400 développeurs s’associent à Nantes pour créer des logiciels utiles aux soignants

Doctolib est entré dans le quotidien de millions de Français comme une solution simple pour prendre rendez-vous chez le médecin, le dentiste ou le psychologue. Pourtant, derrière cette interface familière se cache une transformation numérique bien plus profonde du système de santé. Ce n’est pas seulement une application de prise de rendez-vous : c’est un écosystème logiciel qui repense l’organisation des soins, du cabinet médical aux établissements de santé. Jean-Urbain Ubeau, directeur général de Doctolib, l’affirme sans ambages : Notre métier va bien au-delà de la prise de rendez-vous. L’inauguration récente du deuxième siège français de l’entreprise à Nantes, aux côtés de celui historique de Levallois-Perret, marque une étape clé dans cette ambition. Doctolib ne se contente plus d’accompagner les patients — il accompagne désormais les professionnels de santé dans tous les aspects de leur pratique.

Quelle est la véritable mission de Doctolib aujourd’hui ?

Depuis sa création en 2013, Doctolib a su s’imposer comme un acteur incontournable de la digitalisation du secteur médical. Mais son évolution est loin d’être cantonnée à la simple réservation en ligne. L’entreprise s’est progressivement transformée en éditeur de logiciels médicaux complets, conçus pour répondre aux besoins concrets des soignants. La prise de rendez-vous n’est qu’un des leviers d’un système plus vaste, pensé pour fluidifier le parcours de soins, réduire les tâches administratives et améliorer la qualité des interactions entre patients et professionnels.

Comme le souligne Jean-Urbain Ubeau, Doctolib conçoit désormais une suite logicielle tout-en-un qui intègre plusieurs dimensions : gestion du secrétariat numérique, développement de la patientèle, outils de prévention, et accompagnement dans les soins à distance. Cette transformation répond à un constat simple : les médecins passent trop de temps sur des tâches répétitives, au détriment de leur mission première — soigner. En automatisant les processus administratifs, Doctolib libère du temps médical, mais aussi du temps humain.

Comment Doctolib accompagne-t-il les professionnels de santé au quotidien ?

L’une des clés de la réussite de Doctolib réside dans son approche centrée sur les usagers finaux : les médecins, infirmiers, kinésithérapeutes, et autres professionnels de santé. Pour concevoir ses outils, l’entreprise mène des dizaines d’entretiens terrain chaque mois, observe les flux de travail dans les cabinets, et intègre les retours d’expérience directement dans le développement de ses logiciels.

Prenez le cas de Clara Moreau, médecin généraliste à Rennes. Depuis qu’elle utilise la suite Doctolib, elle a réduit de 70 % le temps consacré à la gestion des rendez-vous et aux appels téléphoniques. Avant, je passais mes soirées à rappeler les patients ou à gérer les absences. Aujourd’hui, le système m’envoie des rappels automatisés, synchronise mon agenda avec celui de mon remplaçant, et même les ordonnances sont pré-remplies. Cela me permet de me concentrer sur mes consultations , témoigne-t-elle. Ce gain de temps n’est pas anecdotique : il permet à Clara de prolonger certaines consultations, d’écouter davantage ses patients, et de mieux prévenir les complications.

Le secrétariat numérique est l’un des piliers de cette transformation. Il centralise les appels entrants, les messages, les demandes de renouvellement d’ordonnances, et les relances de patients absents. Grâce à des algorithmes intelligents, le système priorise les demandes, filtre les urgences, et allège considérablement la charge cognitive des équipes médicales.

Quels sont les bénéfices pour les patients ?

Si les professionnels gagnent en efficacité, les patients bénéficient d’un accès plus fluide et plus humain aux soins. La digitalisation ne remplace pas le contact humain — elle le protège. En réduisant les délais d’attente, en améliorant la disponibilité des rendez-vous, et en permettant un suivi plus régulier, Doctolib participe à une médecine plus proactive.

Élodie Ferrand, 48 ans, souffre d’un diabète de type 2. Depuis deux ans, elle suit un programme de prévention intégré à la plateforme Doctolib, proposé par son médecin traitant. Chaque semaine, elle reçoit des rappels pour mesurer sa glycémie, des conseils nutritionnels personnalisés, et des alertes si ses données s’écartent de la norme. C’est comme avoir un petit coach médical dans ma poche , sourit-elle. Son médecin, quant à lui, reçoit un tableau de bord synthétique de son évolution, ce qui lui permet d’intervenir rapidement en cas de dérive.

Ce type de suivi, rendu possible par l’intégration de données et d’outils prédictifs, illustre la mutation du rôle du médecin : moins gestionnaire, plus accompagnateur. La technologie devient un levier de prévention, pas seulement de traitement.

Quel impact sur les établissements de santé ?

Doctolib ne se limite pas aux cabinets individuels. Depuis plusieurs années, l’entreprise développe des solutions spécifiques pour les centres de santé, les hôpitaux, et les cliniques. Ces structures, souvent confrontées à des flux de patients complexes et à des contraintes organisationnelles lourdes, bénéficient d’une digitalisation globale de leurs processus.

À l’hôpital privé de Nantes, où Doctolib a déployé une partie de ses outils, le service de cardiologie a vu sa capacité d’accueil augmenter de 15 % sans recruter de personnel supplémentaire. Grâce à la planification intelligente des rendez-vous et à la réduction des absences non justifiées, nous avons pu optimiser l’utilisation de nos salles de consultation , explique le docteur Antoine Lemaire, chef du service. Les patients reçoivent des notifications par SMS ou email, et peuvent déplacer leur rendez-vous en cas d’empêchement, ce qui limite les créneaux perdus.

Par ailleurs, la plateforme facilite la coordination entre spécialistes. Dans le cadre de parcours de soins complexes — comme ceux des patients atteints de cancer — Doctolib permet de synchroniser les rendez-vous avec les oncologues, radiologues, et infirmiers coordinateurs. C’est une avancée majeure pour la continuité des soins , insiste le docteur Lemaire. Avant, chaque acteur travaillait dans son silo. Aujourd’hui, nous avons une vision partagée du parcours du patient.

Comment Doctolib se positionne-t-il dans la prévention et la santé publique ?

L’une des ambitions affichées de Doctolib est de devenir un acteur de la prévention. L’entreprise collabore désormais avec des organismes publics, comme l’Assurance maladie, pour déployer des campagnes de dépistage ciblées. Grâce à son accès à des données anonymisées et agrégées, Doctolib peut identifier des zones géographiques où les taux de vaccination ou de dépistage du cancer du sein sont insuffisants, et proposer des actions de rappel automatisées.

En 2023, une expérimentation menée en région Centre-Val de Loire a permis d’augmenter de 22 % le taux de participation au dépistage du cancer colorectal grâce à des invitations personnalisées envoyées via la plateforme. Ce n’est pas une simple notification : c’est une invitation contextualisée, avec des informations sur les centres proches, les délais, et les bénéfices du dépistage , précise Camille Vasseur, responsable santé publique chez Doctolib.

Pour certains professionnels, cette évolution soulève des questions éthiques. Il faut veiller à ce que la technologie ne remplace pas le jugement médical, et que les patients ne se sentent pas harcelés par des messages automatiques , tempère la docteure Sophie Nguyen, généraliste à Lyon. Mais elle reconnaît que, dans un cadre bien encadré, ces outils peuvent être des alliés précieux. Si cela permet d’atteindre des patients qui, autrement, ne se feraient jamais dépister, alors c’est une avancée.

Quelles sont les perspectives d’avenir pour Doctolib ?

L’ouverture du siège de Nantes n’est pas qu’un symbole. Elle s’inscrit dans une stratégie de croissance et d’innovation. Plus de 300 nouveaux postes sont prévus sur ce site, principalement dans les domaines de la recherche, du développement logiciel, et de la cybersécurité. Car avec l’accumulation de données de santé, la protection de la vie privée devient un enjeu majeur.

Doctolib investit massivement dans la sécurité des données, avec des protocoles de chiffrement de bout en bout et des audits réguliers. Nous ne vendons pas les données des patients, et nous ne les utilisons jamais à des fins publicitaires , insiste Jean-Urbain Ubeau. Notre modèle économique repose sur la vente de logiciels aux professionnels de santé, pas sur la monétisation des données.

L’avenir de Doctolib passe aussi par l’intelligence artificielle. Des projets pilotes sont en cours pour développer des assistants médicaux capables de suggérer des diagnostics différentiels, ou d’aider à la rédaction des comptes rendus. L’IA ne remplacera jamais le médecin, mais elle peut l’aider à éviter les oublis, à mieux prioriser les actions , explique Thomas Rey, ingénieur en intelligence artificielle au sein de l’équipe innovation.

Dans les années à venir, Doctolib souhaite étendre ses services à d’autres pays européens, tout en renforçant ses partenariats avec les institutions publiques. L’objectif ? Devenir un pilier de la transformation numérique de la santé, en France comme à l’international.

Quels enseignements tirer de cette transformation ?

L’histoire de Doctolib montre que la digitalisation du secteur médical n’est pas une menace pour l’humain, mais une opportunité pour le renforcer. En automatisant les tâches répétitives, en fluidifiant les parcours de soins, et en rendant la prévention plus accessible, la technologie permet aux soignants de se recentrer sur leur cœur de métier : accompagner, écouter, soigner.

Comme le résume Clara Moreau, la médecine du futur ne sera ni uniquement humaine, ni uniquement numérique. Elle sera hybride. Et si on l’utilise bien, elle sera plus juste, plus accessible, et plus humaine que jamais.

A retenir

Doctolib est-il seulement une application de prise de rendez-vous ?

Non. Doctolib a évolué vers une suite logicielle complète pour les professionnels de santé, incluant la gestion administrative, le suivi des patients, la prévention, et la coordination entre acteurs de santé. La prise de rendez-vous n’est qu’un des modules de cette plateforme.

Comment Doctolib améliore-t-il la qualité des soins ?

En réduisant la charge administrative des médecins, Doctolib leur permet de consacrer plus de temps aux patients. Il facilite aussi le suivi personnalisé, les rappels de dépistage, et la coordination entre spécialistes, ce qui améliore la continuité et la prévention des soins.

Les données des patients sont-elles sécurisées ?

Oui. Doctolib applique des protocoles stricts de cybersécurité et de protection des données de santé. Les informations sont chiffrées, et l’entreprise ne monétise pas les données personnelles. Son modèle économique repose sur la fourniture de logiciels aux professionnels.

Doctolib collabore-t-il avec le secteur public ?

Oui. Doctolib travaille avec l’Assurance maladie et d’autres institutions publiques pour déployer des campagnes de prévention, améliorer l’accès aux soins, et soutenir la transformation numérique du système de santé français.

Quel est le rôle de l’intelligence artificielle chez Doctolib ?

L’intelligence artificielle est utilisée pour développer des assistants médicaux qui aident à la rédaction, au diagnostic, ou à la gestion des agendas. Elle vise à soutenir les professionnels, jamais à les remplacer, et reste soumise à une supervision humaine constante.