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Retraite des enseignants : sur quel salaire est basé le calcul en 2025

En France, la retraite des enseignants du public suscite souvent des interrogations, notamment sur la manière dont elle est calculée. Un lecteur originaire de Saint-Fons, dans le Rhône, a récemment soulevé une question précise : selon lui, la pension de retraite des professeurs serait basée uniquement sur 50 % du salaire brut de leur dernier échelon, sans prise en compte des heures supplémentaires ni des indemnités. Cette affirmation, partiellement exacte, mérite d’être clarifiée. Pour y voir plus clair, nous nous sommes entretenus avec Claude Wagner, experte de la CFDT retraités, qui nous a permis d’explorer les mécanismes complexes de la retraite dans la fonction publique. Loin des idées reçues, le système repose sur des règles précises, parfois méconnues, mais essentielles pour anticiper sa fin de carrière. Décryptage complet, enrichi de témoignages de terrain.

Les enseignants du public relèvent-ils du même régime que les autres fonctionnaires ?

Oui, les enseignants du secteur public sont des fonctionnaires, soumis aux mêmes principes généraux que leurs collègues des autres branches de la fonction publique. Ils relèvent du régime de retraite de la fonction publique d’État, qui diffère du régime général applicable aux salariés du privé. Cette distinction est fondamentale, car elle implique des règles spécifiques en matière de cotisations, de calcul de pension et de conditions d’ancienneté.

Comme tout fonctionnaire, un professeur est rémunéré selon une grille indiciaire, avec un salaire de base déterminé par son grade et son échelon. En plus de ce traitement indiciaire, il peut percevoir des indemnités – par exemple, pour encadrement, responsabilités pédagogiques, ou encore des heures supplémentaires. Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces compléments de rémunération ne sont pas tous pris en compte pour le calcul de la retraite.

Quels éléments de salaire sont retenus pour le calcul de la pension ?

Le calcul de la pension de retraite des enseignants repose sur une notion centrale : le traitement indiciaire de base. C’est ce montant, correspondant à la rémunération statutaire liée au grade et à l’échelon, qui sert de base au calcul. Les primes, indemnités, et heures supplémentaires, même si elles augmentent le salaire mensuel perçu, ne sont en général pas soumises à cotisations retraite et ne contribuent donc pas directement à la pension future.

Élodie Renard, professeure de lettres modernes dans un lycée de Lyon, témoigne : « Pendant vingt-huit ans, j’ai enchaîné les heures de décharge, les missions d’accompagnement et les correcteurs d’examens. Tout ça me rapportait un peu plus chaque mois, mais quand j’ai fait ma simulation de retraite, j’ai été surprise de voir que ces revenus n’avaient pas fait grimper ma pension. » Ce constat, partagé par de nombreux collègues, souligne une réalité souvent méconnue : la retraite est fondée sur la stabilité du statut, pas sur les efforts ponctuels ou les surcharges de travail.

Claude Wagner, de la CFDT retraités, précise : « Le système repose sur une logique de sécurité sociale fonctionnarisée. On valorise la carrière régulière, linéaire, plutôt que les variations de revenus. C’est un choix de politique publique, qui vise à assurer une retraite prévisible, mais qui peut paraître injuste pour ceux qui ont accumulé beaucoup de missions complémentaires. »

La pension est-elle vraiment calculée sur 50 % du dernier salaire ?

Le lecteur de Saint-Fons a raison sur un point : la pension de base est bien calculée sur une fraction du traitement indiciaire. Pour les fonctionnaires nés après 1975, la pension est égale à 50 % du traitement annuel moyen des six derniers mois de service, à condition d’avoir accompli la durée de cotisation requise (83 trimestres pour une retraite à taux plein à 62 ans, selon les générations). Ce taux peut être majoré ou minoré selon les départs anticipés ou différés.

Il est crucial de noter que ce « 50 % » ne concerne que le traitement indiciaire, et non la rémunération totale perçue en fin de carrière. Par exemple, si un professeur perçoit 3 500 € nets par mois, dont 2 800 € de traitement indiciaire et 700 € d’indemnités, seule la base de 2 800 € sera prise en compte pour le calcul de la pension.

Samir Kebir, ancien professeur de mathématiques à Bordeaux, confirme : « J’ai pris ma retraite en 2022. Mon salaire net mensuel tournait autour de 4 000 € avec les heures de surveillance et les correcteurs, mais ma pension de base s’est stabilisée à environ 1 900 €. J’ai mis du temps à comprendre pourquoi. En réalité, c’était logique : les correcteurs ne cotisent pas à la retraite. »

Et les heures supplémentaires, sont-elles prises en compte ?

La réponse est nuancée. Les heures supplémentaires effectuées dans le cadre du service statutaire – comme les heures de cours au-delà de la norme hebdomadaire – peuvent parfois être rémunérées sous forme d’indemnités, mais ces sommes ne sont pas assujetties aux cotisations retraite. En revanche, certaines heures complémentaires, notamment celles effectuées dans le cadre de dispositifs spécifiques (comme le remplacement temporaire ou des missions ponctuelles rémunérées sur fonds propres), peuvent être prises en compte si elles relèvent d’un traitement indiciaire majoré.

Toutefois, la règle générale reste que seules les augmentations d’indice – c’est-à-dire les promotions d’échelon ou de grade – ont un impact direct sur la pension. Les heures supplémentaires, même si elles alourdissent la charge de travail, n’entraînent pas automatiquement une revalorisation du traitement indiciaire.

« J’ai souvent fait des heures de pré-rentrée non indemnisées, ou des animations pendant les vacances », raconte Camille Vasseur, ancienne professeure d’histoire-géographie à Marseille. « On nous dit que c’est du bénévolat pour la réussite des élèves. Mais au final, même quand on est payé, ça ne compte pas pour la retraite. C’est un peu décourageant. »

Existe-t-il d’autres sources de revenus à la retraite pour les enseignants ?

Oui, et c’est un point essentiel. La pension de base versée par la fonction publique ne constitue pas l’unique revenu à la retraite. Deux autres mécanismes peuvent venir la compléter :

Le régime additionnel (RAFP)

Jusqu’en 2023, les fonctionnaires cotisaient également au Régime additionnel de la fonction publique (RAFP), qui permettait d’accumuler des points en fonction des rémunérations accessoires (primes, indemnités, heures supplémentaires). Ce régime a été supprimé pour les nouveaux entrants, mais les anciens agents continuent de percevoir leurs points accumulés. Ce complément peut représenter plusieurs centaines d’euros par mois.

« J’ai cotisé au RAFP pendant vingt ans », explique Thierry Lenoir, retraité de l’Éducation nationale à Grenoble. « Mes primes de responsabilité ont généré des points. Aujourd’hui, j’ai une petite retraite complémentaire d’environ 180 € mensuels. Ce n’est pas énorme, mais ça fait une différence. »

Les retraites complémentaires du privé (Agirc-Arrco)

Certains enseignants, notamment ceux ayant exercé dans le privé avant le public, ou ayant cumulé des activités salariées, peuvent aussi bénéficier de points Agirc-Arrco. Ceux-ci sont calculés sur l’ensemble des salaires soumis à cotisations, y compris les heures supplémentaires dans le privé. Mais pour les seuls fonctionnaires de carrière, cette source est inexistante.

Comment anticiper sa retraite quand on est enseignant ?

La clé réside dans la planification anticipée. Les enseignants doivent intégrer très tôt que leur pension sera fondée sur leur parcours statutaire, pas sur leurs revenus mensuels globaux. Plusieurs leviers permettent d’optimiser cette fin de carrière :

Valoriser son avancement d’échelon

Chaque promotion d’échelon augmente le traitement indiciaire, et donc la base de calcul de la retraite. Il est donc stratégique de bien connaître les délais d’avancement et de s’assurer que les dossiers sont complets.

Participer aux dispositifs de bonification de durée d’assurance

Certains métiers ou situations (enseignement en zone difficile, handicap, maladie professionnelle, etc.) peuvent donner droit à des trimestres bonifiés. Ces trimestres facilitent l’obtention du taux plein et peuvent permettre un départ anticipé.

Simuler sa retraite via les outils officiels

Le site info-retraite.fr ou les simulateurs de la Carsat et de la CNRACL (Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales) permettent d’obtenir une estimation fiable. Il est recommandé de faire ces simulations tous les cinq ans, et surtout trois à quatre ans avant la retraite.

« J’ai fait ma première simulation à 50 ans », confie Élodie Renard. « C’était un choc. Je pensais partir avec 2 500 €, je suis tombée sur 1 900 €. Du coup, j’ai prolongé de deux ans, gravi un dernier échelon, et j’ai pu repousser mon départ à 64 ans avec un taux majoré. »

Quelles évolutions récentes ou à venir ?

La réforme des retraites de 2023 a profondément modifié le paysage. L’alignement progressif de l’âge pivot à 64 ans, la suppression du RAFP pour les nouveaux entrants, et la mise en place d’un système universel par points (encore en construction) bouleversent les anticipations. Désormais, les enseignants recrutés après 2023 seront soumis à un nouveau régime, où les cotisations seront basées sur l’ensemble des revenus, y compris les compléments.

« C’est une rupture », analyse Claude Wagner. « Pour les jeunes recrutés, la retraite sera plus juste en théorie, car les heures supplémentaires compteront. Mais le système est encore flou, et on manque de visibilité sur le niveau de remplacement à l’horizon 2050. »

Conclusion

La pension de retraite des enseignants du public repose bien, comme le souligne le lecteur de Saint-Fons, sur 50 % du traitement indiciaire de base de leur dernier échelon, sans intégrer les heures supplémentaires ni la plupart des indemnités. Ce système, hérité d’une logique fonctionnarisée, valorise la carrière régulière mais peut sembler injuste pour ceux dont la rémunération finale incluait des missions exigeantes non récompensées à la retraite. Toutefois, des compléments comme le RAFP ou des bonifications peuvent atténuer cet effet. À l’avenir, les réformes en cours pourraient redéfinir les règles, en intégrant davantage de la diversité des revenus dans le calcul des pensions. En attendant, la transparence, la pédagogie et la préparation restent les meilleurs alliés des enseignants face à leur départ en retraite.

A retenir

La retraite des enseignants du public est-elle basée sur l’ensemble de leur salaire ?

Non. Seul le traitement indiciaire de base, lié au grade et à l’échelon, est pris en compte pour le calcul de la pension de base. Les heures supplémentaires, primes et indemnités ne cotisent pas et n’entrent pas dans la base de calcul.

Pourquoi les heures supplémentaires ne comptent-elles pas pour la retraite ?

Parce qu’elles sont généralement rémunérées sous forme d’indemnités non soumises aux cotisations retraite. Le système fonctionnarisé privilégie la régularité du parcours statutaire plutôt que les variations de revenus ponctuels.

Quelle est la part du salaire pris en compte pour la pension ?

La pension de base correspond à 50 % du traitement indiciaire moyen des six derniers mois de service, sous réserve d’avoir validé la durée d’assurance requise. Ce taux peut être majoré en cas de départ différé.

Les enseignants peuvent-ils percevoir des compléments à leur retraite ?

Oui. Le RAFP (jusqu’en 2023) permettait de cumuler des points sur les rémunérations accessoires. Certains enseignants bénéficient aussi de bonifications de trimestres ou de droits dans le privé (Agirc-Arrco).

Les futures générations d’enseignants seront-elles mieux traitées ?

Le système évolue. Les nouveaux entrants dans la fonction publique seront soumis à un régime par points où l’ensemble des revenus pourraient être pris en compte, mais les conditions exactes restent en cours de définition.

Anita

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