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Remboursement des protections périodiques : cette mesure vitale en suspens en 2025

En 2023, une promesse ambitieuse a été formulée par le gouvernement français : rembourser les protections périodiques réutilisables pour les personnes menstruées de moins de 26 ans et les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire. Une mesure censée lutter contre la précarité menstruelle, un fléau silencieux touchant des millions de personnes dans l’Hexagone. Pourtant, deux ans après son adoption, le projet semble s’enliser dans les méandres administratifs. Alors que des acteurs comme l’association Règles élémentaires dénoncent un silence assourdissant, la question se pose : cette réforme, tant attendue, est-elle en passe d’être abandonnée ? À travers témoignages, analyses et contexte politique, plongée dans un engagement public qui peine à se concrétiser.

Quelle était la promesse initiale du remboursement des protections réutilisables ?

La mesure, inscrite dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023, visait à rendre accessibles les protections menstruelles durables – comme les cups, les serviettes lavables ou les culottes absorbantes – à toutes les personnes concernées, sans distinction de revenus dans les cas ciblés. L’objectif était double : lutter contre la précarité menstruelle, mais aussi encourager une transition écologique en réduisant l’usage des produits jetables. Le coût initial avait été estimé à 94 millions d’euros la première année, puis stabilisé autour de 50 millions annuels par la suite. Un investissement jugé raisonnable au regard de l’impact social et environnemental attendu.

L’annonce avait été saluée par de nombreuses associations, dont Règles élémentaires, fondée par Maud Leblon, qui milite depuis des années pour la reconnaissance du besoin physiologique menstruel comme un droit fondamental. Ce n’était pas qu’une question de santé, mais de dignité , insiste-t-elle. Pour elle, cette mesure symbolisait une avancée historique dans la prise en compte des inégalités de genre dans les politiques publiques.

Pourquoi la mise en œuvre a-t-elle été retardée ?

En mai 2025, la députée PS Céline Thiébault-Martinez interpelle Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, sur l’absence de décret d’application. Deux ans après l’adoption de la loi, aucune modalité concrète n’a été publiée. Rien n’a bougé , dénonce la parlementaire. Aurore Bergé reconnaît alors un retard, s’engage à publier les textes d’application avant la fin de l’année 2025 , et promet une mise en œuvre rapide.

Pourtant, en septembre 2025, Règles élémentaires reçoit un courrier de la Direction de la sécurité sociale (DSS) annonçant un nouveau report. Le calendrier initialement prévu va être décalé , indique l’administration, sans fournir de nouvelle date. Maud Leblon exprime sa frustration : Les arrêtés étaient prêts, les discussions techniques achevées. Ce n’est pas un problème de faisabilité, mais de volonté politique.

Quel rôle joue la situation budgétaire dans ce report ?

Si aucun représentant du gouvernement n’a officiellement justifié le report, plusieurs sources proches du dossier évoquent des contraintes budgétaires. Dans un contexte de tension sur les finances publiques, toute nouvelle dépense est scrutée. Le coût de 97 millions d’euros la deuxième année pourrait avoir fait hésiter les décideurs, surtout en l’absence d’un consensus clair au sein de la majorité.

On nous parle d’économies d’échelle, mais on oublie que la précarité menstruelle coûte déjà cher à la société , souligne Élodie N’Diaye, sociologue spécialisée en santé publique. Des jeunes filles absentes de l’école, des travailleuses en incapacité d’assurer leur emploi, des frais médicaux liés aux infections : tout cela a un coût. Le remboursement, c’est aussi une économie préventive.

Quelles sont les conséquences concrètes de ce retard ?

Le report n’est pas sans impact. En France, près de 4 millions de personnes vivent en situation de précarité menstruelle, selon les estimations de Règles élémentaires. Cela signifie qu’elles doivent chaque mois choisir entre acheter des protections ou d’autres biens essentiels.

Camille, 22 ans, étudiante en psychologie à Lille, témoigne : J’utilise des serviettes jetables parce que je ne peux pas me payer une cup ou une culotte. En période d’examens, c’est stressant. J’ai déjà dû manquer des cours parce que je n’avais rien. Elle ajoute : Quand j’ai entendu parler du remboursement, j’ai cru que ça allait changer. Aujourd’hui, je me sens trahie.

Comment les associations tentent-elles de compenser ce vide ?

Face à l’inaction de l’État, des structures associatives redoublent d’efforts. À Lyon, l’association Sang & Solidarité distribue chaque mois des kits menstruels à plus de 300 personnes. On fait le job que l’État devrait assumer , lance son fondatrice, Léa Karsenti. On a vu une hausse de 40 % des demandes en deux ans. La précarité ne recule pas, elle s’aggrave.

L’association a lancé une pétition en juillet 2025, récoltant plus de 120 000 signatures, appelant le gouvernement à honorer sa promesse. Ce n’est pas une faveur, c’est un droit , insiste Léa Karsenti.

Quels produits seraient concernés par le remboursement ?

La mise en œuvre technique du remboursement suppose une définition claire des produits éligibles. Les discussions ont porté sur les critères d’hygiène, de durabilité, de conformité aux normes sanitaires, ainsi que sur les marques pouvant prétendre au remboursement. Selon Maud Leblon, des listes étaient quasiment finalisées . Les produits concernés incluraient les cups en silicone médical, les serviettes hygiéniques lavables en tissu certifié, et les culottes menstruelles répondant à des exigences strictes d’absorption et de traçabilité.

Le cahier des charges était prêt, mais on nous dit maintenant qu’il faut “revoir les priorités” , déplore-t-elle. C’est un euphémisme pour dire que la mesure ne passe plus.

Comment les bénéficiaires pourraient-ils être identifiés ?

Le système de remboursement devait s’appuyer sur la carte vitale. Les personnes de moins de 26 ans et les bénéficiaires de la CSS (Complémentaire santé solidaire) auraient pu obtenir un remboursement direct ou un bon d’achat, utilisable en pharmacie ou sur des plateformes partenaires. Une solution techniquement faisable, selon les experts du numérique en santé.

Il n’y a aucune barrière technique , confirme Thomas Régnier, ingénieur en systèmes d’information à la CNAM. On a déjà des modèles similaires pour les lunettes ou les prothèses auditives. Le système est prêt. Ce qui manque, c’est la décision politique.

Quel avenir pour cette mesure face aux changements gouvernementaux ?

En 2025, la question du remboursement des protections menstruelles réutilisables se retrouve au cœur d’un débat plus large sur les priorités sociales du pays. Alors que le gouvernement sortant peine à clore son agenda, les forces politiques de l’opposition s’emparent du sujet.

Ce report est inacceptable , déclare la sénatrice écologiste Aïcha Benmokhtar lors d’un débat au Sénat. Nous proposerons un amendement en urgence pour relancer la procédure. Ce n’est pas négociable.

Maud Leblon appelle de ses vœux un sursaut collectif : Le futur gouvernement, quel qu’il soit, doit se saisir de ce sujet. Ce n’est pas un gadget, c’est une question de justice sociale.

Quels enseignements tirer de cette situation ?

Le cas du remboursement des protections menstruelles réutilisables illustre les difficultés de mise en œuvre des politiques d’égalité, même lorsqu’elles sont votées à l’unanimité. Il révèle aussi une forme de déni persistant autour des besoins spécifiques des personnes menstruées, souvent relégués au rang de sujets secondaires .

On parle de santé, de dignité, de droit à l’éducation et au travail, mais on traite ça comme un détail , analyse Élodie N’Diaye. Tant que les menstruations resteront taboues, les politiques publiques continueront à les ignorer.

Conclusion

La promesse de rembourser les protections menstruelles réutilisables pour les jeunes femmes et les personnes en situation de précarité reste, à ce jour, lettre morte. Malgré les engagements, les délais repoussés et le silence des autorités alimentent un sentiment d’abandon. Pourtant, les outils existent, les besoins sont documentés, et les solutions techniques à portée de main. Ce qui fait défaut, c’est une volonté politique inébranlable. Alors que des millions de personnes vivent chaque mois avec l’anxiété de ne pas pouvoir gérer leurs règles dans la dignité, la question n’est plus seulement sanitaire ou économique : elle est morale.

A retenir

Quel est l’objectif du remboursement des protections menstruelles réutilisables ?

L’objectif est de lutter contre la précarité menstruelle en rendant accessibles des protections durables et écologiques à toutes les personnes concernées, notamment les jeunes de moins de 26 ans et les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire. Il s’agit aussi de reconnaître les besoins menstruels comme un droit fondamental à la santé et à la dignité.

Pourquoi la mesure n’a-t-elle pas encore été mise en œuvre ?

Malgré son adoption en 2023, la mesure attend toujours un décret d’application. En septembre 2025, la Direction de la sécurité sociale a annoncé un report sans calendrier précis. Selon les associations, les textes étaient prêts, mais le report serait lié à des contraintes budgétaires et à un manque de priorisation politique.

Quelles personnes seraient concernées par le remboursement ?

Le remboursement concernerait deux groupes principaux : les personnes menstruées âgées de moins de 26 ans, et les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (CSS), qui couvre les personnes à faible revenu. L’accès devrait se faire via la carte vitale ou un système de bons d’achat.

Quels produits seraient remboursés ?

Les produits éligibles devraient inclure les cups en silicone médical, les serviettes hygiéniques lavables conformes aux normes sanitaires, et les culottes menstruelles répondant à des critères stricts d’absorption, de traçabilité et de durabilité. Un cahier des charges était en cours de finalisation.

Quel est l’impact du report sur les personnes concernées ?

Le report prolonge la précarité menstruelle pour environ 4 millions de personnes en France. Cela se traduit par des absences scolaires, professionnelles, ou des choix dramatiques entre se soigner et se nourrir. Des associations tentent de pallier ce vide, mais elles ne peuvent pas compenser l’absence d’une politique publique structurée.

Anita

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