Sauvez Les Herissons Automne 2025 Geste Simple Jardin
À l’heure où les jardins s’habillent de marron et que les arbres laissent tomber leur manteau doré, un petit mammifère discret s’apprête à jouer un rôle crucial dans l’équilibre de nos espaces verts. Le hérisson, souvent perçu comme une créature de contes ou un simple passant nocturne, est en réalité un allié précieux, un régulateur naturel des nuisibles, et un indicateur de la santé de notre environnement. Pourtant, chaque automne, des gestes bien intentionnés mais mal informés mettent sa survie en danger. Entre habitudes de jardinage et préservation de la biodiversité, il est temps de repenser notre rapport à ces habitants silencieux du monde végétal.
Le hérisson n’est pas un simple visiteur charmant. C’est un prédateur naturel, un nettoyeur zélé du sous-bois. Chaque nuit, il peut parcourir jusqu’à deux kilomètres à la recherche de nourriture, avalant sans relâche limaces, escargots, vers, chenilles et autres insectes nuisibles. Un seul hérisson adulte peut consommer jusqu’à 200 grammes d’invertébrés par soir – de quoi sauver des plants entiers de salades ou de jeunes pousses fragiles. Pour Camille Lefebvre, maraîchère bio dans la Creuse, ce petit mammifère est un partenaire de travail : « Depuis que j’ai cessé de brûler mes feuilles mortes, j’ai remarqué une nette diminution des dégâts causés par les limaces. Et puis, un matin, j’ai vu un hérisson sortir d’un tas de feuilles au fond du verger. C’était comme un signe : la nature nous rend ce qu’on lui donne. »
Le paradoxe est cruel : l’automne, saison de préparation à l’hiver, devient une période de grande vulnérabilité pour les hérissons. Alors qu’ils cherchent un abri chaud et isolé pour hiberner, ils trouvent refuge dans les tas de feuilles mortes, les buissons denses ou les piles de bois. Or, ces lieux idéaux sont souvent ceux que les jardiniers s’apprêtent à nettoyer. La brûlure de feuilles, encore trop courante dans certaines régions, peut être fatale. « On ne pense pas qu’un animal puisse dormir là-dedans », explique Thomas Renard, naturaliste bénévole dans une association de protection de la faune sauvage. « Mais un hérisson en hibernation est profondément endormi, insensible au froid ambiant. S’il est pris dans un feu, il n’a aucune chance de s’en sortir. »
Les accidents ne se limitent pas aux flammes. Les tondeuses, débroussailleuses ou râteaux peuvent aussi causer des blessures mortelles. En 2022, une étude de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) a révélé que près de 15 % des hérissons retrouvés blessés en automne l’avaient été à cause d’équipements de jardinage. Même les filets de protection des jeunes arbres, censés les préserver des rongeurs, deviennent des pièges mortels quand un hérisson s’y empêtre.
Le changement commence par une prise de conscience simple : ne pas tout nettoyer. Laisser un coin de jardin en friche, un tas de feuilles non déplacé, c’est offrir un abri vital à plusieurs espèces, dont le hérisson. « J’ai réservé une zone de 2 mètres carrés au fond de mon jardin, sous un vieux noisetier », raconte Élodie Moreau, habitante d’un village du Gers. « J’y ajoute feuilles, branches mortes et un peu de paille. Chaque hiver, j’aperçois des traces, parfois un museau qui sort. C’est devenu un petit sanctuaire. »
Ce geste, à la fois modeste et puissant, participe à la restauration de la biodiversité locale. Un tas de feuilles n’est pas de la négligence, mais un écosystème en miniature : champignons, coléoptères décomposeurs, araignées et micro-organismes y trouvent refuge. Et lorsque le printemps revient, ce compost naturel enrichit le sol sans effort. En protégeant un hérisson, on protège un maillon entier de la chaîne du vivant.
Il n’est pas nécessaire de renoncer à l’entretien du jardin pour protéger les hérissons. Il s’agit plutôt d’adopter une approche plus intelligente et respectueuse. Par exemple, au lieu de brûler les feuilles, on peut les composter. Si on souhaite les déplacer, il suffit de le faire doucement, en vérifiant au préalable qu’aucun animal ne s’y cache. Une pelle à main, un râteau souple, et surtout, une observation attentive : autant de gestes simples qui évitent le pire.
Les outils motorisés méritent une attention particulière. Avant de démarrer la tondeuse, il est essentiel de faire le tour des zones d’ombre, des haies basses ou des buissons denses. « J’ai perdu un hérisson il y a trois ans, je ne m’en suis jamais remise », confie Aïcha Benali, habitante de Bordeaux. « Depuis, j’inspecte tout. Même si ça prend deux minutes de plus, je sais que c’est une vie que je pourrais sauver. »
Il est possible d’aller plus loin en créant un abri dédié. Ce n’est pas une cabane de luxe, mais un espace sécurisé, isolé et accessible. Une caisse en bois, retournée et recouverte de feuilles et de terre, avec une entrée étroite (environ 10 cm de diamètre), suffit. L’important est qu’elle soit protégée des intempéries et des prédateurs comme les chats errants.
Le bricolage peut aussi devenir un acte militant. Julien Tardieu, menuisier à Lyon, a fabriqué une dizaine de « hérissonnières » pour ses voisins : « C’est un petit geste, mais quand je vois les enfants s’enthousiasmer parce qu’un hérisson a élu domicile près de chez eux, je me dis qu’on peut tous faire une différence. »
Les hérissons ne vivent pas en vase clos. Ils ont besoin de territoires vastes pour trouver nourriture, partenaires et abris. Or, les jardins clos par des murs ou des grillages continus deviennent des prisons. Un trou de 13 cm sur 13 cm au bas d’une clôture, souvent appelé « portillon hérisson », permet à ces animaux de circuler librement.
À Rennes, un collectif de jardiniers a lancé une campagne de sensibilisation appelée « Un trou pour un hérisson ». En quelques mois, plus de 300 passages ont été aménagés dans un quartier résidentiel. « On pensait que c’était une idée farfelue, mais les résultats sont là », affirme Léa Guibert, coordinatrice du projet. « On a observé une augmentation des visites de hérissons, mais aussi de chouettes, de musaraignes, de papillons. C’est une petite ouverture qui change tout. »
Les hérissons sont des insectivores. Or, les produits chimiques utilisés en jardinage ne tuent pas seulement les « mauvais » insectes : ils contaminent toute la chaîne alimentaire. Un hérisson qui mange des escargots empoisonnés accumule les toxines dans son organisme. À long terme, cela affecte sa reproduction, son immunité, voire le tue.
« On a retrouvé des hérissons avec des taux de pesticides alarmants dans le sang », alerte Thomas Renard. « Ce qu’on croit protéger en utilisant ces produits, on le détruit en réalité. » Opter pour des alternatives naturelles – comme les plantes répulsives, les pièges à bière pour les limaces, ou tout simplement… laisser les hérissons faire leur travail – est bien plus efficace et durable.
Accueillir un hérisson, c’est plus qu’un acte écologique. C’est une invitation à ralentir, à observer, à reconnecter avec les rythmes du vivant. Dans un monde où tout va vite, où l’entretien du jardin est souvent vu comme une corvée, laisser un coin de nature libre devient un acte de résistance douce.
« Je ne vois pas ça comme du désordre », confie Élodie Moreau. « C’est une forme de respect. Quand je vois un hérisson, même de loin, j’ai l’impression que mon jardin est vivant, qu’il participe à quelque chose de plus grand. »
Observer sans intervenir. Si l’animal est actif la nuit, il est probablement en bonne santé. En journée, s’il semble faible, désorienté ou blessé, il est préférable de contacter un centre de soins pour la faune sauvage. Ne jamais le nourrir avec du lait ou du pain, qui lui sont toxiques. De l’eau fraîche et, éventuellement, des croquettes pour chat sans sel peuvent l’aider en période de disette.
Non. Le hérisson est un animal timide, strictement nocturne, et totalement inoffensif pour l’homme. Il ne transmet pas de maladies courantes et ne creuse pas de terriers envahissants. Son seul moyen de défense est de se rouler en boule – un spectacle fascinant, jamais agressif.
Cherchez des traces : des crottes en forme de cône, des feuilles déplacées, des petits passages sous les haies. Vous pouvez aussi installer une caméra de surveillance nocturne. Beaucoup de jardiniers découvrent avec émotion qu’un ou plusieurs hérissons fréquentent leur jardin sans qu’ils s’en soient jamais rendu compte.
Les « animaux indésirables » sont souvent des jugements humains. Les souris ou les rats peuvent effectivement être attirés, mais en très petite quantité si le tas n’est pas trop volumineux ni proche des habitations. En contrepartie, vous favorisez des dizaines d’espèces utiles. L’équilibre naturel s’installe progressivement, et les véritables nuisibles sont régulés par la prédation naturelle.
Vous pouvez sensibiliser vos voisins, participer à des collectifs locaux de protection de la biodiversité, ou soutenir des associations comme la LPO ou la Fondation Nicolas Hulot. Même en ville, des initiatives citoyennes permettent de créer des corridors verts et des refuges pour la faune sauvage.
Le sort du hérisson est entre nos mains, ou plutôt entre nos gestes. Chaque tas de feuilles préservé, chaque trou aménagé dans une clôture, chaque pesticide évité, est un pas vers un jardin plus vivant, plus juste. Ce petit mammifère piquant, symbole de discrétion et de résilience, nous rappelle que la nature ne demande pas grand-chose : juste un peu de place, un peu de temps, et un peu d’attention. En lui offrant cela, c’est toute la vie du sol, des plantes et des insectes que nous réveillons. Et peut-être, aussi, un peu de notre propre humanité.
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