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Retraite à 900 € : une vie broyée par la hausse des charges en 2025

Chaque hiver, des milliers de Français voient leurs dépenses exploser, non pas par manque de maîtrise budgétaire, mais parce que leur logement, souvent ancien et mal isolé, devient un gouffre énergétique. Parmi eux, Christine Derruga, 63 ans, retraitée à Toulouse, incarne cette réalité invisible : une vie étranglée par des factures qui ne reflètent pas toujours la consommation réelle, des promesses de rénovation repoussées, et un système qui semble parfois oublier la dignité des plus vulnérables. Son combat, loin d’être isolé, révèle les failles d’un équilibre fragile entre bailleurs sociaux, politiques énergétiques et droits fondamentaux.

Comment une retraitée se retrouve sous la pression des charges

Christine Derruga vit dans un logement HLM à Montaudran, un quartier de Toulouse. Depuis 2007, elle occupe un T4, un choix qui, à l’époque, répondait à un besoin familial. Aujourd’hui, seule, elle affirme que ce logement reste nécessaire pour accueillir son fils, gravement handicapé, lors de ses visites. Sa retraite s’élève à 900 euros mensuels. Chaque dépense est calculée à l’euro près. « Je mange peu, souvent la même chose : une brioche le matin, un yaourt, du café. Quand je fais des courses, je regarde trois fois les prix », confie-t-elle. Pourtant, malgré cette austérité, ses charges de chauffage ont bondi de 96 à 250 euros par mois en 2023. Un saut qui, pour elle, n’a rien de logique. « Je n’ai pas augmenté ma consommation. Je coupe le chauffage dès que je peux, j’ai même pris des photos de mon compteur pour prouver que je ne consomme rien. »

L’explication vient de Toulouse Métropole Habitat (TMH), son bailleur. En juin 2023, un contrat à tarif bloqué a expiré. Désormais, les charges suivent les fluctuations du marché de l’électricité. « C’est une logique tarifaire, pas une décision arbitraire », souligne un responsable de l’office, qui affirme avoir informé les locataires via courriers et réunions. Christine, elle, dit n’avoir reçu qu’un seul contact avec une médiatrice, sans suite à ses lettres recommandées. « On me parle de procédures, mais personne ne m’écoute vraiment. »

Pourquoi le froid coûte si cher dans certains logements

L’immeuble de Christine date de 1978. Construit à une époque où l’isolation n’était pas une priorité, il est aujourd’hui qualifié de « passoire thermique ». Les murs laissent filer la chaleur, les fenêtres sont anciennes, et le système de chauffage, entièrement électrique, est coûteux à l’usage. « L’hiver dernier, je suis restée sans chauffage pendant des semaines. J’avais froid, mais je ne pouvais pas me permettre d’allumer. J’ai fini par acheter un poêle au fioul d’appoint. En quelques mois, ça m’a coûté près de 900 euros », raconte-t-elle, la voix serrée. Une dépense équivalente à son revenu mensuel, pour un confort minimal.

TMH reconnaît le défaut d’isolation de l’ensemble immobilier. Un programme de réhabilitation énergétique est d’ailleurs prévu pour 2026, avec l’installation d’un chauffage géothermique. « C’est une transformation majeure, qui permettra de diviser par trois les charges énergétiques », assure un ingénieur du service technique. Mais entre aujourd’hui et 2026, aucune mesure d’atténuation n’est mise en place. Christine, comme d’autres locataires, paie le prix de cette attente. « On nous promet l’avenir, mais on nous laisse crever de froid et de dettes aujourd’hui », lâche-t-elle.

Quand les impayés deviennent un piège sans issue

Face à l’accumulation des charges, Christine a cessé de les payer en 2024. Elle continue cependant à régler son loyer de 485 euros, ainsi que l’eau et l’électricité de base. En janvier 2025, elle propose à TMH un étalement de sa dette, avec des versements de 50 euros par mois. « C’était tout ce que je pouvais faire. » La réponse du bailleur est claire : insuffisant. La dette, qui atteint 1 100 euros, n’est pas considérée comme en voie de régularisation. « Nous devons appliquer les règles. D’autres locataires ont subi la même hausse, mais ont trouvé des solutions. Ici, il n’y a pas d’effort de régularisation », explique un gestionnaire de dossiers.

Pour Christine, cette réponse est incompréhensible. « Je ne vis pas dans le luxe. Je ne pars pas en vacances, je ne sors pas au restaurant. Je fais des choix chaque jour pour survivre. Et on me dit que je ne fais pas assez ? » Elle pointe aussi un autre élément crucial : la suspension, en juin 2025, de ses aides personnelles au logement (APL), d’un montant de 195 euros. « Du jour au lendemain, plus rien. J’ai appelé la CAF, mon assistante sociale dit que c’est une erreur administrative, mais rien ne revient. » TMH, de son côté, évoque un dossier non actualisé. « Les allocations dépendent de la CAF, pas de nous. Mais bien sûr, cela impacte la capacité de paiement du locataire. »

Que risque une locataire assignée par son bailleur

En avril 2025, TMH décide d’assigner Christine devant le tribunal judiciaire pour impayés de charges. L’audience est fixée au 22 janvier 2026. « Je n’ai jamais été devant un tribunal. Je ne sais pas ce que je vais dire, ni comment me défendre », avoue-t-elle, angoissée. Elle redoute l’expulsion, bien que son loyer principal soit payé. « Je sais que ce n’est pas automatique, mais l’idée qu’on puisse me jeter dehors à mon âge… ça me hante. »

Le droit en matière de bail social prévoit que les impayés de charges peuvent entraîner une procédure d’expulsion, mais seulement après plusieurs étapes : mise en demeure, offre de médiation, décision de justice. « L’expulsion reste une mesure de dernier recours », précise un avocat spécialisé en droit immobilier. Pourtant, dans les faits, les locataires en situation de précarité se retrouvent souvent désarmés face à la complexité des procédures. « Ils ne comprennent pas les courriers, ne savent pas comment répondre, et finissent par être condamnés par défaut », ajoute-t-il.

Christine, elle, tient à se battre. « Je ne veux pas d’argent, je veux qu’on reconnaisse que je n’ai pas consommé ce qu’on me facture. Et que le logement est invivable en hiver. » Elle espère que le tribunal entendra cette réalité humaine, au-delà des chiffres.

Pourquoi ce cas interpelle bien au-delà d’un seul logement

L’histoire de Christine Derruga n’est pas unique. Elle reflète une crise plus large : celle des logements anciens mal isolés, des tarifs énergétiques volatils, et de la précarité croissante des retraités. Selon une étude de la Fondation Abbé-Pierre, plus de 4 millions de ménages en France sont en situation de mal-logement, dont un tiers en HLM. « Ces logements, construits dans les années 60-70, sont aujourd’hui des bombes à retardement énergétique », affirme Élodie Risterucci, urbaniste et spécialiste de la rénovation thermique.

Le cas de Montaudran illustre aussi un paradoxe : des travaux de rénovation annoncés à long terme, alors que les habitants souffrent dès maintenant. « On ne peut pas demander aux plus fragiles de supporter des coûts exorbitants en attendant des solutions techniques. Il faut des mesures d’urgence : plafonnement des charges, aides ciblées, médiation renforcée », plaide la chercheuse. D’autres bailleurs sociaux, comme à Lyon ou Grenoble, ont mis en place des dispositifs de modulation des charges en fonction des revenus. « Ce n’est pas de la charité, c’est de la justice sociale », insiste-t-elle.

Quelle justice face à des factures qui ne reflètent pas la réalité

Le cœur du conflit tient en une question simple : doit-on payer pour une chaleur que l’on n’a pas utilisée, parce que le logement la perd ? Christine affirme ne pas chauffer, et montre ses relevés. TMH, quant à lui, se fonde sur les données de consommation collective de l’immeuble, réparties entre les logements selon un barème forfaitaire. « C’est la méthode légale », dit le bailleur. Mais pour les locataires, cela signifie qu’ils paient pour des pertes qu’ils n’ont pas causées.

Des solutions existent : le comptage individuel réel, ou des systèmes de répartition plus justes. Mais leur mise en œuvre est coûteuse et longue. « On est dans une logique de gestion de parc, pas de prise en compte des situations individuelles », regrette un syndic de copropriété. Pour Christine, c’est une injustice. « Je ne demande pas à vivre dans le confort. Juste à ne pas être ruinée par un système qui ne me voit pas. »

A retenir

Quelle est la cause de la hausse des charges de Christine Derruga ?

La hausse découle de la fin d’un contrat à tarif bloqué en juin 2023, ce qui a entraîné une réévaluation des charges de chauffage à la hausse, passant de 96 à 250 euros par mois. Le logement, ancien et mal isolé, fonctionne à l’électricité, un mode de chauffage particulièrement onéreux en période de crise énergétique.

Pourquoi Christine refuse-t-elle de déménager dans un logement plus petit ?

Elle vit seule dans un T4, mais accueille régulièrement son fils handicapé. Elle considère que ce logement lui permet de l’héberger dignement. Elle rejette les propositions de studios ou de T2, estimant qu’ils ne répondent pas à ses besoins familiaux.

Quelles sont les conséquences de la suspension de ses APL ?

La perte de 195 euros d’aides mensuelles a aggravé sa précarité. Bien qu’elle affirme que son assistante sociale a demandé leur rétablissement, la suspension persiste, faute, selon TMH, de mise à jour de dossier à la CAF. Cette situation a précipité l’accumulation de dettes.

Quel est le risque d’expulsion pour impayés de charges ?

Le risque existe, mais reste une mesure de dernier recours. La procédure exige plusieurs étapes préalables. Toutefois, la pression psychologique et financière est forte, surtout pour des locataires isolés, sans soutien juridique ni accompagnement social suffisant.

Quand aura lieu l’audience au tribunal ?

L’audience est fixée au 22 janvier 2026. Christine devra s’y présenter pour répondre des charges impayées. Elle espère que sa situation personnelle et les défauts du logement seront pris en compte par le juge.

Quand sont prévus les travaux de rénovation énergétique ?

Les travaux, qui incluent la mise en place d’un chauffage géothermique, sont programmés pour 2026. À ce stade, aucune amélioration immédiate n’est prévue pour les locataires actuels, malgré les conditions de vie difficiles en hiver.

Anita

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