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Pourquoi 80 % des salariés ne demandent jamais d’augmentation en 2025

En France, un silence pesant plane sur les bureaux, les ateliers et les open spaces : celui des salariés qui savent qu’ils sont sous-payés, mais qui ne disent rien. Une étude récente de l’Institut du Travail et des Relations Humaines (ITRH) révèle une réalité frappante — près de 80 % des employés conscients de leur sous-rémunération n’ont jamais osé demander une augmentation. Ce phénomène, loin d’être anecdotique, s’inscrit dans un contexte économique tendu, une culture d’entreprise frileuse à l’égard des discussions salariales, et des freins psychologiques profondément ancrés. Derrière ce silence, ce sont des parcours, des ambitions étouffées, et parfois des vies affectées par une injustice invisible. À travers témoignages et analyses, plongée dans le monde de ces salariés qui travaillent dur, mais dont la valeur n’est pas reconnue à sa juste mesure.

Pourquoi les salariés ne demandent-ils pas d’augmentation malgré une rémunération insuffisante ?

La question semble simple, mais les réponses sont complexes. Camille Lefebvre, chargée de projet dans une PME lyonnaise depuis six ans, gagne 38 000 euros annuels. Elle sait pertinemment que ses pairs dans des entreprises comparables touchent entre 4 000 et 6 000 euros de plus. Pourtant, elle n’a jamais abordé le sujet avec sa direction. « J’ai peur de passer pour quelqu’un d’ingrat, explique-t-elle. Je fais un travail que j’aime, mais j’ai aussi un crédit immobilier et deux enfants. Chaque mois, c’est la course. Pourtant, je me dis que si mon salaire n’avait pas augmenté, c’est qu’on doit me juger “assez bien” comme ça. »

Ce sentiment de doute, voire de honte, est largement partagé. L’étude de l’ITRH montre que 61 % des salariés craignent de ternir leur image en demandant plus. Ce blocage psychologique s’appuie sur une norme sociale ancienne : en France, parler d’argent au travail est souvent perçu comme indécent, voire conflictuel. « On a été éduqués à croire que le mérite se paie par la reconnaissance silencieuse », observe le sociologue Antoine Maréchal, spécialiste des relations professionnelles. « Demander une augmentation, c’est rompre un contrat implicite de loyauté. »

Quel est l’impact de la peur du refus sur la prise de parole ?

Le risque de refus pèse lourd dans l’équation. Pour beaucoup, une demande d’augmentation n’est pas seulement une négociation salariale, mais une mise en jeu de leur statut professionnel. En témoigne Hugo Delorme, ingénieur en transition énergétique dans une entreprise du Grand Est. Il a préparé un dossier solide pour justifier une revalorisation de 12 %, basé sur ses résultats et les données du marché. Mais il a finalement renoncé. « Un collègue a demandé une augmentation l’an dernier. Il a obtenu un “non” sec, sans explication. Depuis, il est passé au statut de “risque” aux yeux de la direction. Il n’est plus sollicité pour les projets stratégiques. Je ne veux pas vivre ça. »

Le climat de méfiance est renforcé par un manque de transparence. Dans les PME, où près de 60 % des salariés sont employés, les grilles de rémunération sont rarement accessibles. « Sans données, on se sent nu », résume Camille. « Comment demander une augmentation si on ne sait même pas si on est à 10 % ou 30 % en dessous de la moyenne ? »

Les femmes sont-elles plus touchées par ce silence salarial ?

Oui, et de manière significative. L’étude de l’ITRH révèle que 85 % des femmes sous-payées n’ont jamais demandé d’augmentation, contre 72 % des hommes. Ce déséquilibre s’explique par une combinaison de facteurs : pression sociale, stéréotypes de genre, et rôle souvent plus précaire dans l’entreprise.

Pourquoi les femmes hésitent-elles davantage à négocier leur salaire ?

Le cas d’Élodie Rivière, cadre dans une société de conseil à Bordeaux, illustre cette tendance. Mère de deux enfants, elle a repris son poste à temps partiel après un congé parental. Depuis, ses responsabilités ont augmenté, mais pas sa rémunération. « Je me sens coincée, avoue-t-elle. Si je demande plus, on pourrait me reprocher de ne pas être “disponible”. Et si je passe à temps plein, je n’ai pas de solution de garde. »

Les femmes sont souvent perçues comme plus “émotionnelles” ou “exigeantes” lorsqu’elles parlent d’argent, ce qui les pousse à autocensurer leurs demandes. Par ailleurs, la maternité reste un frein invisible à l’évolution salariale. « On me dit “bravo” pour mon retour, mais personne ne parle de revalorisation, alors que je gère plus de projets qu’avant », ajoute Élodie.

Le contexte économique freine-t-il les négociations salariales ?

Le contexte joue un rôle central. En 2025, malgré une inflation qui a durablement impacté le pouvoir d’achat, seulement 17 % des salariés ont osé demander une hausse de salaire. Le spectre de la précarité plane : licenciements économiques, restructurations, pression sur les coûts. Dans ce climat, demander plus peut sembler une prise de risque excessive.

Comment l’inflation influence-t-elle la perception de la sous-rémunération ?

Le décalage entre salaire et coût de la vie est devenu criant. Selon le baromètre RH 2025 de Talents&Co, plus de la moitié des salariés déclarent avoir modifié leurs habitudes de consommation pour compenser la stagnation de leurs revenus. Pourtant, cette réalité économique ne se traduit pas en action collective ou individuelle.

« On sait qu’on est sous-payés, mais on a l’impression que ce n’est pas le moment », résume Hugo. « Entre l’incertitude économique et les annonces de crise, on préfère garder son poste, même si on galère. » Ce choix de sécurité, souvent rationnel, nourrit un épuisement silencieux. Le salarié travaille plus, vit moins bien, mais ne dit rien.

Les managers sont-ils complices de ce silence ?

Le silence n’est pas seulement du côté des employés. Les managers, souvent, ne proposent pas d’augmentations, même justifiées. Certains par manque de pouvoir décisionnel, d’autres par crainte de déséquilibres internes.

Pourquoi les managers ne relèvent-ils pas les cas de sous-rémunération ?

Julien Mercier, responsable d’équipe dans une entreprise de logistique en Île-de-France, reconnaît le problème. « J’ai trois collaborateurs que je sais sous-payés. Je les ai signalés à la direction, mais chaque fois, la réponse a été : “pas de budget”. Je me sens impuissant. »

Ce manque de marge de manœuvre est fréquent, surtout dans les structures où les décisions salariales sont centralisées. Le manager devient alors un intermédiaire frustré, coincé entre ses équipes et une hiérarchie qui ne répond pas. « Le pire, c’est quand un collaborateur me dit : ‘Tu sais que je mérite plus’. Je ne peux rien faire. C’est toxique pour la relation de confiance. »

Quelles solutions pour briser ce tabou salarial ?

Le silence ne peut pas durer indéfiniment. À long terme, il fragilise la motivation, augmente le turnover, et creuse les inégalités. Des entreprises commencent à expérimenter des approches plus transparentes, avec des grilles de rémunération partagées, des revues salariales annuelles ou des formations à la négociation.

Comment instaurer une culture du dialogue autour de la rémunération ?

La start-up GreenLoop, basée à Toulouse, a mis en place un système de transparence partielle. Chaque employé connaît la fourchette salariale de son poste, ainsi que les critères d’évolution. « On a vu le nombre de demandes d’augmentation doubler, mais aussi leur qualité », note la directrice des ressources humaines, Lucie Aubert. « Les discussions sont plus sereines, basées sur des faits, pas sur des émotions. »

Des initiatives comme celles-ci montrent que le changement est possible. Mais elles restent minoritaires. Pour Camille Lefebvre, ce type de transparence serait un soulagement. « Savoir que je ne suis pas seule, que mes collègues ont les mêmes repères, ça changerait tout. Là, on vit dans l’ombre, chacun avec son angoisse. »

Quel rôle jouent les syndicats et les représentants du personnel ?

En théorie, les représentants du personnel sont des intermédiaires naturels pour aborder les questions de rémunération. En pratique, leur action est souvent limitée, notamment dans les petites entreprises où les délégations sont faibles ou absentes.

Pourquoi les syndicats ne parviennent-ils pas à imposer le sujet ?

« On manque de données, on manque de légitimité », reconnaît Malik Benali, délégué syndical dans une usine du Nord. « Les salariés viennent me voir en privé, mais ils ne veulent pas que ça remonte officiellement. Ils ont peur des représailles. »

Pourtant, des actions collectives peuvent porter leurs fruits. En 2024, une mobilisation interne dans une entreprise de services a abouti à une revalorisation de 5 % pour les postes techniques. « Le message, c’était : on ne demande pas pour nous, mais pour que le système soit juste », raconte Malik. « C’est ce genre d’initiatives qu’il faut encourager. »

Quel avenir pour la négociation salariale en France ?

Le chemin est long, mais des signes d’évolution existent. La génération Y et les jeunes actifs de la génération Z sont plus enclins à parler d’argent, à comparer leurs salaires, à exiger de la transparence. Les réseaux professionnels comme LinkedIn ou les plateformes de partage de données salariales (comme Glassdoor ou Hired) contribuent à briser l’omerta.

Les jeunes générations vont-elles changer la donne ?

« Mes collègues de 25-30 ans n’hésitent pas à dire ce qu’ils gagnent, observe Lucie Aubert. Ce n’est plus tabou. Et quand ils changent d’entreprise, ils négocient d’entrée. »

Cette mutation culturelle pourrait, à terme, forcer les entreprises à repenser leur approche. Mais elle suppose aussi un accompagnement : apprendre à négocier, à argumenter, à gérer le risque. Des compétences que peu de salariés maîtrisent aujourd’hui.

Conclusion

Le silence des salariés sous-payés n’est pas un choix neutre. C’est une stratégie de survie, une adaptation à un système qui punit la parole. Mais ce silence a un coût humain, économique et social. Il perpétue les inégalités, fragilise les carrières, et entretient un climat de méfiance. Pour le briser, il faut plus qu’un coup de courage individuel : il faut des structures, des données, des espaces de dialogue. Il faut que parler d’argent au travail cesse d’être un acte de rébellion pour devenir une pratique ordinaire. Parce que derrière chaque salaire injuste, il y a une personne qui mérite d’être vue, entendue, et rémunérée à sa juste valeur.

A retenir

Pourquoi 80 % des salariés sous-payés ne demandent-ils pas d’augmentation ?

La majorité des salariés sous-payés ne demandent pas d’augmentation en raison d’un mélange de peur de ternir leur image, de crainte de représailles, de manque d’information sur les grilles salariales, et d’un contexte économique incertain. Ce silence est également renforcé par une culture d’entreprise française où parler d’argent reste un tabou.

Pourquoi les femmes sont-elles plus touchées par ce phénomène ?

Les femmes sont plus exposées à ce silence en raison de pressions sociales, de stéréotypes de genre, et d’un risque perçu plus élevé de perdre en disponibilité ou en crédibilité lorsqu’elles négocient. Le retour de congé parental et les responsabilités familiales amplifient également cette autocensure.

Quel impact l’inflation a-t-elle sur les demandes d’augmentation ?

L’inflation a creusé l’écart entre salaires et coût de la vie, rendant la sous-rémunération plus visible. Pourtant, elle n’a pas stimulé les demandes d’augmentation, car les salariés perçoivent le contexte économique comme trop fragile pour prendre le risque d’une négociation.

Les managers peuvent-ils jouer un rôle dans la revalorisation des salaires ?

Oui, mais leur pouvoir est souvent limité. Beaucoup de managers sont conscients des cas de sous-rémunération, mais n’ont pas de marge de manœuvre budgétaire ou craignent des déséquilibres internes. Un rôle plus actif pourrait être joué s’ils étaient mieux outillés et soutenus par la direction.

Comment briser le tabou du salaire en entreprise ?

En instaurant davantage de transparence : grilles salariales partagées, revues individuelles basées sur des critères objectifs, et espaces de dialogue sécurisés. La formation des salariés à la négociation et l’implication des représentants du personnel sont également des leviers essentiels pour normaliser la discussion autour de la rémunération.

Anita

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