Salarié Bloqué A L Etranger En 2025 Licencié Malgré Confinement
En mars 2020, le monde bascule. Le confinement généralisé plonge les entreprises et les salariés dans une situation inédite. Alors que des millions de personnes s’adaptent à distance, d’autres, comme ce manutentionnaire bloqué au Sénégal, se retrouvent pris au piège entre obligations professionnelles et impossibilités concrètes. Son cas, examiné par la Cour d’appel de Paris, est devenu emblématique d’un dilemme moderne : quand la crise rend le retour impossible, faut-il pour autant tolérer le silence ? L’affaire met en lumière les limites de la force majeure et les exigences persistantes du contrat de travail, même en temps de pandémie. À travers ce récit, on découvre les enjeux juridiques, humains et organisationnels d’un monde professionnel confronté à l’imprévisible.
En mars 2020, Sébastien Lefort, 38 ans, manutentionnaire dans une petite entreprise spécialisée dans le traitement des déchets métalliques, profite de vacances bien méritées dans un village côtier du Sénégal. Le 17 mars, l’annonce du confinement en France change tout. Les frontières ferment, les vols sont annulés. Sébastien, comme des milliers d’autres, se retrouve coincé. Il contacte immédiatement son employeur, explique la situation, et demande à bénéficier du chômage partiel. L’entreprise accepte, conformément aux mesures gouvernementales. Pendant plusieurs semaines, tout semble sous contrôle.
Puis, à partir d’avril, le climat change. L’entreprise, une TPE de moins de 20 salariés, doit reprendre une partie de son activité. Le patron, Olivier Rameau, tente de joindre Sébastien à plusieurs reprises. Aucune réponse. Les messages restent sans écho. Le 11 mai, jour du déconfinement, l’entreprise relance officiellement son activité. Sébastien n’est toujours pas là, ni joignable. Son absence est alors classée comme « injustifiée ». Trois mois plus tard, en juillet, il réapparaît en France. Le premier vol international depuis Dakar vient de décoller. Mais il est trop tard : l’employeur l’a convoqué, puis licencié pour faute grave.
Le récit de Sébastien, entendu lors de l’audience aux prud’hommes de Bobigny, est poignant. Téléphone cassé, réseau électrique coupé par de fortes pluies, absence d’accès internet fiable dans le village. Il affirme avoir laissé un message en juin via un voisin possédant un téléphone satellite, mais aucune trace écrite n’est fournie. Pour lui, la situation relevait de la force majeure. Pour la justice, la réponse est plus nuancée.
La notion de force majeure est bien établie en droit du travail : elle désigne un événement imprévisible, irrésistible et extérieur à la volonté des parties. La pandémie, les fermetures de frontières, l’annulation des vols — tout cela entre clairement dans ce cadre. Mais, comme le souligne Corinne Baron-Charbonnier, avocate spécialisée en droit social, « la force majeure ne dispense pas de l’obligation de diligence ». En d’autres termes, même empêché, le salarié doit faire preuve d’efforts pour maintenir le lien avec son employeur.
Dans l’affaire Lefort, les juges reconnaissent que le salarié ne pouvait pas physiquement rentrer en France avant juillet. Ce point n’est pas contesté. L’impossibilité de voyager est bien un cas de force majeure. En revanche, l’impossibilité de communiquer est jugée non prouvée. Le tribunal rappelle que d’autres canaux existaient : courrier postal, contact via un proche, messagerie via un cybercafé ou un centre administratif local. Le silence prolongé, sans preuve de tentatives de contact, fragilise la position du salarié.
Comme le note Élodie Tissier, juriste en ressources humaines, « un salarié en difficulté doit agir comme un partenaire, pas comme un fantôme ». Elle raconte l’exemple de Farid, un technicien d’une entreprise de maintenance, bloqué au Maroc à la même période. Lui a envoyé chaque semaine un email depuis un cybercafé, a fourni des copies de ses démarches auprès de l’ambassade, et a même demandé à sa sœur en France de relayer ses messages. Résultat : son absence a été validée, et son poste préservé.
L’entreprise de Sébastien, dirigée par Olivier Rameau, traverse une période critique. La reprise de l’activité est indispensable pour honorer des contrats urgents. Les effectifs sont réduits, chaque poste compte. Le manutentionnaire absent représente un manque à gagner, mais aussi un problème d’organisation. Plus grave encore : le silence total crée un climat d’incertitude. « On ne savait pas s’il reviendrait un jour, s’il était malade, ou s’il avait simplement décidé de ne plus revenir », confie Rameau lors d’un entretien.
Face à cette absence prolongée et non expliquée, l’employeur a documenté chaque appel, chaque relance. Il a formalisé par écrit les tentatives de contact, et a informé les autres salariés de la situation. Lorsque Sébastien réapparaît en juillet, l’entreprise n’est plus en attente, mais en phase de reconstruction. Le licenciement est prononcé, non pas parce que le salarié est en faute morale, mais parce que son absence a eu un impact opérationnel réel.
La Cour d’appel de Paris, tout en confirmant le licenciement, écarte la qualification de « faute grave ». Pour les juges, l’absence est injustifiée, mais pas fautive au sens strict. Il n’y a pas de mauvaise foi avérée. Cependant, la cause du licenciement est jugée réelle et sérieuse. Le salarié a failli à son obligation d’information, et cette défaillance a compromis la continuité du travail. Comme l’explique le magistrat dans l’arrêt, « la bonne foi contractuelle exige un minimum de vigilance, même en période de crise ».
L’affaire Lefort établit un précédent clair : être empêché ne suffit pas. Il faut prouver qu’on fait tout pour informer. L’obligation de loyauté, inscrite dans le Code du travail, pèse autant sur le salarié que sur l’employeur. Ce n’est pas une question de technicité, mais de relation de confiance.
Prendre contact régulièrement, même brièvement, est essentiel. Utiliser plusieurs canaux — email, SMS, appel via un tiers, courrier — augmente les chances d’être entendu. Enregistrer chaque échange, garder des copies d’écran, des accusés de réception, ou des témoignages de tiers peut faire la différence devant un tribunal. Comme le souligne Camille Dubreuil, consultante en gestion des crises RH, « la preuve, c’est le pilier du droit du travail. Sans elle, même la meilleure intention devient suspecte ».
Elle cite l’exemple de Lina, une assistante administrative bloquée en Argentine. Elle a envoyé chaque quinzaine un courrier recommandé à son employeur, accompagné de justificatifs de séjour et de preuves de ses tentatives de réservation de vol. Elle a également mis à jour son statut sur l’outil de gestion interne de l’entreprise. Résultat : son contrat a été suspendu, mais son poste maintenu. À son retour, elle a été accueillie avec empathie, non suspicion.
De l’autre côté, les employeurs ne sont pas exonérés de responsabilité. Ils doivent agir avec diligence, transparence et proportionnalité. Olivier Rameau a pu se défendre parce qu’il avait tout documenté. Mais ce n’est pas le cas de toutes les entreprises.
Camille Dubreuil insiste : « Un employeur qui licencie sans preuve de relance, sans entretien préalable, sans écouter la version du salarié, risque un rejet en appel ». Elle raconte le cas d’une PME lyonnaise qui a licencié un salarié bloqué en Asie sans aucune relance écrite. Le conseil de prud’hommes a condamné l’entreprise pour licenciement abusif, avec dommages et intérêts. « La crise ne justifie pas la précipitation », martèle-t-elle.
Les bonnes pratiques incluent : formaliser chaque relance par écrit, conserver les traces d’appels, organiser un entretien préalable même à distance, et évaluer la réalité de l’empêchement. Une entreprise bien organisée peut aussi prévoir des procédures de crise : fiches de contact d’urgence, protocoles de communication en situation d’isolement, ou partenariats avec des services consulaires.
La leçon de cette affaire dépasse le cas individuel. Elle appelle à une refonte des pratiques managériales en période d’incertitude. Les entreprises doivent anticiper les absences exceptionnelles, non comme des fautes, mais comme des risques opérationnels. Les salariés, eux, doivent intégrer que leur responsabilité ne s’arrête pas à la frontière.
Élodie Tissier propose un protocole simple : dès qu’un salarié est en déplacement à l’étranger, une fiche de vigilance est établie. Elle inclut un numéro d’urgence, un contact local, un canal de communication secondaire, et un plan de retour en cas de crise. « Ce n’est pas du contrôle, c’est de la prévention », explique-t-elle.
Dans une entreprise de logistique basée à Lille, le DRH a mis en place un système de check-in mensuel pour les salariés expatriés ou en déplacement prolongé. Pendant le confinement, ce système a permis de suivre 17 employés bloqués à l’étranger. Aucun conflit n’a émergé. « La confiance, ce n’est pas l’absence de contrôle, c’est la transparence mutuelle », résume-t-il.
L’affaire Sébastien Lefort n’est pas celle d’un mauvais employé ni d’un patron inhumain. C’est celle d’un système confronté à l’imprévu, et qui manquait de protocoles adaptés. La justice a tranché : l’absence prolongée sans nouvelles, même en contexte de force majeure, peut justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse. Mais la faute grave, elle, a été rejetée, reconnaissant la complexité de la situation.
Le message est clair : ni l’employeur ni le salarié ne sont exonérés de leurs obligations contractuelles, même en pleine crise. La communication, la preuve, la bonne foi — ces piliers restent intangibles. Dans un monde de plus en plus mobile et instable, la vigilance ne doit pas céder à l’émotion, mais s’ancrer dans des procédures solides.
Oui, même en cas de force majeure, si l’absence est prolongée et qu’aucune communication n’est établie avec l’employeur. La Cour d’appel de Paris a confirmé qu’un licenciement pour cause réelle et sérieuse était justifié, même si la faute grave n’était pas retenue.
Non. La force majeure peut justifier l’impossibilité de revenir, mais pas l’absence de communication. Le salarié doit prouver qu’il a tenté de maintenir le lien, par tous les moyens disponibles.
Il doit garder des traces de ses relances (emails, SMS, courriers), des justificatifs d’impossibilité (annulation de vol, fermeture des frontières), et des preuves de ses démarches (références d’appels, témoignages de tiers).
L’employeur doit documenter ses relances, organiser un entretien préalable, et évaluer la réalité de l’empêchement. Il ne peut pas licencier sans preuve d’absence injustifiée.
Oui, en mettant en place des protocoles de communication en cas de crise, en formant les salariés aux obligations contractuelles, et en favorisant une culture de transparence plutôt que de suspicion.
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