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Des milliards d’euros dorment sur les comptes courants des Français en 2025, une habitude qui coûte cher

Les comptes courants des Français, longtemps considérés comme de simples outils de gestion quotidienne, cachent désormais des trésors insoupçonnés. Avec une moyenne dépassant les 15 000 euros par foyer, ces sommes stagnantes interpellent autant les économistes que les citoyens eux-mêmes. Pourquoi laisser dormir tant d’argent dans des comptes non rémunérés alors que des alternatives existent ? Derrière ce phénomène, se dessinent des comportements financiers complexes, façonnés par la crise, la prudence, l’ignorance ou encore la recherche de sécurité. À travers les témoignages de plusieurs profils, l’analyse des données de la Banque de France et les évolutions récentes des taux d’intérêt, cet article décrypte les raisons profondes de cette accumulation d’argent inactif et ses implications pour l’économie française.

Quelle est l’évolution récente des montants sur les comptes courants ?

Une hausse spectaculaire suivie d’un ajustement

Entre 2014 et 2022, les montants détenus sur les comptes courants des ménages français ont presque doublé, passant de 8 400 à près de 17 800 euros en moyenne par foyer. Ce bond inédit coïncide avec deux phénomènes majeurs : la crise sanitaire et la stagnation des taux d’intérêt. Pendant la pandémie, beaucoup de Français ont vu leurs dépenses contraintes — restaurants, voyages, loisirs — tandis que leurs revenus, protégés par le chômage partiel ou le télétravail, restaient stables. Résultat : une épargne forcée s’est accumulée, souvent laissée sur les comptes courants par manque d’alternatives ou par prudence.

Élodie Ravel, 42 ans, cadre dans une entreprise de logistique à Lyon, se souvient : « Pendant deux ans, je n’ai presque rien dépensé. Mes enfants étaient à la maison, je travaillais en distanciel, les trajets ont disparu. Chaque mois, j’épargnais plus que d’habitude, mais je ne savais pas où mettre cet argent. J’avais peur de perdre. Alors je l’ai laissé sur mon compte, au cas où. » Son témoignage reflète une tendance nationale : l’argent, accumulé par défaut, est resté là où il était le plus accessible.

Cependant, à partir de 2022, une inflexion s’est dessinée. La moyenne est redescendue sous la barre des 15 000 euros en 2024, avant de connaître un léger rebond en 2025. Cette fluctuation n’est pas anodine. Elle traduit une prise de conscience progressive : les Français ont commencé à déplacer leurs liquidités vers des placements plus rentables, notamment grâce à la remontée des taux d’intérêt sur les livrets réglementés.

Pourquoi tant d’argent reste-t-il sur les comptes courants ?

La sécurité avant tout

La première raison invoquée par les ménages est la sécurité. Contrairement aux placements financiers, le compte courant offre un accès immédiat à l’argent. En cas de panne de voiture, de réparation urgente ou de baisse de revenus, cette liquidité immédiate est perçue comme un bouclier. Marc Tissier, 58 ans, artisan plombier dans le Var, explique : « J’ai 23 000 euros sur mon compte. C’est beaucoup, je le sais. Mais si une machine tombe en panne, si un client ne paie pas, je dois pouvoir payer mes fournisseurs demain. Je ne veux pas courir à la banque pour débloquer un livret ou vendre des actions. »

Cette logique de précaution est d’autant plus forte chez les travailleurs indépendants, les artisans ou les micro-entrepreneurs, dont les revenus sont irréguliers. Pour eux, le compte courant n’est pas un lieu de stockage, mais un outil de gestion du risque.

Des familles aux multiples comptes

Un autre facteur biaise les statistiques : la multiplicité des comptes par foyer. Beaucoup de familles possèdent plusieurs comptes — conjoint, enfants, compte professionnel — dont les soldes sont agrégés dans les moyennes. Ainsi, un couple avec deux enfants peut avoir quatre comptes actifs, chacun alimenté régulièrement, ce qui gonfle artificiellement la moyenne.

Le cas de la famille Berthier, à Bordeaux, est éloquent. Alexandre et Léa Berthier ont ouvert un compte courant pour chacun de leurs trois enfants dès leur naissance. « On voulait qu’ils aient de l’argent de poche, mais aussi un fonds d’urgence. On y verse 100 euros par mois. Au bout de dix ans, ça fait des dizaines de milliers d’euros dispersés sur quatre comptes. » Ces comptes, souvent oubliés ou sous-utilisés, deviennent des réservoirs d’épargne passive.

Un manque d’information persistant

Pour certains, la raison est plus simple : ils ignorent les alternatives. La culture financière reste inégale en France. Beaucoup de ménages, notamment dans les classes populaires ou parmi les seniors, ne maîtrisent pas les différences entre un Livret A, un PEL ou un assurance-vie. « Je ne comprends rien aux placements », avoue Solange Morel, 71 ans, retraitée à Clermont-Ferrand. « Je sais que mon compte courant ne rapporte rien, mais au moins je ne perds rien. »

Ce déficit d’information est un frein majeur à la mobilisation de l’épargne. Selon une étude de l’Autorité des marchés financiers (AMF), près de 40 % des Français ne consultent jamais de conseiller bancaire pour leurs choix d’épargne. Ils se fient à leurs habitudes, parfois anciennes, parfois rassurantes, mais rarement optimisées.

Comment les taux d’épargne ont-ils influencé les comportements ?

Le retour en grâce du Livret A

En 2023, le taux du Livret A est passé à 3 %, puis a atteint 3,5 % pour le Livret d’épargne populaire (LEP), un niveau inédit depuis des années. Ce changement a eu un effet immédiat : des milliards d’euros ont été transférés des comptes courants vers ces livrets. La Banque de France a observé une augmentation de 12 % des encours du Livret A entre 2022 et 2024.

Camille Fournier, 35 ans, enseignante à Rennes, a profité de cette opportunité : « J’avais 18 000 euros sur mon compte courant. Un conseiller m’a montré que je pouvais gagner 540 euros par an sans aucun risque. Je n’ai pas hésité. » Ce type de décision, multiplié par des millions de foyers, a contribué à la légère désinflation des comptes courants.

Des limites à la rémunération

Pourtant, le Livret A a ses limites : plafond de 22 950 euros pour une personne seule, fiscalité avantageuse mais encadrement strict. Au-delà, les ménages doivent chercher d’autres solutions — PEL, assurance-vie, fonds en euros — qui, bien que sûrs, effraient certains par leur complexité.

« J’ai mis 10 000 euros sur mon Livret A, mais les 15 000 restants, je ne sais pas quoi en faire », confie Thomas Lemaire, 47 ans, informaticien à Toulouse. « L’assurance-vie, c’est trop compliqué. Les actions, trop risqué. Alors ils restent sur mon compte. »

Quelles perspectives pour l’épargne des ménages français ?

Un équilibre fragile entre liquidité et rendement

L’avenir de l’épargne française dépendra de l’équilibre que les ménages sauront trouver entre sécurité, accessibilité et rendement. Si les taux d’intérêt baissent à nouveau, comme cela pourrait se produire en cas de ralentissement économique, les Français pourraient revenir vers leurs comptes courants, préférant la stabilité à la rémunération.

À l’inverse, si les banques proposent des produits simples, transparents et accessibles, capables de concurrencer la liquidité du compte courant tout en offrant un rendement, un mouvement de fond pourrait s’opérer. Des solutions comme les comptes à terme courts, les fonds monétaires ou les nouveaux livrets innovants pourraient séduire une population de plus en plus sensible à la performance.

La nécessité d’une éducation financière renforcée

Le défi principal reste culturel. Pour que l’épargne dormante se réveille, il faut que les Français comprennent qu’un euro inactif est un euro perdu. Une étude de la Banque de France estime que les ménages laissent filer en moyenne 450 euros par an de gains d’intérêt en laissant leur épargne sur des comptes non rémunérés.

Des initiatives locales, comme celles menées par certaines caisses d’épargne ou associations, commencent à porter leurs fruits. À Lille, un atelier d’éducation financière organisé par une banque mutualiste a permis à une trentaine de personnes de transférer plus de 500 000 euros vers des placements adaptés. « On pensait que c’était réservé aux riches », témoigne Nadia Bensalem, participante. « On nous a montré que même avec 5 000 euros, on pouvait faire quelque chose. »

Conclusion

Les comptes courants des Français ne sont plus seulement des outils de gestion quotidienne. Ils sont devenus des coffres-forts invisibles, où s’accumulent des milliards d’euros en attente d’un destin. Cette situation reflète une société à la fois prudente, informée de manière inégale, et confrontée à un environnement économique incertain. Si la remontée des taux d’intérêt a permis de réveiller une partie de cette épargne, le chemin reste long pour transformer durablement les habitudes. L’enjeu n’est pas seulement financier, mais aussi éducatif et culturel : apprendre à faire fructifier son argent sans renoncer à la sécurité.

A retenir

Pourquoi les Français laissent-ils autant d’argent sur leurs comptes courants ?

Les ménages conservent de fortes liquidités sur leurs comptes courants principalement pour des raisons de sécurité, de flexibilité et d’accessibilité immédiate. La crise sanitaire a amplifié cette tendance en favorisant l’épargne forcée, tandis que le manque d’information sur les alternatives freine la mobilisation de ces fonds.

Le Livret A a-t-il réduit les montants sur les comptes courants ?

Oui. La remontée du taux du Livret A à 3 % entre 2023 et 2024 a incité de nombreux Français à transférer une partie de leur épargne vers ce placement plus rémunéré, contribuant à une légère baisse des soldes moyens sur les comptes courants.

Quel est l’impact économique de cette épargne dormante ?

Cette masse d’argent inactive limite la capacité de l’économie à investir et à croître. Elle représente aussi une perte de revenus pour les ménages eux-mêmes, qui pourraient gagner des centaines d’euros par an en plaçant judicieusement leurs liquidités.

Comment les ménages peuvent-ils mieux gérer leur épargne ?

En équilibrant liquidité et rendement : garder une réserve sur le compte courant pour les imprévus, tout en plaçant le surplus sur des livrets, des fonds en euros ou d’autres supports sûrs. Une meilleure éducation financière est essentielle pour accompagner ce changement.

Anita

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