Categories: Utile

La SNCF impose désormais le rendez-vous avant de passer au guichet

Depuis quelques mois, une transformation silencieuse s’opère dans les gares françaises. Ce changement, presque imperceptible pour certains usagers habitués aux nouvelles technologies, bouleverse profondément l’expérience du voyage pour d’autres. La SNCF a mis en place un système de rendez-vous obligatoire pour accéder aux guichets dans une vingtaine de gares du territoire. Ce dispositif, initié à Strasbourg en juillet dernier, s’étend désormais à Rennes, Nantes, Laval, et même la Gare de l’Est à Paris. Ce n’est plus une simple option : il faut désormais planifier son passage en gare comme on prendrait un rendez-vous médical. Derrière cette évolution, une stratégie digitale ambitieuse, des économies de fonctionnement, mais aussi des inquiétudes grandissantes autour de l’accessibilité et de la fracture numérique.

Pourquoi un rendez-vous est-il désormais obligatoire pour acheter un billet en gare ?

Cette nouvelle règle, qui surprend par sa rigidité, s’inscrit dans une logique de modernisation poussée par la SNCF. Le principe est simple : avant de se rendre en gare, il faut désormais réserver un créneau horaire en ligne via une plateforme dédiée. Une fois sur place, le voyageur est reçu au guichet à l’heure convenue, comme dans un cabinet médical. Pour Samuel Depoix-Badeau, représentant de la fédération CGT des cheminots, cette mesure est loin d’être anodine. « Ce n’est pas une nouveauté en soi, mais cette règle s’est amplifiée ces deux dernières années », souligne-t-il. Selon lui, cette réforme participe d’un plan plus vaste visant à réduire les coûts humains et à rationaliser les services. « Le but est clair : réduire les horaires d’ouverture des guichets et les fermer progressivement. C’est contraire à l’esprit du service public », dénonce-t-il.

Quels sont les objectifs derrière cette réforme ?

La SNCF ne cache pas son ambition de digitalisation. L’entreprise investit massivement dans les outils numériques : applications mobiles, bornes automatiques, site web optimisé. En parallèle, les guichets physiques, coûteux à maintenir, se raréfient. « Moins d’un billet de TGV sur 10 est acheté aux guichets », révèle France Info, une statistique qui illustre bien le basculement du comportement des usagers. Pour François Delétraz, président de la Fnaut (Fédération nationale des usagers des transports), cette évolution est motivée par des impératifs économiques. « C’est pour faire des économies en supprimant les guichets. Ils investissent en masse sur le digital », affirme-t-il.

Quelles gares sont concernées par cette obligation ?

À ce jour, 29 gares sont touchées par cette nouvelle procédure. Le dispositif a été testé à Strasbourg, où les retours ont été jugés positifs par la SNCF. Depuis, il s’est étendu à plusieurs grandes gares régionales : Rennes, Nantes, Laval, ou encore la Gare de l’Est à Paris. Les usagers de ces villes doivent désormais planifier leur déplacement avec une rigueur nouvelle. Ceux qui arrivaient spontanément en gare, par habitude ou nécessité, doivent désormais s’adapter à cette nouvelle logique.

Comment fonctionne la prise de rendez-vous ?

Le processus est accessible via un site internet dédié. L’usager sélectionne sa gare, choisit un créneau horaire disponible, puis reçoit une confirmation par e-mail ou SMS. Le jour J, il se présente au guichet à l’heure indiquée. Pour les habitués des trajets réguliers, comme Clémentine Royer, enseignante à Nantes, cette nouvelle procédure complique la spontanéité. « J’ai l’habitude de prendre un TGV pour Paris en dernière minute, quand une conférence ou une réunion s’improvise. Avant, je passais au guichet, je réglais, je montais dans le train. Aujourd’hui, je dois anticiper 24 heures à l’avance. C’est un frein », explique-t-elle, légèrement agacée.

Quels sont les impacts sur les usagers ?

Si la digitalisation des services peut sembler inéluctable, elle n’est pas sans conséquences. Le principal défi réside dans l’accessibilité. Pour les personnes âgées, les plus vulnérables ou celles qui n’ont pas accès à Internet, cette nouvelle règle pose problème. Jean-Luc Vasseur, 78 ans, retraité à Rennes, témoigne : « Je ne sais pas utiliser l’ordinateur. Avant, je descendais à la gare, on m’aidait. Maintenant, on me dit que je dois prendre rendez-vous en ligne. Et si je n’ai pas de connexion ? Et si je ne comprends pas le site ? » Son témoignage reflète une réalité vécue par de nombreux Français, notamment dans les zones rurales ou chez les seniors.

Comment la SNCF répond-elle à la fracture numérique ?

Interrogée sur cette question, la SNCF affirme que des solutions alternatives existent. « Il est toujours possible de prendre un billet en borne libre-service, par téléphone, ou directement en gare dans certaines métropoles », indique un porte-parole. L’entreprise insiste également sur la satisfaction des usagers : « 96 % des clients utilisant le système de rendez-vous en ligne en sont satisfaits ». Pourtant, cette statistique ne prend pas en compte ceux qui ne parviennent pas à accéder au service, faute de compétences numériques ou de matériel adéquat.

Quelles sont les alternatives à l’achat en guichet ?

Face à la raréfaction des guichets, la SNCF propose plusieurs alternatives. Les bornes automatiques, de plus en plus nombreuses en gare, permettent d’acheter des billets sans interaction humaine. L’application mobile SNCF Connect est également fortement promue, avec des fonctionnalités comme la réservation, le paiement, ou la gestion des cartes de réduction. Enfin, le service téléphonique reste accessible, bien que parfois saturé, selon les usagers.

Les bornes automatiques : une solution pour tous ?

Si les bornes semblent être une réponse technique efficace, leur utilisation n’est pas toujours intuitive. Élodie Tran, accompagnante sociale dans un centre pour personnes isolées à Laval, raconte : « J’ai aidé une femme sans-abri à acheter un billet pour rejoindre sa famille. Elle n’avait pas de carte bancaire, pas de smartphone. Les bornes ne prenaient que les paiements sans contact. Le guichet était fermé, et le rendez-vous en ligne impossible. On a dû trouver une solution avec un agent de sécurité. Ce n’est pas normal qu’un citoyen ne puisse pas voyager parce qu’il n’a pas les bons outils. »

Quel avenir pour les guichets SNCF ?

La tendance est claire : les guichets physiques reculent. La SNCF mise sur une centralisation des services, avec des « guichets grandes lignes » distincts des « guichets TER », et des offres comme Ouigo, vendues exclusivement en ligne. Cette segmentation, selon François Delétraz, « perd les usagers ». « On ne sait plus où aller, qui contacter, comment acheter. Chaque type de billet a sa propre logique. C’est de la désorganisation habillée en modernisation », critique-t-il.

Une restructuration liée à l’ouverture à la concurrence ?

Samuel Depoix-Badeau voit dans cette évolution une conséquence directe de l’ouverture du marché ferroviaire à la concurrence. « La SNCF doit réduire ses coûts pour rester compétitive. Du coup, elle diminue ses effectifs, augmente la polyvalence du personnel, et supprime les services coûteux comme les guichets. » Une stratégie qui, selon lui, fragilise le service public. « Le ferroviaire n’est pas une entreprise comme les autres. C’est un service essentiel, qui doit être accessible à tous, partout, à tout moment. »

La digitalisation est-elle vraiment la solution ?

Loin d’être un progrès universel, la digitalisation pose la question de l’équité d’accès. En France, près de 13 % des adultes n’ont jamais utilisé Internet, selon l’Insee. Pour eux, le rendez-vous en ligne n’est pas une option, c’est une barrière. Même pour ceux qui sont connectés, les difficultés persistent : bugs techniques, interfaces mal conçues, absence de support humain en cas de problème.

Qu’en pensent les usagers du quotidien ?

Les avis sont partagés. Pour certains, comme Thomas Léger, entrepreneur lyonnais, le système est pratique. « J’achète mes billets en ligne depuis des années. Le rendez-vous en gare, c’est une formalité. Je gagne du temps, je n’attends pas. » Mais pour d’autres, comme Aïcha Benmoussa, mère de trois enfants à Strasbourg, c’est une contrainte supplémentaire. « Entre les devoirs, les repas, le travail, je n’ai pas le temps de gérer des rendez-vous pour acheter un billet. Avant, je passais avec les enfants, on réglait vite fait. Maintenant, je dois tout planifier. Et si mon bébé pleure au moment du rendez-vous ? »

Quelles solutions pour préserver l’accessibilité ?

Plusieurs pistes sont envisageables. D’abord, maintenir un réseau de guichets physiques dans les grandes gares, accessibles sans rendez-vous pour les personnes en difficulté. Ensuite, renforcer l’accompagnement numérique : agents formés pour aider les usagers sur place, partenariats avec les collectivités locales, ateliers d’initiation aux outils digitaux. Enfin, garantir un service téléphonique performant, disponible rapidement, et capable de traiter toutes les demandes, y compris les plus complexes.

Conclusion

La généralisation du rendez-vous obligatoire pour accéder aux guichets SNCF marque une étape importante dans la transformation du service public ferroviaire. Si la digitalisation permet des gains d’efficacité et des économies, elle ne doit pas se faire au détriment de l’accessibilité. Le défi pour la SNCF est de concilier modernité et inclusion. Car un service public digne de ce nom ne se mesure pas seulement à sa performance technique, mais à sa capacité à accueillir chaque citoyen, quel que soit son âge, sa situation ou ses compétences numériques.

A retenir

Qu’est-ce que le rendez-vous obligatoire en gare SNCF ?

Il s’agit d’une nouvelle procédure imposée dans 29 gares françaises, qui oblige les usagers à réserver un créneau en ligne avant de pouvoir acheter un billet au guichet. Ce système vise à rationaliser l’accueil et réduire les coûts opérationnels.

Pourquoi la SNCF met-elle en place cette réforme ?

La SNCF cherche à réduire ses dépenses en supprimant progressivement les guichets physiques, jugés coûteux. L’entreprise investit massivement dans le digital, les bornes automatiques et les applications, en réponse à l’évolution des usages et à l’ouverture à la concurrence.

Quelles gares sont concernées ?

Le dispositif est en vigueur dans des gares comme Strasbourg, Rennes, Nantes, Laval et la Gare de l’Est à Paris. Il pourrait s’étendre à d’autres gares dans les prochaines années.

Comment faire sans Internet ou sans smartphone ?

La SNCF propose des alternatives comme les bornes libres-service, l’achat par téléphone ou la présence d’agents en gare. Cependant, ces solutions ne sont pas toujours accessibles ou suffisamment accompagnées, notamment pour les personnes âgées ou en situation de précarité.

Les usagers sont-ils satisfaits ?

La SNCF affirme que 96 % des utilisateurs du système de rendez-vous en ligne sont satisfaits. Toutefois, cette satisfaction ne reflète pas nécessairement l’expérience des usagers les plus vulnérables, qui peuvent rencontrer des difficultés d’accès.

Anita

Recent Posts

Chauffage en 2025 : quelle énergie choisir pour réduire vos coûts et l’impact environnemental ?

En 2025, le gaz reste le moins cher pour chauffer, mais sa hausse inquiète. Entre…

4 heures ago

Rentrée sportive : comment choisir son coach en ligne idéal en 2025

Le sport à domicile, en plein essor, offre des solutions accessibles et efficaces pour rester…

4 heures ago

Pauvreté : les seuils de revenus dans chaque pays de lUE dévoilés

Une étude européenne révèle que près d’un adulte sur sept est pauvre en France, malgré…

4 heures ago

Retraite des femmes : la promesse de Lecornu sera-t-elle tenue dès 2025 ?

Le gouvernement propose d’améliorer la retraite des femmes en ajustant le calcul des meilleures années…

4 heures ago

Le prix des timbres va augmenter : voici comment protéger votre budget dès maintenant

La Poste va augmenter ses tarifs en 2026, mais une réforme méconnue depuis 2023 permet…

4 heures ago

La petite souris Diddl débordée par son incroyable succès en France

La petite souris Diddl fait son retour en France après 15 ans d’absence, relançant une…

4 heures ago