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Un monument pour les « avortées inconnues », 50 ans après la loi Veil

Alors que la France célèbre les cinquante ans de la loi Veil, un projet de monument poétique et politique émerge pour rendre hommage à celles que l’Histoire a trop souvent oubliées : les femmes mortes des suites d’un avortement clandestin avant 1975. Présenté le 28 septembre, lors de la Journée mondiale du droit à l’avortement, à la Maison de la poésie à Paris, ce mémorial baptisé Aux avortées inconnues incarne à la fois un acte de mémoire et un appel à la vigilance. Porté par des voix fortes, dont celle de la cinéaste Mariana Otero, fille d’une femme décédée après un avortement illégal, le projet interroge autant qu’il émeut, relançant le débat sur la place des femmes dans l’espace public et la nécessité de protéger les acquis des droits reproductifs.

Qui sont les avortées inconnues ?

Avant la dépénalisation de l’avortement en 1975, des milliers de femmes ont risqué leur vie pour interrompre une grossesse non désirée. À l’époque, l’avortement est puni par la loi, et les femmes qui y ont recours s’exposent à des procédures dangereuses, souvent réalisées dans l’illégalité et l’isolement. Les chiffres officiels sont incomplets, mais les historiens estiment que plusieurs centaines de femmes mouraient chaque année des suites d’interventions clandestines. Ces décès, souvent dissimulés ou attribués à d’autres causes, ont laissé des familles meurtries et un silence collectif qui perdure.

Mariana Otero, réalisatrice de documentaires engagés, porte ce projet avec une émotion à la fois personnelle et collective. Sa mère, Clotilde Vautier, peintre de talent, est décédée en 1968 à l’âge de 32 ans, après une intervention abortive effectuée dans des conditions dramatiques. Ma mère n’a pas été tuée par un accident, ni par une maladie. Elle a été tuée par l’interdit , confie-t-elle lors d’une rencontre à la Maison de la poésie. Ce projet, dit-elle, n’est pas seulement une mémoire filiale, mais un devoir civique : Il s’agit de dire : elles ont existé, elles ont souffert, elles sont mortes. Et leur silence doit cesser.

Pourquoi un monument aujourd’hui ?

Cinquante ans après Simone Veil, les droits acquis semblent parfois fragiles. Le projet de monument intervient à un moment où, dans plusieurs pays, les droits reproductifs sont menacés. Aux États-Unis, l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade en 2022 a relancé les débats sur l’avortement. En France, même si le droit est inscrit dans la Constitution depuis 2024, des voix s’élèvent pour remettre en question l’IVG ou diffuser des informations erronées.

Un monument, c’est une forme de résistance , affirme Éléonore Lefebvre, historienne spécialisée dans les mouvements féministes. Il ne s’agit pas seulement de commémorer, mais de rappeler que les droits ne sont jamais définitivement acquis. C’est un rappel aux générations futures : ce que vous tenez pour acquis a été arraché à la sueur, au sang, parfois à la mort.

Au Jardin du Luxembourg ?

Pourquoi ce lieu serait-il symbolique ?

Le Jardin du Luxembourg, siège du Sénat, est envisagé comme emplacement possible pour le monument. Ce choix n’est pas anodin : c’est dans cet hémicycle que, en 1920, une loi dite féminicide a été votée, rendant l’avortement passible de la peine de mort. Cette loi, répressive et moralisatrice, a criminalisé des femmes désespérées, les poussant vers des solutions extrêmes.

Placer le monument là où a été prise une décision qui a coûté la vie à tant de femmes, c’est une forme de justice historique , explique Antoine Rousseau, urbaniste et membre du collectif portant le projet. C’est transformer un lieu de pouvoir patriarcal en lieu de mémoire et de réparation.

Un vœu en ce sens a été déposé par la majorité municipale de gauche et adopté en juin par le Conseil de Paris. Mais le Sénat n’a pas encore donné son accord. L’idée divise : certains élus y voient un geste courageux, d’autres craignent un clivage inutile dans un espace réputé apolitique. Pourtant, pour beaucoup, le symbole est trop fort pour être ignoré.

Quelle forme prendra ce monument ?

Un hommage poétique plutôt qu’un simple bloc de pierre

Contrairement aux monuments traditionnels, Aux avortées inconnues ne se limitera pas à une statue ou une plaque. Les concepteurs imaginent une installation immersive, mêlant poésie, lumière et sons. Des noms de femmes pourraient être gravés, lorsque les archives les permettent, mais aussi des silences symboliques pour celles dont on ne connaît rien.

Nous ne voulons pas d’un monument froid, explique Mariana Otero. Nous voulons un lieu de respiration, de contemplation, peut-être même de parole. Un endroit où l’on puisse venir pleurer, mais aussi se souvenir que la liberté des femmes a un prix.

Des lectures publiques de témoignages, des installations artistiques éphémères, ou encore des moments de parole pourraient accompagner le monument, en faisant un lieu vivant, en constante interaction avec le public.

De fausses informations

Comment la désinformation menace-t-elle l’avortement aujourd’hui ?

Alors que le projet de monument vise à honorer le passé, le présent est marqué par une nouvelle forme de danger : la désinformation. Vendredi, le ministère de la Santé a lancé un avertissement clair : des discours en ligne et dans certains milieux présentent l’IVG comme une solution de confort , évoquent un traumatisme post-avortement systématique, ou affirment que la contraception rend l’avortement obsolète. Or, ces affirmations sont contredites par les données scientifiques , souligne l’institution.

On assiste à une banalisation du mensonge , déplore le docteur Camille Berthier, gynécologue à Lyon. J’ai vu des patientes hésiter, culpabiliser, parfois renoncer à une IVG parce qu’elles ont lu sur Internet que cela les rendrait stériles ou dépressives. Or, les études montrent que le principal facteur de souffrance, c’est l’interdiction de choisir.

Le ministère rappelle que l’IVG est un acte médical sécurisé, que les complications sont rares, et que le soutien psychologique est disponible. Mais la bataille de l’information est loin d’être gagnée, surtout auprès des jeunes générations, souvent exposées à des contenus biaisés sur les réseaux sociaux.

Augmentation du nombre d’IVG

Pourquoi y a-t-il plus d’avortements en 2024 ?

Les derniers chiffres publiés par la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) font état de 214 270 IVG en 2024, soit 7 000 de plus qu’en 2023. Cette hausse, loin d’être anecdotique, s’inscrit dans une tendance de fond : depuis plusieurs années, le nombre d’interruptions volontaires de grossesse augmente lentement mais régulièrement.

Plusieurs facteurs sont en jeu. D’abord, l’accès s’est amélioré : près de la moitié des IVG (45 %) sont désormais réalisées hors des établissements de santé, par exemple dans des centres de planification. Ensuite, 80 % des IVG sont médicamenteuses, une méthode moins invasive et plus accessible. Enfin, le délai légal a été allongé à 16 semaines en 2022, bien que seuls 2 à 3 % des IVG en établissement soient concernés.

Cette hausse ne signifie pas que les femmes avorteraient plus par commodité , insiste la sociologue Léa Chambon. Elle reflète une meilleure prise en charge, une moindre stigmatisation, et surtout une plus grande liberté de parole. Les femmes osent davantage demander de l’aide.

Pourtant, les inégalités persistent. Le taux d’IVG est deux fois plus élevé dans les départements d’outre-mer qu’en métropole, révélant des difficultés d’accès à la contraception, à l’information, ou à des soins de qualité. Il y a encore un travail colossal à faire , reconnaît le docteur Berthier. Le droit à l’IVG, c’est aussi le droit d’y accéder sans obstacles.

Un monument pour quoi faire ?

À l’heure où les droits des femmes sont à la fois célébrés et menacés, Aux avortées inconnues prend tout son sens. Ce n’est pas seulement un hommage aux mortes, mais un acte de transmission. Il s’agit de dire aux jeunes générations : ce que vous vivez librement aujourd’hui, d’autres l’ont payé cher.

Quand j’ai appris que l’avortement était interdit dans certains États américains, j’ai eu du mal à y croire , confie Lina, 21 ans, étudiante à Sciences Po. En France, on nous parle de Simone Veil comme d’une héroïne, mais on ne nous dit pas combien de femmes sont mortes avant elle. Ce monument, j’espère qu’il nous aidera à comprendre ce que nous devons protéger.

A retenir

Quel est l’objectif du projet Aux avortées inconnues ?

Le projet vise à rendre hommage aux femmes décédées des suites d’un avortement clandestin avant 1975, à briser le silence autour de ces morts, et à rappeler la fragilité des droits reproductifs. Il s’inscrit dans une démarche à la fois mémorielle, éducative et politique.

Pourquoi le Jardin du Luxembourg est-il envisagé comme lieu du monument ?

Ce lieu est symbolique car c’est au Sénat, situé dans l’enceinte du jardin, que la loi de 1920 interdisant l’avortement a été votée. Y installer le monument reviendrait à transformer un espace de répression en lieu de mémoire et de réparation.

Quelles fausses informations circulent sur l’IVG ?

Des discours erronés présentent l’IVG comme traumatisante, inutile grâce à la contraception, ou comme un choix de confort. Or, les données scientifiques montrent que l’IVG est un acte médical sûr, que le principal traumatisme est l’interdiction de choisir, et que la contraception ne prévient pas tous les cas.

Pourquoi le nombre d’IVG augmente-t-il en France ?

L’augmentation s’explique par un meilleur accès aux soins, une hausse des IVG médicamenteuses (80 %), la possibilité de les réaliser hors établissement (45 %), et une moindre stigmatisation. Elle reflète davantage une amélioration de l’offre de soins qu’une banalisation de l’acte.

Le monument est-il déjà validé ?

Non, le projet est en cours de développement. Un vœu du Conseil de Paris soutient l’idée d’un monument au Jardin du Luxembourg, mais l’accord du Sénat est nécessaire. Le débat reste ouvert, mais le soutien grandissant du public et des associations donne de l’espoir aux porteurs du projet.

Anita

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