Michel Courtie Dernier Habitant De Comes 2025
Perché dans les montagnes des Pyrénées-Orientales, au cœur d’un territoire façonné par le vent, la roche et les silences, le hameau de Comes semble appartenir à une autre époque. Abandonné par le temps, oublié des routes modernes, il n’abrite plus qu’un seul homme : Michel Courtie. Né en 1969, il est aujourd’hui le dernier habitant d’un lieu qui, un siècle plus tôt, comptait cinquante âmes. Entre tradition, solitude choisie et attachement farouche à une identité catalane, Michel incarne une forme rare de liberté : celle qui se construit dans l’essentiel, loin des convenances, loin du bruit du monde. Son existence, sobre, poétique et profondément ancrée, interroge nos modes de vie, nos besoins, et nos rêves d’autonomie.
Michel Courtie n’est pas un ermite par hasard, ni un marginal par dépit. C’est un homme qui a fait des choix, clairs, assumés, souvent contre-courant. Originaire de la région, il y est revenu après avoir grandi ailleurs, attiré par les racines de son grand-père, berger et résistant, qui avait acheté les terres de Comes en 1955. Ce lieu, autrefois prospère, s’est vidé lentement, victime d’un manque d’eau chronique. Aujourd’hui, Michel en est le seul gardien, un gardien vivant, attentif, presque veillant.
Physiquement, il impressionne par sa carrure, sa barbe fournie, son regard calme. Son élocution est ponctuée de « ouais », d’un accent catalan qui roule les mots comme les cailloux du sentier. Il parle peu, mais quand il parle, chaque mot semble pesé. Il n’a ni téléphone intelligent ni électricité, mais il lit, prie, marche, observe. Il n’est pas coupé du monde ; il en a simplement redéfini les contours.
Le quotidien de Michel Courtie est un modèle de sobriété fonctionnelle. Il n’a pas d’eau courante, pas de réseau électrique, pas de chauffage central. Pourtant, il ne souffre pas. Il s’adapte. L’été, il dort dehors, sur un matelas posé à côté de son petit chalet en bois, un refuge de fortune après l’incendie qui a ravagé sa maison en pierre. Ce drame, survenu il y a quelques années, a tout emporté : ses affaires, ses souvenirs, et surtout sa bibliothèque personnelle — 55 000 livres accumulés depuis l’âge de 14 ans.
Aujourd’hui, ce qui reste tient dans un mobil-home et quelques caisses : des livres sauvés, des conserves, des outils. L’eau potable lui est apportée par une voisine bergère, une femme nommée Clotilde Roca, qui sillonne les hauteurs avec ses troupeaux et ne manque jamais de déposer une ou deux bouteilles en passant. « Michel ne demande rien, mais on sait qu’il en a besoin », confie-t-elle. « Il vit comme nos grands-parents, mais avec une conscience moderne. »
La douche ? Deux jerricans, un seau, un rideau de fortune. L’électricité ? Des panneaux solaires minuscules, juste assez pour recharger son téléphone, qui capte un signal ténu. Pas de télévision, pas d’ordinateur. Mais des livres. Toujours des livres.
Michel se lève tôt, avant le soleil. Il commence sa journée par une prière, assumée, sincère. Catholique pratiquant, il ne cache pas sa foi, mais ne l’impose à personne. Pour lui, la prière est un ancrage, un moment de paix dans un monde qui, selon ses mots, « court trop vite et pense trop mal ».
Ensuite, vient la lecture. Entre quatre et huit heures par jour. Il lit de tout : philosophie, histoire, littérature classique, théologie. Il connaît par cœur des passages de Pascal, de Montaigne, de saint Augustin. « Quand j’étais berger, je lisais pendant que les bêtes faisaient la sieste », raconte-t-il. « Maintenant, je lis parce que c’est ce qui me nourrit le plus. »
Ses repas sont frugaux : conserves, chocolat, poulet rôti, pêches en boîte, parfois du couscous réchauffé. Il possède une gazinière, mais l’utilise peu. Il rêve parfois de choucroute, d’un plat catalan comme ceux qu’on sert de l’autre côté de la frontière, en Catalogne espagnole. Mais il ne se plaint pas. « Je mange ce que j’ai, et j’ai ce qu’il faut », dit-il simplement.
Non. Michel Courtie n’est pas un ermite. Il reçoit régulièrement la visite d’amis, parfois deux fois par semaine. Ces derniers viennent le chercher pour aller faire les courses à Prades ou Perpignan. Sans voiture, il s’en moque. « Un coup de fil, et quelqu’un passe », explique-t-il. « Ici, les gens s’entraident. On ne vit pas dans l’individualisme. »
Il a aussi des liens forts avec la communauté catalane des alentours. Il participe à des fêtes locales, assiste à des conférences, rend visite à des amis dans les villages voisins. L’un d’eux, Jordi Soler, ancien professeur d’histoire, le décrit ainsi : « Michel n’est pas un réfugié du monde. C’est un homme qui a choisi son monde. Il est plus connecté à l’essentiel que beaucoup de gens branchés sur les réseaux. »
Il va parfois en Catalogne du Sud, juste pour un repas, une discussion, une messe en catalan. « Cette langue, cette culture, c’est mon sang », dit-il. « Je suis français, mais je suis catalan d’âme. »
Michel Courtie assume des idées claires, parfois surprenantes. Il fréquente le Cercle légitimiste, un groupe de réflexion royaliste, où il assiste à des conférences et partage des repas avec d’autres nostalgiques d’un certain ordre ancien. « Je regrette la France d’avant la Révolution », confie-t-il. « Pas pour le pouvoir des rois, mais pour l’unité morale, la hiérarchie du sens. Aujourd’hui, tout est niveau, tout est bruit. »
Il écoute de la musique classique : Bach, Mozart, Haendel, Vivaldi. Parfois, il chante, seul, des chants militaires anciens, des airs oubliés. « Je ne me sens jamais seul », dit-il. « J’ai Dieu, j’ai mes livres, j’ai la montagne. Et quand je chante, c’est comme si les morts m’écoutaient. »
Il n’a ni femme, ni enfants. Il dit ne pas en souffrir. « J’aurais aimé avoir une famille, peut-être. Mais la vie m’a donné autre chose. Et je ne regrette rien. » Il aurait voulu faire l’armée, mais le destin en a décidé autrement. Aujourd’hui, ses rêves de voyage le portent vers l’Égypte, la Grèce, Rome, l’Italie, le Maroc. « Des lieux où l’histoire parle », dit-il. « Où on sent que l’homme a cherché quelque chose de plus grand que lui. »
Michel Courtie n’a pas de discours militant, mais son existence est un message. « L’humanité aime trop la guerre », dit-il un jour, presque tristement. « Elle court après le progrès, mais elle a oublié la paix. Elle accumule, mais elle ne sait plus vivre. »
Pour lui, la solution n’est pas dans la technologie, ni dans le retour en arrière, mais dans un recentrage sur l’essentiel : la simplicité, la prière, la lecture, la nature, la culture. « On peut vivre autrement », affirme-t-il. « Pas forcément comme moi. Mais en choisissant. En sachant ce qu’on veut. »
Son mode de vie bouscule nos repères. Il ne possède rien, et pourtant, il semble posséder tout ce qui compte. Il n’a pas d’électricité, mais il a du temps. Il n’a pas d’eau courante, mais il a la source de la réflexion. Il n’a pas d’enfants, mais il a une descendance spirituelle : ceux qui, en l’écoutant, repensent leurs propres choix.
Michel garde une porte ouverte. Si l’eau revenait à Comes, il remettrait des bêtes. « Le métier de berger me manque », avoue-t-il. « Ce n’était pas facile, mais c’était juste. » Il parle de brebis, de chèvres, de pâtures, avec une nostalgie douce. En 2000, il en avait 645. La sécheresse a tout compliqué. En 2023, il a cédé ses dernières bêtes à une amie, Élise Bruguière, qui élève désormais les animaux dans une vallée plus humide.
« Elle me tient au courant », dit-il. « Parfois, je vais les voir. Je leur parle. Ils me reconnaissent. »
Il ne parle pas de retraite, car il ne se sent pas en retraite. Il vit. Il est là. Dernier homme de Comes, mais peut-être aussi le premier d’un autre monde : celui de ceux qui choisissent la marge pour mieux voir le centre.
Michel Courtie n’est pas un personnage de roman. Il est réel, tangible, debout dans la poussière et le vent de Comes. Il incarne une forme d’existence que notre société a presque oubliée : celle où le choix de vivre simplement n’est ni une fuite, ni une revendication, mais une forme d’élégance intérieure. Il ne prêche pas, mais il inspire. Il ne fuit pas le monde, mais il le regarde autrement. Dans son silence, dans ses livres, dans ses prières, dans ses rêves d’Égypte et de Catalogne, il trace une voie exigeante, mais profondément humaine. Celle de la liberté choisie, de la mémoire assumée, et de la paix conquise, pas donnée.
Il ne vit pas sans eau ni électricité par contrainte, mais par choix de sobriété. L’infrastructure n’existe pas à Comes, mais il aurait pu s’installer ailleurs. Il préfère s’adapter à ce lieu, avec des solutions minimales : apport d’eau par une voisine, panneaux solaires pour recharger son téléphone. Pour lui, cette simplicité est une forme de liberté.
Oui, il en avait 55 000, accumulés depuis l’âge de 14 ans. L’incendie de sa maison en a détruit la majorité. Ce qui reste, il le conserve précieusement. Les livres sont pour lui une nourriture essentielle, autant que l’eau ou la nourriture.
Il a peu de liens familiaux directs. Ses parents sont décédés, il n’a pas d’enfants. Mais il entretient des relations profondes avec des amis, des voisins, des membres de la communauté catalane. Pour lui, la famille, c’est aussi ce qu’on choisit.
Le métier de berger était pour lui une forme d’harmonie avec la nature et le rythme des saisons. Il l’a exercé longtemps, jusqu’à ce que la sécheresse rende l’élevage impossible. S’il revenait de l’eau, il reprendrait ce métier, non par nostalgie, mais par vocation.
Il ne rejette pas la modernité en bloc, mais il critique son excès. Il voit dans la course au progrès, à la vitesse, à la consommation, une perte de sens. Il préfère une modernité choisie : des panneaux solaires, un téléphone, mais pas de télévision, pas de réseau social. Il utilise la technologie au service de sa liberté, pas l’inverse.
Que la liberté ne se trouve pas dans l’accumulation, mais dans la simplification. Que vivre autrement n’est pas une fuite, mais parfois une forme de courage. Et que, même seul, on peut porter une mémoire, une culture, un message : celui d’une humanité plus calme, plus profonde, plus vraie.
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