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À neuf ans, il quitte Comilla pour Paris : son incroyable parcours en 2025

En 1997, un petit garçon de neuf ans quitte les routes de terre rouge de Comilla, au Bangladesh, pour poser ses pieds sur l’asphalte lisse et froid de la Plaine Saint-Denis. Ce jour-là, Zaman Khalil ne comprend pas encore qu’il entre dans une nouvelle vie, ni que chaque pas franchi dans ce monde inconnu le sculptera peu à peu en homme. Son récit, loin d’être une simple histoire d’immigration, est une fresque intime d’adaptation, de résilience et d’espoir. Il raconte ce que signifie grandir entre deux cultures, entre les silences d’un père lointain et la force d’une mère inébranlable, entre les rêves d’enfant et les réalités d’adulte. À travers ses souvenirs, ses choix et ses luttes, c’est toute une génération qui se reflète — celle des fils et filles d’immigrés qui, sans jamais renier leurs racines, construisent leur identité à coups de travail, de doutes et de fierté.

Quel est le choc culturel ressenti par Zaman Khalil à son arrivée à Paris ?

Pour Zaman, tout est démesure. À Comilla, les maisons sont basses, les rues poussiéreuses, les portes ouvertes sur la chaleur humaine. À Paris, les immeubles sont hauts, les fenêtres closes, les rues propres mais impersonnelles. Le premier souvenir qui le marque ? La propreté. « J’étais habitué à la boue, aux pieds nus dans la terre après la pluie, raconte-t-il. Ici, tout était net, presque froid. » Le camion prêté par un cousin les dépose devant un pavillon partagé, où trois familles cohabitent dans un espace étroit. Son père, qu’il n’a vu que quelques semaines tous les deux ou trois ans, semble à la fois familier et étranger. Cet homme silencieux, marqué par les années passées en Allemagne et en France, a tout sacrifié pour leur offrir une chance. Mais pour l’enfant, ce sacrifice n’a encore aucun sens. Il suit sa mère comme une ombre, observant chaque détail avec une curiosité mêlée de peur. Les premières semaines sont un mélange de valises défaites, de silences lourds, et de regards échangés sans mot dire. Pourtant, c’est elle, sa mère, qui tient le cap. « Elle ne pleurait jamais devant nous, confie-t-il. Mais je l’ai vue, une nuit, les mains sur le rebord de l’évier, le visage dans l’obscurité. Elle tremblait. » Ce moment, il ne l’a jamais oublié. C’est là qu’il a compris que l’espoir ne se dit pas, il se porte.

Comment l’école a-t-elle marqué le début de son intégration ?

En CM1, Zaman entre à l’école comme on entre dans un autre monde. Les murs blancs, les fenêtres vitrées, les pupitres alignés — tout lui semble sorti d’un rêve. Mais c’est surtout les dessins d’anatomie dans les couloirs qui le choquent. « Un homme nu, une femme nue… J’ai cru que c’était interdit, que j’allais en enfer si je regardais. » Il détourne les yeux, puis, petit à petit, comprend que ces images sont là pour enseigner. La langue est un mur. Il ne comprend rien à la grammaire, les verbes lui échappent, les accords le perdent. Mais les mathématiques, elles, sont universelles. « Un plus un, ça fait deux partout, même si tu parles bangla ou arabe. » C’est dans la cour de récréation qu’il apprend le vrai français. Avec Saïd, un garçon d’origine algérienne, il forge une amitié solide. « Il m’a protégé quand les autres me traitaient de blédard. Il me disait : “T’es pas d’ici, mais tu es des nôtres.” » Cette phrase, Zaman l’a gardée comme un talisman. Elle lui a permis de traverser les moqueries, les regards en coin, les questions répétées : « Tu viens d’où ? Tu parles pas bien ? T’as pas de chaussures neuves ? » Il traîne après l’école, découvre les rues, les odeurs, les sons. Le football devient son refuge. Il joue dans une équipe du quartier, puis dans un club plus structuré. Pendant huit ans, il court après le ballon, et sans le savoir, après une place dans ce pays qui ne lui a rien donné d’emblée.

Quel a été son parcours scolaire et professionnel après le collège ?

Le collège Garcia-Lorca n’a pas été une réussite scolaire. En Segpa, Zaman suit un cursus adapté, mais l’enseignement ne l’accroche pas. « Je voyais mes profs, je voyais mes copains qui allaient au lycée, mais moi, je pensais qu’un diplôme, ça ne me sauverait pas. Ce qui sauve, c’est le travail. » À seize ans, il quitte l’école. Premier emploi : commis de cuisine dans un restaurant d’hôtel de luxe. Il commence à 5 heures du matin, épluche, émince, nettoie. La fatigue est énorme, mais il tient. Puis vient le Burgundy, hôtel cinq étoiles dans le 8e arrondissement. Il y devient voiturier. « Je prenais les clés de voitures à 100 000 euros, je croisais des stars, des hommes d’affaires. Les pourboires ? Parfois 4 000 euros en un mois. » Mais la nuit le ronge. Il dort mal, mange mal, et surtout, il veut fonder une famille. « Je voulais un chez-moi, des enfants, un père présent. Pas un type qui rentre à 6 heures du matin, les yeux rouges. » Alors, comme beaucoup de Bangladais de sa génération, il ouvre une boutique de téléphonie dans le quartier. Il ne connaît rien aux portables, mais il apprend vite. Réparations, forfaits, déblocage de téléphones — il devient un expert. « Les gens venaient me voir comme un sorcier du portable. » Pendant dix ans, il fait vivre sa famille grâce à cette boutique. Chaque euro est compté, placé, investi. « Je pensais à mes parents, à ce qu’ils avaient enduré. Je ne pouvais pas gaspiller. »

Quelle est la place de la famille dans son parcours ?

Le père de Zaman, German — un prénom qui dit tout —, a traversé l’Europe à pied, a dormi dans des escaliers glacés à Berlin, a vendu des roses sur les trottoirs. « Il a fait tout ça pour nous, répète Zaman. Et il n’a jamais demandé un merci. » Quand il pleure en cachette en offrant des oranges et du raisin à sa famille nouvellement arrivée, c’est un moment que Zaman garde comme une cicatrice sacrée. « Il voulait nous donner le luxe, mais il pensait que ce n’était pas assez. » Ce père pudique, qui ne dit jamais « je t’aime », le serre un jour dans ses bras. Zaman a treize ans. C’est la première fois. « J’ai senti son cœur battre contre mon épaule. Je n’ai rien dit. Je crois qu’on a pleuré tous les deux. » Le mariage, lui, est un geste de respect. À dix-neuf ans, il épouse une jeune femme choisie au Bangladesh. « Ce n’était pas mon rêve de gamin, mais c’était important pour ma mère, pour la tradition. » Aujourd’hui, dix ans plus tard, le couple a deux fils, huit et sept ans. « Ils grandissent bilingues, musulmans, mais libres. Je leur dis : “Vous choisirez ce que vous voulez, moi je vous donne les deux mondes.” » Ils vivent tous ensemble dans un grand HLM de la Plaine, où les murs sont couverts de photos du Bangladesh, de Paris, de vacances en Normandie.

Qu’est-ce que la France lui a apporté, selon Zaman Khalil ?

« Je me sens français, affirme-t-il. Pas parce que j’ai un passeport, mais parce que je me sens en sécurité ici. Parce que je peux parler, rêver, construire. » Il aime conduire, partir en week-end, découvrir des villages inconnus. « La France, c’est 4 fois le Bangladesh, mais pour moi, c’est infini. » Il pêche en Normandie, au bord de la mer. « Quand je tiens la canne, je revois Comilla, les rivières, les enfants pieds nus. Mais ici, je suis tranquille. Je peux juste être. » Il n’oublie pas d’où il vient. « Chaque fois que je mange un riz au poulet, je pense à ma mère qui faisait cuire sur un petit feu, dehors. » Mais il ne veut pas vivre dans le passé. « J’ai de la gratitude, oui. Mais pas de dette. Je l’ai mérité, ce que j’ai. »

Quels projets envisage-t-il pour l’avenir ?

La boutique de téléphonie tourne toujours, mais Zaman songe à autre chose. « Peut-être ouvrir un petit restaurant. Bangladais, mais moderne. Pas un taxiphone. » Il veut aussi que ses enfants aient d’autres choix que les siens. « Je veux qu’ils étudient, qu’ils voyagent. Qu’ils n’aient pas à choisir entre leur cœur et leur survie. » Il participe à des ateliers de parole dans les collèges du quartier. « Je raconte mon histoire aux ados. Parce que je sais ce que c’est, de se sentir entre deux mondes. » Il ne se voit pas comme un exemple, mais comme un témoin. « Je veux juste qu’ils sachent : ça peut aller mieux. Même si c’est lent. Même si c’est dur. »

Comment Zaman Khalil incarne-t-il une génération d’immigrés ?

Il n’est ni héros, ni victime. Il est un homme ordinaire qui a fait des choses extraordinaires par nécessité. Il incarne cette génération de fils d’immigrés qui n’ont pas eu le choix de l’arrivée, mais qui ont pris celui de s’approprier le pays. Il parle de fierté, mais pas de revanche. De travail, mais pas d’exploitation. De tradition, mais pas de clôture. « On n’est pas ici pour remplacer, dit-il. On est ici pour ajouter. »

A retenir

Quel est le rôle de la mère dans l’histoire de Zaman Khalil ?

La mère de Zaman est le pilier invisible de son parcours. Silencieuse, forte, elle porte la famille sans jamais se plaindre. C’est elle qui décide du départ, qui tient le cap à l’arrivée, qui rappelle Zaman à la maison quand il traîne. Son amour ne se dit pas, il se vit. Elle est le lien entre le passé et le futur, entre le Bangladesh et la France.

Pourquoi le football a-t-il été important pour lui ?

Le football a été sa première intégration. Sur le terrain, les origines s’effacent. Il n’était plus le « blédard », mais un joueur, un partenaire. C’est là qu’il a appris la discipline, la confiance, la solidarité. Pendant huit ans, le ballon a été son passeport social.

Comment explique-t-il son sentiment d’appartenance à la France ?

Pour Zaman, être français ne se résume pas à la nationalité. C’est un sentiment de sécurité, de liberté, de possibilité. Il se sent chez lui parce qu’il peut construire, choisir, errer, réussir. « La France m’a donné une chance. Moi, je l’ai prise. Et je continue. »

Anita

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