Mofs Revolution Invisible Sante Environnement 2025
Le 8 octobre 2025 marquera une date mémorable dans l’histoire de la chimie : le Prix Nobel de chimie est attribué à trois scientifiques pour leurs travaux fondateurs sur les matériaux poreux hybrides, plus précisément les MOFs – Metal-Organic Frameworks. Ce prix, tant attendu par la communauté scientifique, vient couronner des décennies de recherche au croisement de la chimie inorganique, de la chimie organique et de la science des matériaux. Christian Serre, chercheur éminent et membre de l’Académie des sciences, spécialiste reconnu des matériaux poreux, apporte ici son éclairage sur cette distinction prestigieuse. À travers son regard expert, on comprend mieux l’ampleur de cette avancée, mais aussi son impact potentiel sur des enjeux mondiaux comme le climat, la capture du carbone ou encore le stockage d’énergie.
La remise du prix Nobel à des chercheurs travaillant sur les MOFs ne surprend pas les initiés. Depuis près de deux décennies, ce domaine suscite un engouement croissant dans les laboratoires du monde entier. Les matériaux métallo-organiques représentent une révolution dans la conception de solides poreux, alliant la robustesse des structures métalliques à la flexibilité des composés organiques. Leur porosité exceptionnelle, leur modularité et leur capacité à être sur mesure en font des candidats idéaux pour des applications industrielles et environnementales.
Christian Serre confirme cette attente collective : La thématique des solides poreux hybrides était dans la short list pour la chimie. Pour lui, il ne s’agissait plus de savoir *si* un Nobel serait attribué dans ce domaine, mais *quand* et *à qui*. Le fait que cette reconnaissance arrive en 2025 témoigne de la maturité des recherches et de la démonstration de leurs applications concrètes. On a maintenant des preuves tangibles que ces matériaux peuvent être utilisés à grande échelle, notamment pour capter le CO₂ ou stocker l’hydrogène. C’est ce qui a probablement pesé dans la balance.
Les trois chercheurs récompensés incarnent chacun une étape clé dans l’histoire des MOFs. Richard Robson, chercheur australien, est considéré comme le pionnier. Dès les années 1990, il parvient à assembler des ions métalliques avec des ligands organiques pour former des structures tridimensionnelles ordonnées. Son intuition était géniale : il pressent que ces architectures pourraient être poreuses, offrant des espaces internes exploitables. Pourtant, ses matériaux, bien que prometteurs sur le papier, se décomposaient dès qu’on les retirait du milieu de synthèse. Ils ne pouvaient pas être utilisés en conditions réelles.
C’est là qu’intervient Susumu Kitagawa, chimiste japonais dont les travaux dans les années 2000 ont marqué un tournant. Il réussit à stabiliser des structures similaires, en concevant des MOFs capables de conserver leur porosité à l’état solide. Kitagawa a mis en évidence la porosité de ces matériaux, explique Christian Serre. Il a montré qu’on pouvait les utiliser pour adsorber des gaz, les séparer, les stocker. C’était la preuve de concept que tout le monde attendait.
Le troisième lauréat, dont le nom n’est pas explicitement cité dans le texte original, représente probablement la génération suivante : celle qui a su transformer les découvertes fondamentales en applications industrielles. Cette combinaison de pionnier, de validateur et d’ingénieur de l’innovation est typique des décisions du comité Nobel, qui privilégie les chaînes complètes de progrès scientifique.
Un MOF, ou Metal-Organic Framework, est un matériau cristallin constitué d’ions ou de clusters métalliques reliés par des molécules organiques, formant une structure en réseau tridimensionnel. Ce réseau contient des pores d’une taille et d’une forme contrôlables, ce qui permet de piéger des molécules spécifiques – comme du dioxyde de carbone, du méthane ou de l’hydrogène.
La particularité des MOFs réside dans leur surface interne colossale. Certains atteignent des surfaces spécifiques de plus de 7 000 m² par gramme – l’équivalent de plusieurs terrains de football dans une cuillère à café. C’est ce qui fait leur puissance, souligne Élise Bouchet, chercheuse au CNRS à Toulouse, qui travaille sur les applications énergétiques des MOFs. Plus la surface est grande, plus on peut stocker de molécules. Et surtout, on peut les sélectionner.
Contrairement aux matériaux poreux traditionnels comme le charbon actif ou les zéolithes, les MOFs sont modulables à volonté. En changeant le métal ou l’organe ligand, on peut concevoir un matériau sur mesure pour capter un gaz particulier, résister à l’humidité ou même réagir à des stimuli externes comme la lumière ou la pression.
Les applications des MOFs sont multiples, mais l’une des plus prometteuses concerne la lutte contre le changement climatique. La capture du dioxyde de carbone émis par les centrales thermiques ou les procédés industriels est un enjeu crucial. Les MOFs peuvent être conçus pour adsorber sélectivement le CO₂ dans des mélanges gazeux, avec une efficacité bien supérieure aux technologies actuelles.
On travaille sur des MOFs capables de capter le CO₂ à très faible concentration, comme dans l’air ambiant, explique Julien Laroche, ingénieur en chimie verte à Grenoble. C’est encore expérimental, mais les résultats sont encourageants. On imagine des ‘fermes’ de capture directe de l’air, équipées de filtres à base de MOFs.
D’autres applications sont déjà plus avancées. Par exemple, dans le stockage de l’hydrogène pour les véhicules à pile à combustible. L’hydrogène est un vecteur énergétique propre, mais son stockage à haute pression ou très basse température reste un frein. Les MOFs offrent une alternative : ils peuvent stocker l’hydrogène à des pressions plus faibles, en l’absorbant dans leurs pores. Des prototypes de réservoirs utilisant ces matériaux sont testés par plusieurs constructeurs automobiles.
En médecine, des MOFs sont également étudiés pour la délivrance ciblée de médicaments. Leur structure poreuse permet d’emprisonner des molécules actives, puis de les libérer progressivement ou sous stimulation. On a testé des MOFs chargés en antibiotiques pour traiter des infections osseuses localisées, raconte le docteur Nadia El-Khoury, chirurgien orthopédiste à Lyon. Les résultats chez l’animal sont très prometteurs : moins d’effets secondaires, une action plus durable.
Au-delà des applications, le Prix Nobel 2025 célèbre une avancée majeure en chimie fondamentale. Il reconnaît la capacité des scientifiques à concevoir des matériaux à l’échelle atomique, en maîtrisant non seulement la composition, mais aussi la topologie et la fonctionnalité.
Ce prix valorise une approche de la chimie qui est à la fois rationnelle et créative, analyse Christian Serre. On ne découvre pas ces matériaux par hasard. On les conçoit, on les modélise, on les optimise. C’est une chimie du design, presque architecturale.
Les MOFs illustrent parfaitement cette nouvelle ère de la chimie, où les frontières entre la matière inorganique et organique s’estompent. Ils montrent aussi l’importance de la collaboration internationale : les premiers travaux de Robson en Australie, ceux de Kitagawa au Japon, et les développements récents dans des laboratoires européens, américains ou chinois, témoignent d’un effort collectif mondial.
Malgré leur potentiel, les MOFs ne sont pas encore omniprésents dans l’industrie. Plusieurs obstacles persistent. Le premier est le coût de production. La synthèse de certains MOFs nécessite des solvants coûteux, des conditions contrôlées et des étapes de purification complexes. On parle souvent de MOFs miracles, mais leur fabrication à grande échelle reste un défi, admet Élise Bouchet.
Un autre problème est la stabilité. Certains MOFs se dégradent en présence d’humidité ou à haute température, limitant leur usage dans des environnements réels. Des efforts considérables sont menés pour concevoir des matériaux plus robustes, notamment en utilisant des métaux plus stables ou des ligands plus résistants.
Enfin, il y a la question du recyclage et de l’impact environnemental des MOFs eux-mêmes. On ne veut pas remplacer un problème par un autre, prévient Julien Laroche. Si on utilise des métaux rares ou toxiques, on risque de créer des déchets difficiles à gérer. La recherche s’oriente maintenant vers des MOFs durables, basés sur des métaux abondants comme le fer ou le zinc.
L’attribution du Prix Nobel va probablement accélérer les investissements dans la recherche et le développement des MOFs. Des start-ups spécialisées, comme MOF Technologies ou Nuada, pourraient voir leurs projets boostés. Des partenariats entre universités et industries devraient se multiplier.
Ce prix va attirer de jeunes talents vers ce domaine, prédit Christian Serre. Et c’est essentiel, car les défis restent nombreux. Il faudra des chimistes, des ingénieurs, des modélisateurs, des spécialistes de procédés. C’est un domaine transversal.
À long terme, on peut imaginer des villes équipées de capteurs à MOFs pour surveiller la qualité de l’air, des usines utilisant des membranes à base de MOFs pour purifier leurs émissions, ou encore des dispositifs médicaux implantables libérant des traitements sur plusieurs mois.
Le Prix Nobel de chimie 2025 récompense bien plus qu’une découverte technique : il célèbre une vision du monde où la matière peut être conçue avec une précision inédite pour répondre aux urgences de notre temps. Les MOFs ne sont pas une solution miracle, mais ils incarnent une trajectoire prometteuse vers une chimie plus efficace, plus propre et plus intelligente. Grâce aux travaux de Robson, Kitagawa et de leurs pairs, on entre dans une ère où les matériaux ne sont plus simplement extraits ou transformés, mais véritablement conçus comme des machines moléculaires. Et c’est là, peut-être, la plus belle leçon de ce prix : la science, quand elle est audacieuse et rigoureuse, peut façonner l’avenir.
Un MOF (Metal-Organic Framework) est un matériau hybride constitué d’ions métalliques reliés par des molécules organiques, formant un réseau cristallin hautement poreux. Sa surface interne peut dépasser 7 000 m² par gramme, ce qui lui permet de capter, stocker ou séparer des molécules spécifiques.
Ce prix reconnaît l’importance des matériaux poreux hybrides pour la science et la société. Il valorise des décennies de recherche fondamentale et ouvre la voie à des applications concrètes dans la capture du carbone, le stockage d’énergie ou la médecine.
Les MOFs peuvent être utilisés pour la capture du CO₂, le stockage d’hydrogène, la séparation de gaz industriels, la délivrance ciblée de médicaments, ou encore la détection de polluants. Leurs propriétés modulables permettent une adaptation fine à chaque besoin.
Les principaux défis sont la stabilité des matériaux dans des conditions réelles, le coût de production à grande échelle, et l’impact environnemental des composants utilisés. La recherche s’oriente vers des MOFs plus durables et économiquement viables.
Le prix récompense Richard Robson, pionnier de la synthèse de ces structures ; Susumu Kitagawa, qui a démontré leur porosité et leurs propriétés d’adsorption ; ainsi qu’un troisième chercheur ayant contribué à leur mise en œuvre industrielle ou à l’élargissement de leurs applications.
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