croissant entre la demande de soins et les moyens humains disponibles. Chaque année, le nombre de passages aux urgences augmente, tandis que le nombre d’urgentistes diminue. Ce décalage structurel s’explique par une combinaison de facteurs : l’essor de la médecine de ville insuffisante, la précarité de l’accès aux soins pour certaines populations, mais aussi l’exode des médecins vers d’autres spécialités ou d’autres régions.

Clara Mézière, infirmière au CHU Pontchaillou depuis douze ans, décrit une situation de plus en plus tendue : Il y a cinq ans, on avait encore des marges de manœuvre. Aujourd’hui, on est en permanence en sous-effectif. On accueille des patients qui attendent parfois six heures avant d’être pris en charge. Ce n’est plus de l’urgence, c’est de l’abandon.

Quel est l’impact du manque de médecins urgentistes ?

Le cœur du problème réside dans la pénurie de médecins spécialisés en médecine d’urgence. À Cesson-Sévigné, le service d’accueil des urgences ne compte plus que trois titulaires, alors que sept seraient nécessaires pour assurer un fonctionnement serein 24 heures sur 24. Rémy Flament, urgentiste dans cet établissement, pointe du doigt des conditions de travail devenues insoutenables : Les semaines de 90 heures et les gardes de 48 heures d’affilée, ce n’est plus dans l’air du temps. Les jeunes partent en courant.

Cette désertion n’est pas uniquement due à la charge horaire. Elle s’inscrit dans un contexte plus large de dévalorisation de la profession. Les urgentistes sont souvent confrontés à des situations critiques, doivent prendre des décisions en temps réel, et portent une responsabilité énorme. Pourtant, leur reconnaissance, tant financière qu’institutionnelle, reste insuffisante. On sauve des vies tous les jours, mais on se sent oubliés , regrette Rémy Flament.

Pourquoi les jeunes médecins fuient-ils la spécialité ?

La médecine d’urgence, autrefois considérée comme une spécialité prestigieuse et dynamique, perd de son attrait auprès des jeunes diplômés. Le profil type d’un médecin qui choisit cette voie a profondément changé. Jadis attirés par l’adrénaline et la diversité des cas, les nouveaux praticiens privilégient désormais un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Les conditions de travail dans les urgences, marquées par la pression, les horaires décalés et les tensions avec les patients, dissuadent de nombreux candidats.

Lucas Garnier, interne en fin de cursus, a longtemps envisagé de devenir urgentiste. Il a finalement opté pour la pneumologie : J’aimais l’urgence, mais je ne voulais pas sacrifier ma santé mentale. Voir mes aînés brûlés, épuisés, incapables de profiter de leur famille… ça m’a fait réfléchir. Aujourd’hui, je préfère une spécialité plus prévisible, même si elle est moins spectaculaire.

Comment les hôpitaux tentent-ils de faire face ?

Faute de médecins titulaires, les établissements misent sur des solutions palliatives. Recours accru aux intérimaires, rotation des équipes entre différents services, ou encore mobilisation de médecins généralistes pour assurer certaines gardes. Mais ces mesures ne font que tamponner le problème. À Saint-Grégoire, deux urgentistes en poste décrivent un rythme de dingue , où les gardes s’enchaînent sans relâche, parfois sans repos suffisants entre deux.

Élodie Troadec, coordinatrice médicale dans cet hôpital privé, témoigne : On fait des miracles avec des bouts de ficelle. On a mis en place des astreintes mutualisées avec d’autres établissements, mais ce n’est pas une solution durable. Quand un médecin tombe malade, c’est tout le planning qui s’effondre.

Par ailleurs, la digitalisation des prises en charge et la mise en place de dispositifs de régulation préalable aux urgences sont envisagées. L’idée ? Filtrer les cas non urgents pour décharger les services. Mais ces initiatives, encore embryonnaires, soulèvent des questions éthiques et pratiques. Qui décide de ce qui est urgent ou non ? Et comment éviter de laisser des patients en détresse sans réponse ?

Quelles sont les conséquences pour les patients ?

La saturation des urgences a un impact direct et dramatique sur la prise en charge des patients. Les délais d’attente s’allongent, augmentant le risque de complications. Les personnes âgées, les patients en souffrance psychique ou les victimes d’accidents domestiques sont particulièrement vulnérables. Certains repartent sans avoir été vus, découragés par l’attente. D’autres sont transférés vers des centres plus éloignés, ce qui retarde les soins.

Marie-Camille, 68 ans, habitante de Rennes, raconte son passage aux urgences après une chute : J’ai attendu sept heures sur un brancard dans le couloir. Personne ne venait. J’avais mal, j’étais seule. Je me suis demandé si j’allais mourir là, sans que personne s’en rende compte.

Ce type de témoignage, malheureusement, n’est pas isolé. Il reflète une réalité de plus en plus fréquente : un système qui ne parvient plus à assurer sa mission première, celle de soigner en urgence.

Quelles solutions pour sortir de cette crise ?

Plusieurs pistes sont explorées pour enrayer la crise. D’abord, une revalorisation des conditions de travail des urgentistes : réduction des heures de garde, amélioration de la rémunération, meilleure reconnaissance de la spécialité. Ensuite, une reconfiguration de l’offre de soins de première ligne. Si la médecine de ville était plus accessible, moins de patients se tourneraient vers les urgences pour des maux mineurs.

Des expériences innovantes, comme les maisons médicales de garde ou les centres de proximité, pourraient jouer un rôle clé. À Rennes, un projet pilote a vu le jour dans le quartier de Maurepas, avec un médecin de garde disponible le soir et le week-end. Les premiers résultats sont encourageants : une baisse de 15 % des passages non urgents aux urgences du CHU.

Enfin, la formation des futurs urgentistes doit être repensée. Intégrer des modules sur la gestion du stress, la prévention de l’épuisement professionnel, ou encore la coordination inter-services pourrait mieux préparer les jeunes médecins aux réalités du terrain. Il faut arrêter de penser que souffrir au travail est une preuve de courage , insiste Rémy Flament.

Quel avenir pour les urgences rennaises ?

L’avenir des services d’urgence à Rennes dépend de décisions politiques fortes et rapides. Sans renforcement des effectifs, sans réforme en profondeur de l’organisation du travail, la situation risque de s’aggraver. Certains redoutent même la fermeture partielle ou temporaire de certains services, comme cela s’est déjà produit dans d’autres régions de France.

La crise des urgences n’est pas qu’un problème de santé. Elle touche à la cohésion sociale, à la confiance dans les institutions, et à la qualité de vie de milliers de patients et de soignants. Comme le souligne Clara Mézière : On ne demande pas la lune. On demande juste les moyens de faire notre travail correctement.

A retenir

Pourquoi y a-t-il une pénurie d’urgentistes à Rennes ?

La pénurie s’explique par des conditions de travail devenues insoutenables : gardes longues, surcharge de patients, manque de reconnaissance. Ces facteurs dissuadent les jeunes médecins de choisir cette spécialité, tandis que les praticiens expérimentés partent à la retraite ou changent de voie.

Quel est le nombre minimum d’urgentistes nécessaire pour un service fonctionnel ?

Dans un service d’urgence fonctionnant 24 heures sur 24, comme celui de Cesson-Sévigné, il faudrait environ sept médecins titulaires pour assurer une rotation humaine et durable. Or, certains services en comptent moins de la moitié, ce qui rend la situation critique.

Les patients sont-ils en danger ?

Oui. L’allongement des délais de prise en charge, la saturation des lits et l’épuisement des équipes augmentent les risques pour les patients, en particulier dans les cas graves où chaque minute compte. Des témoignages de patients non pris en charge ou mal orientés illustrent cette réalité.

Des solutions sont-elles en cours ?

Des initiatives locales, comme les maisons de garde ou les dispositifs de régulation, sont testées. Des discussions nationales sur la revalorisation des urgences ont également été lancées. Toutefois, ces mesures restent insuffisantes face à l’ampleur du problème, et leur mise en œuvre est lente.

Les urgentistes envisagent-ils de se mobiliser ?

Plusieurs professionnels interrogés expriment un profond malaise et une envie de faire entendre leur voix. Des actions collectives, comme des grèves ou des rassemblements, pourraient émerger si aucune réponse concrète n’est apportée dans les mois à venir.

Anita

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