Mobilisation 200 Vehicules Gens Voyage Savoie 2025
Le 14 juillet 2024, alors que la France célébrait traditionnellement sa fête nationale dans une ambiance de feux d’artifice et de rassemblements festifs, un autre type de scène se déroulait en Savoie. À Voglans, près de 200 véhicules appartenant à des gens du voyage ont investi un champ agricole, provoquant une escalade rapide avec les forces de l’ordre. Ce face-à-face, marqué par des tensions, des blocages et des négociations tendues, n’est pas un événement isolé. Il s’inscrit dans un contexte plus large de conflits récurrents entre des communautés itinérantes et les autorités locales, révélant des fractures sociales, des carences en politique d’accueil, et des malentendus culturels profonds. À travers des témoignages, des analyses et des exemples concrets, cet article explore les racines de ces tensions et les pistes pour une cohabitation apaisée.
Le terme « gens du voyage » regroupe plusieurs groupes culturels aux traditions distinctes : Roms, Manouches, Gitans, Yéniches, Sintis. Bien que souvent regroupés sous une même appellation administrative, leurs histoires, langues et modes de vie varient. Ce qui les unit, c’est une identité fortement liée à la mobilité, transmise de génération en génération. Pour beaucoup, la route n’est pas un choix, mais une culture, une manière de vivre le temps, la famille, et la relation à l’espace.
Prenez le cas de Léa Cermakova, une jeune femme de 28 ans d’origine manouche, rencontrée lors d’un rassemblement familial dans l’Oise. « On ne vit pas en marge, on vit autrement », affirme-t-elle. « Notre famille circule depuis trois générations. On travaille, on paie des impôts, on scolarise nos enfants. Mais on ne veut pas vivre dans des HLM anonymes. Notre maison, c’est notre caravane, notre communauté, nos racines sur roues. » Ce témoignage illustre une réalité souvent ignorée : les gens du voyage ne sont pas tous en situation d’exclusion, mais bien dans un choix de vie qui s’inscrit dans un cadre culturel ancien.
Pourtant, la pression du monde moderne pousse de nombreuses familles à s’installer durablement. L’école obligatoire, la sécurité sociale, l’accès aux soins ou encore les contrôles administratifs rendent la mobilité de plus en plus difficile. Selon une étude du Secours catholique, près de 60 % des familles du voyage déclarent aujourd’hui vivre plus de six mois par an sur un même lieu. « On ne veut pas sédentariser par contrainte, mais par choix », explique Raphaël Dumas, éducateur spécialisé travaillant avec des familles roms dans l’Ain. « Or, on nous impose des logements inadaptés, sans lien avec notre culture. On nous dit : ‘Intégrez-vous’, mais on ne nous laisse pas choisir comment. »
La loi Besson de 1990, puis la révision de 2000, oblige les communes de plus de 5 000 habitants à prévoir des aires d’accueil pour les gens du voyage. Pourtant, en 2024, près de 40 % des communes concernées ne respectent pas cette obligation. C’est ce vide qui conduit les familles à occuper des terrains non aménagés, parfois agricoles, parfois publics.
À Voglans, le champ occupé n’était ni prévu pour accueillir des caravanes, ni doté d’eau, d’électricité ou de toilettes. Les familles venues de Sassenage, en Isère, cherchaient un lieu temporaire pour un rassemblement familial. « On voulait juste passer quinze jours au calme, avec les enfants, loin de la ville », raconte Elias Ferrer, un père de famille de 42 ans. « On savait que ce n’était pas légal, mais on n’avait pas le choix. Les aires légales sont pleines, mal entretenues, ou trop éloignées. » Ce constat est récurrent : les aires existantes sont souvent mal localisées, sans services, ou surveillées de manière intrusive.
Le recours au tas de sable pour bloquer l’accès au terrain à Voglans a été perçu par les familles comme une humiliation. « Ils ont mis de la terre comme si on était des bêtes qu’on empêche de passer », s’indigne Camille Vidal, témoin de la scène. « On n’a pas été prévenus, pas écoutés. Un simple dialogue aurait pu éviter ça. » Ce type de mesure, bien qu’encadrée par la loi, alimente un sentiment d’injustice et de stigmatisation. Les autorités locales, souvent démunies face à l’urgence, optent pour des solutions techniques plutôt que préventives.
L’expulsion de Noisy-le-Sec, en mai 2024, a touché entre 20 et 30 familles installées depuis 15 ans sur un terrain appartenant à l’État. Ce lieu, bien qu’illégal, était devenu un véritable village : électricité raccordée, enfants scolarisés, activités artisanales. L’ordre d’expulsion, signé par le tribunal de Bobigny, a été exécuté en quelques heures. Les bulldozers ont rasé les structures, laissant derrière eux des affaires personnelles, des souvenirs, des traces de vie.
Leila Benmoussa, mère de trois enfants, a dû quitter Noisy-le-Sec en pleine nuit. « On a dormi dans la voiture pendant trois jours, raconte-t-elle. Puis on a trouvé une place au parc des Guillaumes, mais c’est bondé, pas d’eau potable, pas de sécurité. » D’autres familles ont été dirigées vers Pontoise ou l’Essonne, mais sans accompagnement social ni suivi médical. « On nous déplace comme du bétail », lâche son frère, Samir Benmoussa. « Chaque expulsion brise un peu plus notre dignité. »
Les expulsions à répétition rendent toute forme d’intégration durable impossible. Comment scolariser régulièrement ses enfants quand on est en mouvement forcé ? Comment maintenir un emploi quand on n’a pas d’adresse fixe ? « On nous accuse de ne pas vouloir s’intégrer, mais on ne nous en donne jamais les moyens », déplore Raphaël Dumas. Les politiques publiques oscillent entre tolérance passive et répression, sans proposer de modèle intermédiaire.
Les experts s’accordent sur un point : la solution ne passe ni par l’expulsion systématique, ni par l’abandon de territoires à l’occupation sauvage. Elle réside dans une politique d’accueil structurée, respectueuse des droits et des cultures.
Des expériences positives existent. À Montpellier, une aire d’accueil gérée en co-élaboration avec les familles propose des services adaptés : sanitaires, espaces pour les enfants, accès à un médiateur. « On se sent respectés, pas surveillés », dit Nadia Karsenti, qui y a séjourné six mois. « On paie un loyer modeste, on respecte les règles, et on peut vivre en paix. » Ce modèle, encore marginal, montre qu’un autre mode de gestion est possible.
À Grenoble, une cellule de médiation composée d’agents municipaux, de travailleurs sociaux et de représentants des voyageurs intervient en amont des occupations. « On parle avant qu’il y ait un problème », explique Thomas Lenoir, médiateur depuis 2018. « On écoute leurs besoins, on cherche des solutions. Parfois, ça prend du temps, mais ça évite les affrontements. » À Voglans, une telle médiation n’a pas eu lieu. Les gendarmes sont intervenus seuls, sans appui social, ce qui a aggravé la tension.
Le cœur du problème tient à une absence de reconnaissance de la culture du voyage. « On n’est ni des touristes, ni des squatters », insiste Léa Cermakova. « On a une histoire, une langue, une manière de vivre. On ne demande pas des privilèges, juste le droit d’exister comme on est. » Des initiatives artistiques, comme les expositions de photographies de caravanes ou les spectacles de musique manouche, commencent à sensibiliser le public. Mais il manque une véritable politique nationale de valorisation de ces cultures.
En 2024, le gouvernement a annoncé un plan d’investissement de 80 millions d’euros pour rénover les aires d’accueil et renforcer la médiation. Un pas dans la bonne direction, mais insuffisant selon les associations. « Il faut doubler les moyens, former les élus, et surtout, cesser de voir les gens du voyage comme un problème de sécurité », plaide Élodie Toussaint, coordinatrice du Réseau national des associations de médiation.
Les maires sont souvent pris entre deux feux : la pression des riverains inquiets et les obligations légales. « On nous dit d’accueillir, mais sans moyens, sans concertation », explique Antoine Bréchet, maire d’une commune de Savoie. « Et quand il y a un incident, c’est nous qu’on accuse. » Pourtant, certaines communes, comme Cagnes-sur-Mer ou Saint-Étienne-du-Rouvray, ont fait le choix de l’apaisement, en créant des comités de dialogue avec les familles. Les résultats ? Moins de tensions, moins d’expulsions, et parfois, des projets communs.
Le droit à un logement décent, le droit à la circulation, le droit à l’éducation : autant de principes constitutionnels qui entrent en collision dans ces situations. « On ne peut pas dire qu’on défend les droits humains et expulser des familles sans solution alternative », affirme Me Clémentine Royer, avocate spécialisée en droit des étrangers. « Chaque expulsion doit être accompagnée, justifiée, et surtout, suivie d’un plan d’hébergement digne. »
Non. Le terme « gens du voyage » englobe plusieurs groupes : Manouches, Gitans, Yéniches, Sintis, et aussi des familles françaises ayant adopté un mode de vie itinérant. Les Roms, souvent confondus avec l’ensemble du groupe, sont majoritairement d’origine roumaine ou bulgare et arrivés en France plus récemment.
Beaucoup le font, contraints par les obligations scolaires ou administratives. Mais pour d’autres, la mobilité est un pilier identitaire. Elle permet de maintenir des liens familiaux, de pratiquer des métiers artisanaux ou saisonniers, et de préserver une culture orale et transmise.
Oui, si les terrains sont occupés illégalement et que les procédures judiciaires sont respectées. Cependant, la Cour européenne des droits de l’homme a plusieurs fois condamné la France pour des expulsions non accompagnées, rappelant l’obligation de proposer des solutions alternatives.
Elles doivent permettre une halte sécurisée, avec accès à l’eau, à l’électricité, aux sanitaires et à un suivi social. Mais leur manque, leur mauvais état ou leur localisation isolée en limitent souvent l’utilité.
Oui, à condition de construire une politique d’accueil respectueuse, de former les élus et les forces de l’ordre, et de reconnaître la diversité culturelle des gens du voyage. Des expériences locales montrent que le dialogue, la médiation et la co-construction sont possibles.
Les événements de Voglans et de Noisy-le-Sec ne sont pas des accidents. Ils sont les symptômes d’un mal plus profond : une société qui peine à accueillir la différence, et des politiques publiques souvent réactives plutôt que préventives. Pourtant, chaque conflit évité, chaque dialogue instauré, chaque aire d’accueil bien conçue est un pas vers une cohabitation plus juste. Il ne s’agit pas de choisir entre sécurité et droits, mais de repenser ensemble ce que signifie vivre ensemble.
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