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Suppression des jours fériés en 2025 : une mesure inéquitable qui creuse la fracture sociale

Alors que la France cherche à consolider ses comptes publics sans alourdir la pression fiscale, une proposition fait débat : la suppression de deux jours fériés, le lundi de Pâques et le 8 mai, pour générer 4,2 milliards d’euros de recettes. Portée par François Bayrou, cette mesure est vivement contestée par l’économiste Eric Heyer, qui y voit une « taxe implicite » pesant de manière inéquitable sur les salariés. Au-delà de l’arithmétique budgétaire, c’est le sens du travail, la justice sociale et la cohérence des politiques publiques qui sont ici interrogés. À travers les témoignages de travailleurs de différents horizons et l’analyse d’experts, cet article explore les enjeux profonds d’une réforme qui pourrait creuser les fractures sociales si elle n’est pas pensée avec justesse.

Quels jours fériés sont concernés et quel est l’objectif de cette suppression ?

La mesure cible deux dates emblématiques du calendrier français : le lundi de Pâques, traditionnellement associé à des moments familiaux et religieux, et le 8 mai, jour de la victoire de 1945, qui incarne la mémoire collective et le devoir de commémoration. Leur suppression du calendrier chômé vise à générer 4,2 milliards d’euros par an, un montant présenté comme nécessaire pour réduire le déficit public sans recourir à une hausse formelle des impôts. Le gouvernement justifie cette décision comme un « effort national », censé contribuer à la relance économique et à la compétitivité des entreprises.

Pourtant, le mécanisme retenu soulève des questions. Les entreprises ne seraient pas tenues de rémunérer ces deux jours supplémentaires de travail, mais devraient verser à l’État une contribution équivalente à la valeur produite. En théorie, cela permettrait de capter la plus-value de la production sans alourdir la charge salariale des employeurs. Mais dans les faits, cela revient à demander aux salariés de travailler deux jours de plus sans compensation, tandis que l’État s’approprie la contrepartie. Un schéma que certains comparent à la journée de solidarité instaurée en 2004, qui avait déjà suscité des réserves sur son caractère équitable.

Étienne Rousseau, ouvrier métallurgiste dans une usine de Haute-Savoie, raconte : « On nous dit qu’on va produire plus, mais on ne verra rien sur notre fiche de paie. C’est comme si on nous demandait de faire un don forcé à l’État. » Ce sentiment de dépossession est partagé par de nombreux travailleurs, qui perçoivent cette mesure non comme un effort partagé, mais comme une ponction supplémentaire sur leur temps de vie.

Qui paie réellement cette mesure, et comment l’effort est-il réparti ?

La charge de cette réforme ne pèse pas de manière uniforme. Pour un cadre en entreprise, deux jours de travail supplémentaires peuvent être intégrés dans un calendrier déjà chargé, sans bouleverser l’équilibre de vie. Mais pour un ouvrier sur chantier, un infirmier en poste ou un caissier en grande surface, ces jours représentent un surcroît d’effort physique et psychologique difficile à absorber.

Le cas de Léa Chambon, infirmière dans un hôpital de Lyon, illustre cette disparité. « On travaille déjà en roulement, souvent le week-end, parfois la nuit. Supprimer un jour férié, c’est nous demander encore plus sans rien en retour. Et pendant ce temps, les hôpitaux manquent de moyens. » Pour elle, la mesure apparaît comme une nouvelle forme d’exploitation des travailleurs du quotidien, alors que les bénéfices ne sont pas redistribués.

Eric Heyer souligne que ce type de mécanisme crée une inégalité structurelle. Les grandes entreprises, mieux armées pour négocier ou absorber les coûts, peuvent choisir de payer la contribution plutôt que d’imposer le travail. En revanche, les PME, contraintes par la production, n’ont d’autre choix que d’imposer ces deux jours à leurs salariés. Résultat : un salarié d’un grand groupe peut ne pas travailler, tandis qu’un employé d’une petite entreprise le fera — et sans salaire. Cette dissymétrie mine l’égalité devant l’effort, principe fondateur de la solidarité nationale.

La suppression des jours fériés, une nouvelle forme d’impôt déguisé ?

Le gouvernement affirme ne pas vouloir augmenter les impôts. Pourtant, selon Eric Heyer, cette mesure ressemble à une hausse fiscale masquée. « On ne l’appelle pas impôt, mais en réalité, l’État capte une valeur produite par les salariés sans qu’ils en bénéficient directement. C’est une ponction sur le travail, sans contrepartie pour ceux qui la fournissent. »

Cette perception est renforcée par le discours officiel, qui martèle que « le travail doit payer ». Or, ici, on invite les Français à travailler plus… sans gagner plus. Cette contradiction entre le message et la réalité alimente un sentiment de défiance. « On nous parle de justice, de récompense du travail, mais quand on regarde les mesures concrètes, c’est l’inverse qui se passe », déplore Malik Benkirane, enseignant dans un lycée professionnel à Montpellier. « On a l’impression que les classes populaires et moyennes sont toujours les premières appelées à la contribution, alors que les bénéfices sont ailleurs. »

Historiquement, les politiques de relance depuis 2017 ont reposé sur une baisse des prélèvements obligatoires, notamment via la suppression de la taxe d’habitation ou la transformation de l’ISF en IFI. L’objectif était de stimuler l’activité. Pourtant, les effets escomptés n’ont pas été pleinement au rendez-vous : les recettes publiques ont diminué, tandis que le déficit s’est creusé. Aujourd’hui, face à l’urgence budgétaire, le gouvernement cherche des solutions rapides. Mais en choisissant de concentrer l’effort sur les actifs, il risque de renforcer l’idée que la solidarité est à sens unique.

Existe-t-il des alternatives plus équitables pour réduire le déficit ?

Oui, selon Eric Heyer. Plutôt que de cibler deux jours de repos, il plaide pour une répartition plus large de l’effort. « Si on veut réduire le déficit, il faut mobiliser l’ensemble des citoyens, pas seulement ceux qui travaillent. » Une piste envisagée serait une contribution temporaire sur les revenus du capital, les grandes fortunes, ou une modulation des aides publiques selon les niveaux de revenus.

Il rappelle que pendant la crise sanitaire, les soutiens de l’État ont bénéficié à tous : entreprises, ménages, indépendants. « Aujourd’hui, il est logique que le redressement des comptes soit partagé selon la même logique. Sinon, on crée une injustice de génération : ceux qui ont été aidés ne participent pas à l’effort de retour à l’équilibre. »

Le cas de Clara Dubreuil, entrepreneuse dans le secteur du numérique à Bordeaux, montre que d’autres modèles sont possibles. « Dans mon entreprise, on a mis en place une contribution volontaire sur les bénéfices exceptionnels de 2022. On a voulu participer à l’effort collectif, mais de manière juste. » Ce type d’initiative, bien que minoritaire, prouve qu’une fiscalité plus progressive et mieux ciblée pourrait être acceptée, à condition qu’elle soit perçue comme équitable.

Heyer insiste : « Une réforme durable ne peut pas reposer sur des mesures symboliques qui pénalisent les plus vulnérables. Elle doit être lisible, juste, et s’inscrire dans une trajectoire de long terme. »

Quel impact sur la confiance dans l’action publique ?

Le signal envoyé par cette mesure est peut-être aussi important que son impact financier. En demandant aux salariés de travailler plus sans gagner plus, tout en affirmant que « le travail doit payer », le gouvernement risque de creuser le fossé entre les discours et les réalités vécues. « Quand les promesses ne sont pas tenues, les gens se détachent », analyse Élodie Vasseur, sociologue spécialisée dans les politiques publiques.

Elle rappelle que la crise des gilets jaunes a été en partie alimentée par ce type de désaffiliation : des citoyens qui ne se reconnaissent plus dans les décisions prises en leur nom. « Aujourd’hui, on assiste à un nouveau moment de rupture. Si on ne prend pas en compte les perceptions d’injustice, on risque de fragiliser la cohésion sociale. »

Le risque, c’est que cette mesure devienne un symbole de plus : celui d’un pouvoir déconnecté, qui impose des sacrifices sans en partager les conséquences. « On ne demande pas aux décideurs de travailler deux jours de plus sans salaire », ironise Malik Benkirane. « Alors pourquoi nous ? »

Conclusion : vers un effort plus partagé et plus juste ?

La suppression des jours fériés, telle qu’envisagée, pose une question fondamentale : sur qui doit reposer l’effort de redressement des comptes publics ? Tant qu’elle cible principalement les salariés, sans redistribution claire des bénéfices, elle risque de nourrir un sentiment d’injustice et de creuser les fractures sociales. Les témoignages recueillis montrent une attente forte de justice, de cohérence et de reconnaissance.

Plutôt que de choisir des mesures rapides mais symboliquement lourdes, le gouvernement pourrait envisager une réforme plus équilibrée, impliquant l’ensemble des acteurs économiques. Une telle approche renforcerait non seulement l’efficacité budgétaire, mais aussi la légitimité de l’action publique. Car, dans une démocratie, les efforts doivent être partagés, mais aussi compris et acceptés.

A retenir

Quels sont les deux jours fériés concernés par la suppression ?

Il s’agit du lundi de Pâques et du 8 mai, deux dates symboliques du calendrier français, respectivement liées à la tradition religieuse et à la mémoire de la Seconde Guerre mondiale.

Quel est le montant visé par cette mesure ?

La suppression de ces deux jours devrait générer environ 4,2 milliards d’euros par an, via une contribution des entreprises à l’État correspondant à la valeur produite.

Pourquoi Eric Heyer parle-t-il de « taxe implicite » ?

Parce que les salariés seraient appelés à travailler deux jours supplémentaires sans être rémunérés, tandis que l’État capterait la valeur produite. Ce mécanisme revient, selon lui, à prélever sur le travail sans en reconnaître la juste contrepartie.

La mesure est-elle équitable entre les catégories sociales ?

Non. Elle pèse davantage sur les travailleurs manuels, les employés en horaires contraints ou les petites entreprises, tandis que les grandes structures peuvent choisir de payer la contribution sans imposer le travail. Cette inégalité alimente un sentiment d’injustice.

Existe-t-il des alternatives plus justes ?

Oui. Eric Heyer propose de répartir l’effort sur l’ensemble des citoyens, notamment via des contributions sur les revenus du capital ou les grandes fortunes, afin de mieux aligner la charge avec les bénéfices tirés des soutiens publics passés.

Anita

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