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En Bretagne, la santé des salariés booste celle des entreprises

En Bretagne, où les petites et moyennes entreprises constituent le pilier économique du territoire, la santé des salariés n’est plus seulement une question de responsabilité sociale, mais un enjeu stratégique. Face à des contraintes croissantes sur les systèmes de santé et une pression accrue sur les organisations, les dirigeants redessinent peu à peu leur approche du bien-être au travail. Soutenus par des acteurs comme Harmonie Mutuelle, ils s’engagent dans une transformation profonde, où la prévention devient une priorité collective. Cet article explore cette évolution à travers des témoignages concrets, des initiatives innovantes et les résultats d’une enquête révélatrice menée auprès des décideurs du Grand Ouest.

Pourquoi la santé au travail est-elle devenue une priorité pour les entreprises bretonnes ?

Dans une région marquée par un tissu économique dense de TPE et PME, chaque absence pour maladie peut avoir un impact disproportionné sur la productivité et la cohésion d’équipe. C’est ce qu’observe Yannick Maréchal, directeur régional Bretagne d’Harmonie Mutuelle : Des salariés en bonne santé, c’est moins d’arrêts maladie et plus d’engagement . Cette conviction s’ancre dans une réalité terrain : dans des entreprises où les liens humains sont étroits, les conséquences d’un collaborateur absent, surtout en cas de maladie chronique ou d’arrêt prolongé, se font rapidement sentir.

L’enquête menée en mai 2025 par Harmonie Mutuelle et Ouest-France auprès de plus de 300 dirigeants et responsables RH du Grand Ouest confirme cette prise de conscience. Pas moins de 95 % d’entre eux considèrent le bien-être des salariés comme un enjeu important . Ce chiffre, loin d’être anecdotique, reflète une mutation profonde des mentalités. Les entreprises ne se contentent plus de réagir aux crises, elles anticipent. Le travail, longtemps perçu comme un facteur neutre pour la santé, est désormais reconnu comme un levier à double tranchant : il peut nuire, mais aussi protéger.

Quels sont les facteurs de santé influencés par le travail ?

Les réponses à l’enquête sont sans appel : huit dirigeants sur dix reconnaissent que le travail influence la santé de leurs collaborateurs, tant sur le plan physique que mental. Le stress arrive en tête des préoccupations, suivi de la charge de travail, de l’ambiance au sein des équipes et du manque de reconnaissance. Autant de facteurs invisibles, mais qui pèsent lourd dans l’équilibre quotidien des salariés.

C’est le cas de Julien Le Goff, responsable d’atelier dans une menuiserie familiale à Lannion. Depuis trois ans, il constate une fatigue accrue chez ses équipes. On a des jeunes qui enchaînent les heures, parfois en cumulant deux emplois. Quand ils arrivent le matin, ils sont déjà épuisés. Et quand on parle de stress, ce n’est pas seulement lié au boulot. La vie privée, les loyers, les enfants… tout ça rentre en jeu.

Ce croisement entre vie professionnelle et vie personnelle est d’ailleurs souligné par la majorité des dirigeants interrogés. Pour eux, la santé ne se cantonne pas aux accidents du travail ou aux maladies professionnelles classiques. Elle inclut aussi le sommeil, l’alimentation, ou encore l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Une vision holistique qui ouvre la voie à des actions plus globales.

Comment prévenir plutôt que guérir ?

La prévention coûte toujours moins cher que le curatif , rappelle Yannick Maréchal. Cette maxime, simple en apparence, guide désormais de nombreuses entreprises bretonnes. Plutôt que d’attendre qu’un collaborateur tombe malade, elles investissent dans des actions concrètes : aménagement des postes de travail, formation aux bons gestes, accompagnement psychologique, ou encore promotion de l’activité physique.

À Quimper, l’entreprise ÉcoBois, spécialisée dans la fabrication de charpentes en bois massif, a mis en place un programme d’échauffements matinaux obligatoires. On a vu une baisse de 40 % des douleurs dorsales en six mois , se félicite la directrice des ressources humaines, Élodie Kervella. Ce n’est pas grand-chose, dix minutes par jour, mais ça change tout. Les équipes sont plus alertes, plus soudées.

Qu’est-ce que le mouvement Éco-Santé et comment agit-il ?

Lancé fin 2024, le mouvement Éco-Santé par Harmonie Mutuelle incarne cette nouvelle approche. Il ne s’agit pas seulement de proposer des outils de prévention, mais de créer une dynamique collective, où les entreprises deviennent actrices de leur propre transformation. Le principe ? Impliquer les dirigeants, les managers et les salariés dans la conception et la mise en œuvre d’actions innovantes.

Le mouvement repose sur plusieurs piliers : des formations gratuites sur la prévention des risques psychosociaux, des interventions d’experts en ergonomie, des partenariats avec des clubs sportifs locaux, ou encore des campagnes de sensibilisation sur la nutrition ou le sommeil. L’objectif est clair : transformer une conviction en stratégie durable.

On ne veut pas imposer des solutions toutes faites , explique Yannick Maréchal. On accompagne chaque entreprise à son rythme, selon ses besoins. Une boulangerie artisanale n’a pas les mêmes enjeux qu’un cabinet d’architectes.

Quels sont les témoignages d’entreprises engagées ?

À Rennes, Bouchers Services, une entreprise de découpe de viande employant 2 000 personnes, illustre parfaitement cette transformation. Depuis 2010, sa PDG, Anne-Sophie Robin, a fait de la santé-sécurité une priorité stratégique. Les contraintes du métier sont fortes : travail debout, gestes répétitifs, températures négatives, horaires décalés.

Très tôt, j’ai voulu comprendre comment réduire les accidents et maladies professionnelles , témoigne-t-elle. Un système de management de la sécurité a été mis en place : journée d’accueil dédiée à la sécurité, échauffements collectifs, formations régulières. Mais l’innovation la plus marquante est l’outil d’observation des postures, testé récemment. Grâce à une caméra, les opérateurs reçoivent un retour vidéo personnalisé sur leurs gestes. Ce retour visuel est beaucoup plus parlant qu’un simple discours , apprécie Anne-Sophie Robin.

Les résultats sont parlants : en 2024, l’entreprise a réduit de 33 % ses accidents du travail et de 49 % ses maladies professionnelles par rapport à l’année précédente. Un succès qui renforce la conviction de la dirigeante : Nous parlons de personnes, pas de robots. Si les collaborateurs se sentent bien, cela contribue forcément à la bonne performance de l’entreprise.

Comment les entreprises bretonnes peuvent-elles s’engager à leur échelle ?

La force du mouvement Éco-Santé réside dans son accessibilité. Il ne s’adresse pas uniquement aux grandes structures, mais aussi aux micro-entreprises. Chaque action, même modeste, peut avoir un effet significatif.

C’est le cas de la librairie Le Temps des Livres , à Vannes. Son gérant, Loïc Tanguy, a instauré un jeudi sans écran pour ses trois employés. On éteint les ordinateurs à 17 heures, on fait une pause collective, et on discute autour d’un thé. Pas de mails, pas de téléphone. Une initiative simple, mais qui a changé la donne. On est moins stressés, on dort mieux. Et les clients le sentent : l’ambiance est plus chaleureuse.

Harmonie Mutuelle accompagne aussi des projets plus structurants. À Brest, un cabinet d’architectes a bénéficié d’un audit ergonomique complet, mené par un expert. Résultat : réaménagement des bureaux, introduction de bureaux réglables en hauteur, et mise en place d’un programme de marche collective à midi. On a vu une baisse des arrêts maladie et une augmentation de la productivité , constate la fondatrice, Clémence Dubois.

Quelles sont les perspectives d’avenir ?

La prise de conscience est salutaire, mais elle doit se traduire par des actions durables. Le défi, désormais, est d’amplifier cette dynamique à l’échelle régionale. Les entreprises bretonnes, souvent proches de leurs territoires, ont un rôle clé à jouer. Elles peuvent devenir des relais de santé publique, en s’associant aux collectivités, aux associations ou aux centres de santé locaux.

Des initiatives émergent déjà. À Saint-Brieuc, un groupement d’employeurs a lancé un campus santé , où plusieurs entreprises partagent des espaces de fitness, des ateliers nutrition, et des séances de méditation. À Lorient, une coopérative agricole propose des consultations de prévention gratuites à ses saisonniers, souvent précaires.

Quel est le rôle des dirigeants dans cette transformation ?

Le leadership est essentiel. Comme le souligne Yannick Maréchal : Chaque entreprise peut agir à son échelle. Ce n’est pas une question de taille ou de budget, mais de volonté. Les dirigeants qui s’engagent personnellement, qui parlent ouvertement de santé, qui donnent l’exemple, créent un climat de confiance.

Il faut arrêter de penser que parler de santé, c’est faible , lance Anne-Sophie Robin. C’est exactement l’inverse. C’est une preuve de force. Une entreprise qui prend soin de ses salariés est une entreprise résiliente.

Quels bénéfices concrets pour les entreprises ?

Les retours sont mesurables. Moins d’absentéisme, bien sûr, mais aussi une meilleure attractivité, une fidélisation accrue des talents, et une amélioration de la performance collective. Une étude interne d’Harmonie Mutuelle montre que les entreprises engagées dans des démarches de prévention voient leur taux de rotation du personnel baisser de 25 % en moyenne sur trois ans.

On a recruté deux jeunes l’an dernier , raconte Élodie Kervella d’ÉcoBois. Ils ont choisi notre entreprise parce qu’on parlait de bien-être au travail. Pour eux, ce n’était pas un détail. C’était un critère décisif.

Quelles sont les prochaines étapes pour le bien-être au travail en Bretagne ?

Le mouvement Éco-Santé continue de s’étendre. En 2025, Harmonie Mutuelle prévoit de doubler le nombre d’entreprises accompagnées, avec un accent particulier sur les zones rurales et les secteurs souvent oubliés, comme l’agriculture ou l’artisanat.

Des outils numériques sont également en développement : une application pour suivre son bien-être au travail, des webinaires mensuels, ou encore un réseau de pairs pour partager les bonnes pratiques. L’idée, c’est de créer une communauté , explique Yannick Maréchal. Parce que personne ne doit se sentir seul face à ces enjeux.

Conclusion

En Bretagne, la santé au travail n’est plus un sujet périphérique. Elle est au cœur des préoccupations des dirigeants, des salariés, et des partenaires sociaux. Grâce à des initiatives comme Éco-Santé , les entreprises transforment leur culture, passant d’une logique réactive à une approche préventive. Ce changement, porté par des témoignages humains et des résultats concrets, dessine un nouveau modèle d’entreprise : plus humain, plus durable, et finalement plus performant. La santé, en somme, n’est plus une charge, mais un levier de croissance.

A retenir

Quel est l’objectif du mouvement Éco-Santé ?

Le mouvement Éco-Santé vise à placer la santé et le bien-être au cœur de la vie des entreprises, en accompagnant les dirigeants dans la mise en œuvre d’actions concrètes de prévention. Il s’adresse particulièrement aux TPE et PME du Grand Ouest, avec un focus sur la Bretagne.

Quels sont les principaux facteurs de santé au travail identifiés ?

Les principaux facteurs cités sont le stress, la charge de travail, l’ambiance au travail, le manque de reconnaissance, ainsi que l’impact croisé de la vie privée sur la santé professionnelle. Ces éléments influencent à la fois la santé physique et mentale des salariés.

Quels bénéfices les entreprises observent-elles en investissant dans la santé ?

Les entreprises constatent une réduction significative des accidents du travail et des maladies professionnelles, une baisse de l’absentéisme, une meilleure fidélisation des salariés, et une amélioration de la performance collective. Certaines notent aussi une attractivité accrue auprès des jeunes talents.

Comment les petites entreprises peuvent-elles s’engager ?

Les petites structures peuvent agir à leur échelle : instaurer des pauses collectives, aménager les postes de travail, proposer des ateliers de sensibilisation, ou encore s’associer à des partenariats locaux. L’essentiel est de commencer, même modestement, et de s’inscrire dans la durée.

Anita

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