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Entre 2012 et 2024, un événement médiatique et sanitaire majeur a secoué le monde hospitalier breton : à l’hôpital Yves-Le-Foll de Saint-Brieuc, près de 667 patients, dont 451 enfants, ont été exposés à des doses anormalement élevées de rayons X. Ce dysfonctionnement, dû à un mauvais paramétrage d’un équipement de radiologie, est passé inaperçu pendant douze ans. Bien que les autorités aient désormais corrigé le problème technique, les conséquences humaines, émotionnelles et médicales continuent de se faire sentir. Des familles entières, des soignants, des responsables d’établissement se retrouvent confrontés à des questions complexes sur la sécurité des soins, la transparence et les suites à donner. À travers les témoignages de patients, d’usagers et de professionnels, cet article reconstitue les faits, explore les implications et tente de comprendre comment une telle erreur a pu perdurer si longtemps.
Le cœur du problème réside dans une table de radiologie mal configurée. Concrètement, l’appareil diffusait des rayonnements plus puissants que la norme, sans que cela ne soit détecté par les systèmes de contrôle interne. Cette anomalie, bien que technique, soulève des questions de fond sur la maintenance des équipements médicaux et les protocoles de vérification réguliers. Les vérifications annuelles, censées garantir la sécurité des patients, n’auraient pas mis en lumière cette dérive. Selon Gilles Lucas, président des usagers à l’hôpital, le paramétrage erroné n’a pas été relevé lors des audits de sécurité. C’est inquiétant, car cela signifie qu’un maillon de la chaîne de contrôle a failli pendant des années .
Le personnel soignant, lui, ne disposait pas d’alertes visuelles ou sonores indiquant une surexposition anormale. Les techniciens radiologues suivaient les procédures habituelles , explique Claire Veyrat, ancienne coordinatrice du service d’imagerie médicale, ils n’avaient aucun indicateur leur permettant de soupçonner une anomalie. L’appareil semblait fonctionner normalement. Ce manque de feedback en temps réel a permis à l’erreur de se reproduire à chaque examen, sans déclencher d’alarme.
L’exposition aux rayons X, même modérée, comporte des risques. Elle est associée à un accroissement théorique du risque de cancers, particulièrement chez les enfants, dont les tissus sont plus sensibles aux radiations. Cependant, les experts insistent sur le fait que le risque, bien que réel, reste difficile à quantifier précisément dans ce cas. On ne peut pas affirmer qu’un cancer spécifique est directement lié à cette surexposition , précise le Dr Émilien Roussel, radiologue et membre du comité d’éthique régional. Mais statistiquement, plus on augmente la dose, plus on augmente les probabilités à long terme.
Pour les familles concernées, cette incertitude est particulièrement anxiogène. Léa et Julien Berthier, parents de deux enfants examinés à plusieurs reprises entre 2015 et 2020, ont reçu l’un des 730 courriers d’information envoyés par l’établissement. On a lu ce courrier un soir, après le dîner , raconte Léa. On s’est regardés, sidérés. Nos enfants ont eu des radios pour des fractures, des otites, des pneumonies… On croyait qu’on les soignait. Et là, on apprend qu’ils ont été exposés à des doses potentiellement dangereuses.
Au-delà des risques physiques, c’est le choc émotionnel qui domine. Ce n’est pas seulement une question de santé , confie Thomas Lefebvre, psychologue clinicien intervenant dans les hôpitaux bretons. C’est une atteinte à la confiance. Les patients ont l’impression d’avoir été trahis par un système censé les protéger.
Plusieurs familles ont signalé des troubles du sommeil, de l’anxiété chez leurs enfants, ou encore une méfiance accrue envers les examens médicaux. Mon fils de huit ans refuse désormais de passer une radio , témoigne Élodie Mercier, mère d’un patient surexposé. Il dit qu’il ne veut plus qu’on lui fasse du mal. C’est difficile à entendre, surtout quand on sait qu’il n’a jamais été maltraité intentionnellement.
En mars 2024, l’hôpital a lancé une campagne d’information massive, envoyant 730 courriers aux patients concernés ou à leurs proches. Ce chiffre dépasse le nombre de patients recensés (667) en raison de situations familiales complexes, comme des divorces ou des changements d’adresse. Nous avons voulu être exhaustifs , explique Gilles Lucas. Même si un parent ne vivait plus avec l’enfant au moment de l’examen, il a le droit de savoir.
Pourtant, seulement trente-sept demandes de précisions ont été reçues par mail, et huit patients ont sollicité un entretien médical spécifique. Ce faible taux de retour inquiète certains observateurs. Beaucoup de gens ont peut-être jeté le courrier, ou n’ont pas compris l’enjeu , estime la sociologue Camille Thibault, spécialiste des relations entre citoyens et institutions médicales. D’autres ont pu le vivre comme une fatalité, sans espoir de réparation.
Le paramétrage de la table de radiologie a été corrigé dès la découverte du problème. Par ailleurs, l’hôpital a renforcé ses procédures de contrôle, notamment en instaurant des vérifications trimestrielles par un organisme indépendant. Nous avons aussi formé le personnel à mieux repérer les anomalies techniques , ajoute Claire Veyrat. Désormais, chaque examen est doublement validé avant et après.
Un comité de suivi a été mis en place, associant des représentants des usagers, des médecins et des autorités sanitaires. Ce comité doit évaluer les suites à donner, y compris la possibilité d’un suivi médical renforcé pour les patients les plus exposés.
Le débat sur la responsabilité est complexe. Aucun acte intentionnel n’a été relevé, mais l’erreur de paramétrage a été maintenue pendant douze ans sans être détectée. Ce n’est pas une faute individuelle isolée , analyse le Dr Roussel. C’est un dysfonctionnement systémique. Il y a eu une absence de vigilance collective.
Les fournisseurs de l’équipement ont également été interrogés. Selon une source proche de l’enquête, le logiciel de l’appareil ne prévenait pas automatiquement en cas de dépassement de seuil de radiation. Ce type de fonctionnalité existe pourtant sur les modèles récents , note un ingénieur biomédical sous couvert d’anonymat. Soit l’hôpital n’a pas activé cette option, soit elle n’était pas incluse dans le contrat de maintenance.
À ce stade, aucune plainte n’a été déposée officiellement. Cependant, plusieurs avocats spécialisés en droit de la santé ont été contactés par des familles. Nous étudions la possibilité d’une action en responsabilité , indique Maëlle Garnier, avocate à Rennes. Le préjudice moral est évident. Le préjudice physique, s’il est prouvé, pourrait ouvrir droit à des indemnisations.
Le centre hospitalier, pour sa part, n’a pas souhaité s’exprimer officiellement sur les suites juridiques, affirmant se concentrer sur la prise en charge des patients et la prévention de tout nouveau risque .
Cette affaire met en lumière une faille dans la culture de la sécurité. Dans de nombreux établissements, les protocoles existent, mais leur application n’est pas toujours rigoureuse. Il faut instaurer une culture du doute , plaide Thomas Lefebvre. Le personnel doit se sentir autorisé à remettre en question un équipement, même si tout semble fonctionner normalement.
Des initiatives existent déjà : certains hôpitaux ont mis en place des boîtes à alertes anonymes, où les soignants peuvent signaler des anomalies sans crainte de représailles. L’hôpital de Saint-Brieuc envisage de s’inspirer de ce modèle.
Le rôle des usagers, souvent marginal dans les décisions hospitalières, apparaît ici crucial. Gilles Lucas et son association ont été parmi les premiers à demander des comptes. Les patients ne sont pas des consommateurs passifs , insiste-t-il. Ils doivent être informés, associés, entendus.
À l’avenir, l’établissement prévoit de créer un comité consultatif permanent avec des représentants des familles, notamment des parents d’enfants ayant subi des examens radiologiques.
Le suivi médical à long terme reste la principale préoccupation. Pour l’instant, aucun cas de pathologie directement liée à la surexposition n’a été identifié. Mais les effets des radiations peuvent se manifester des années, voire des décennies plus tard. Nous recommandons un suivi personnalisé pour les enfants ayant subi plusieurs examens , indique le Dr Roussel. Cela inclut des consultations régulières et une vigilance accrue sur tout signe anormal.
Léa et Julien Berthier ont accepté de participer à ce suivi. On ne veut pas vivre dans la peur , dit Julien. Mais on veut aussi que nos enfants soient protégés. Si une anomalie apparaît dans dix ou quinze ans, on veut qu’elle soit détectée à temps.
L’affaire de la surexposition aux rayons X à l’hôpital de Saint-Brieuc est loin d’être une simple erreur technique. Elle révèle des failles profondes dans les systèmes de contrôle, la communication avec les patients et la culture de la sécurité en milieu médical. Si le problème a été corrigé, les cicatrices restent. Des familles ont perdu confiance, des enfants ont peur des soins, et des professionnels remettent en question leurs pratiques. Pourtant, cette crise peut devenir un point de bascule : en tirant les leçons de ces douze années d’aveuglement, l’hôpital Yves-Le-Foll pourrait devenir un exemple de transparence et de vigilance retrouvée. Le défi, désormais, est de transformer la douleur en progrès.
Près de 667 patients ont été identifiés comme ayant subi une surexposition aux rayons X entre 2012 et 2024, dont 451 enfants.
Un mauvais paramétrage d’une table de radiologie a entraîné une diffusion de rayons X plus puissants que la norme. Cette erreur technique n’a été détectée qu’en 2024.
Oui, 730 courriers ont été envoyés aux patients concernés ou à leurs proches, afin de garantir une information exhaustive, notamment en cas de changements familiaux.
Le risque de développer des pathologies liées aux radiations, comme certains cancers, est théoriquement accru, surtout chez les enfants. Toutefois, aucun cas directement imputable n’a été identifié à ce jour.
Oui, le paramétrage a été corrigé, des contrôles indépendants trimestriels ont été mis en place, et le personnel a été formé à mieux détecter les anomalies. Un comité de suivi a également été créé.
Aucune plainte n’a été déposée officiellement, mais certaines familles ont consulté des avocats. Une action en responsabilité pourrait être envisagée, notamment pour préjudice moral.
Une erreur technique, même mineure en apparence, peut avoir des conséquences humaines majeures si elle n’est pas détectée à temps. La vigilance, la transparence et l’implication des usagers sont essentielles pour garantir la sécurité des soins.
Les patients ayant reçu un courrier peuvent demander un entretien médical, bénéficier d’un suivi personnalisé, et poser des questions à l’équipe d’information mise en place par l’hôpital.
En renforçant les contrôles techniques, en formant le personnel à la culture du doute, et en associant davantage les usagers aux processus de sécurité hospitalière.
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