Surexposition Rayons X 667 Patients Saint Brieuc Alerte Hôpital
Un drame silencieux, étalé sur plus de douze années, vient de sortir de l’ombre dans un hôpital breton. Ce vendredi 3 octobre 2025, l’hôpital Yves-Le-Foll de Saint-Brieuc entre en état d’urgence sanitaire, non pas à cause d’une épidémie, mais à la suite d’une révélation qui glace le sang : 667 patients, dont 451 enfants, ont été surexposés aux rayons X lors d’examens médicaux courants. Une erreur technique, passée inaperçue pendant des années, a pu compromettre la santé de centaines de familles. Les questions fusent, les inquiétudes montent, et les autorités peinent à rassurer. Comment une telle faille a-t-elle pu perdurer si longtemps ? Quelles en sont les conséquences ? Et surtout, quelles responsabilités sont en jeu ? À travers les témoignages de soignants, de parents et d’experts, plongée dans une crise aux ramifications profondes.
Le cœur du dysfonctionnement réside dans une machine de radiologie de type Apelem, utilisée pour des examens urologiques et digestifs. Cette table, censée ajuster automatiquement la dose de rayonnement en fonction de la morphologie du patient, notamment chez les enfants, a fonctionné avec un paramétrage erroné. Au lieu de moduler l’intensité des rayons selon l’âge et la taille, elle a appliqué une dose standard, bien supérieure à ce qui était nécessaire, en particulier pour les jeunes patients.
L’anomalie, détectée récemment lors d’un audit de routine, remonte à 2012. Pendant douze ans, aucun système de contrôle n’a permis d’identifier ce défaut. Les protocoles de vérification semblaient pourtant en place, mais ils n’ont pas été appliqués de manière rigoureuse. Selon un ingénieur biomédical ayant travaillé dans l’établissement sous couvert d’anonymat, cette machine avait un mode de calibration défectueux. Elle ne prenait pas en compte les profils pédiatriques, ce qui est une faute grave dans un service où les enfants représentent une part importante des examens . Une faille technique, mais aussi humaine.
La durée de l’erreur soulève un questionnement majeur : comment un défaut de cette ampleur n’a-t-il pas été détecté plus tôt ? Plusieurs facteurs convergent pour expliquer ce silence prolongé. D’abord, les examens concernés – cystographies, opacifications digestives – ne sont pas systématiquement suivis d’un bilan de dose. Ensuite, les symptômes d’une surexposition aux rayons X ne sont pas immédiats. Contrairement à un accident médical visible, comme une infection ou une erreur de médication, les effets d’un excès de radiation peuvent mettre des années, voire des décennies, à se manifester.
Élodie Ruffier, mère de deux des enfants concernés, raconte : Mon fils Théo a eu trois examens entre 2016 et 2019. À l’époque, on nous disait que c’était bénin, que les doses étaient très faibles. Aujourd’hui, on apprend qu’il a reçu jusqu’à trois fois plus que la norme. Comment savoir si cela aura un impact dans vingt ans ? Son témoignage reflète l’angoisse de nombreuses familles : l’incertitude sur l’avenir.
Par ailleurs, les alertes internes auraient pu être ignorées. Un radiologue ayant travaillé à Saint-Brieuc entre 2015 et 2020, que nous appellerons Marc pour préserver son anonymat, confie : On sentait parfois que les images étaient trop contrastées, signe d’une dose élevée. Mais on pensait à un réglage logiciel, pas à une erreur systémique. Et personne n’avait le temps de remonter l’information. Un climat de pression, de sous-effectifs et de routine qui a pu étouffer les signaux d’alerte.
Les effets d’une surexposition aux rayons X ne sont pas à prendre à la légère. Même si les doses individuelles n’étaient pas fatales, l’accumulation sur plusieurs examens, surtout chez des enfants en pleine croissance, augmente le risque de développer des pathologies à long terme. Les principales inquiétudes portent sur le risque accru de cancers, notamment thyroïdiens, sanguins ou cérébraux, ainsi que sur des troubles du développement cellulaire.
Le professeur Camille Lenoir, spécialiste en radiobiologie au CHU de Rennes, explique : Les tissus des enfants sont plus sensibles aux radiations ionisantes. Une surexposition, même modérée, peut endommager l’ADN en cours de division. Le risque n’est pas de voir apparaître un cancer demain, mais il est statistiquement accru sur la durée.
Pour les 216 adultes concernés, les risques sont moindres, mais non négligeables. En particulier pour ceux ayant subi plusieurs examens, comme c’est le cas de Julien Berthier, 48 ans, atteint d’une maladie digestive chronique. J’ai passé huit examens entre 2013 et 2021. Aujourd’hui, je me demande si mon lymphome, diagnostiqué l’an dernier, n’a pas un lien indirect avec cela. Ce n’est pas une certitude, mais le doute s’installe.
L’hôpital a lancé un programme de suivi médical pour tous les patients identifiés. Des consultations spécialisées en oncogénétique et en radioprotection sont proposées, avec priorité aux enfants ayant subi plusieurs examens. Mais pour beaucoup, ce suivi arrive trop tard.
Dès l’annonce publique, une cellule de crise a été activée, réunissant la direction de l’hôpital, l’Agence régionale de santé (ARS) et le ministère de la Santé. Le ministre a qualifié l’incident de tragédie évitable et a annoncé une enquête administrative et pénale. Une inspection de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a été déclenchée pour évaluer les responsabilités et les manquements.
L’ARS a confirmé que les protocoles de maintenance et de contrôle des équipements étaient censés être renouvelés tous les six mois. Or, selon les premiers éléments, les vérifications techniques sur la table Apelem n’ont pas été réalisées selon les normes en vigueur. Pire, des rapports internes auraient signalé des anomalies de fonctionnement dès 2017, sans qu’aucune mesure corrective n’ait été prise.
La directrice de l’hôpital, Sophie Varnier, a présenté ses excuses publiques : Nous sommes profondément affectés par cette situation. Nous avons échoué à protéger nos patients. Elle a toutefois souligné que l’erreur n’était pas due à une négligence individuelle, mais à un système défaillant, où les alertes n’ont pas été relayées, où les procédures n’ont pas été respectées . Une reconnaissance implicite de dysfonctionnements structurels.
Les familles touchées ne restent pas inactives. Plusieurs d’entre elles ont saisi des avocats spécialisés en responsabilité médicale. Une action de groupe est en cours de constitution, pilotée par Me Léa Montfort, avocate à Brest. Nous demandons une reconnaissance du préjudice moral et biologique, ainsi qu’un suivi médical à long terme financé par l’État ou l’établissement , précise-t-elle. Elle envisage aussi de demander des indemnisations au titre de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), qui peut intervenir même en l’absence de faute avérée.
Le cas des enfants est particulièrement sensible. Certains ont subi jusqu’à cinq examens avec des doses anormalement élevées , précise Me Montfort. Leur exposition cumulée peut être équivalente à plusieurs scanners. C’est inacceptable.
En parallèle, une association de patients, créée spontanément sur les réseaux sociaux, réclame plus de transparence. Baptisée Lumière sur Saint-Brieuc , elle milite pour que chaque famille concernée reçoive un dossier complet, avec les doses estimées et les recommandations de suivi. Nous ne voulons pas de vagues promesses, mais des actes concrets , affirme l’un de ses porte-parole, Antoine Delmas, père d’une petite fille de 9 ans examinée à trois reprises entre 2018 et 2022.
Ce scandale interpelle bien au-delà des Côtes-d’Armor. Il met en lumière des failles systémiques dans la gestion des équipements médicaux, notamment en radiologie. Alors que les technologies évoluent rapidement, les procédures de maintenance et de formation du personnel ne suivent pas toujours le rythme.
Le Dr Éric Tissier, président d’un syndicat de radiologues, alerte : Beaucoup d’hôpitaux utilisent du matériel ancien, parfois obsolète. Les budgets de maintenance sont réduits, et les ingénieurs biomédicaux sont sous pression. Il faut repenser la culture de la sécurité. Il appelle à une harmonisation nationale des protocoles de contrôle, avec des audits indépendants et des remontées d’information obligatoires.
Par ailleurs, cette affaire souligne le besoin d’un suivi individualisé des doses de rayonnement, comme cela existe déjà dans certains pays européens. Un passeport radiologique numérique, qui consignerait tous les examens subis par un patient, pourrait permettre d’éviter les accumulations dangereuses.
L’affaire de l’hôpital Yves-Le-Foll est un électrochoc pour le système de santé français. Elle révèle qu’une erreur technique, couplée à des manquements humains et organisationnels, peut avoir des conséquences durables sur des centaines de vies. Si la surexposition aux rayons X n’a pas provoqué d’effets immédiats, le risque à long terme pèse comme une épée de Damoclès au-dessus des familles concernées. La réponse des autorités, bien qu’en cours, doit aller au-delà des excuses : elle doit s’accompagner de réformes structurelles, de transparence et de justice. Car derrière chaque chiffre, il y a un enfant, un parent, un avenir potentiellement compromis.
667 patients ont été identifiés comme ayant subi une surexposition aux rayons X entre 2012 et 2024, dont 451 enfants.
Il s’agit d’une table de radiologie de type Apelem, utilisée pour des examens urologiques et digestifs, dont le paramétrage n’ajustait pas correctement la dose en fonction des patients, surtout les enfants.
Les principaux risques sont une augmentation du risque de cancers à long terme, notamment thyroïdiens ou sanguins, en raison de la sensibilité accrue des tissus en développement chez les enfants.
Aucune faute individuelle n’a encore été établie. L’enquête pointe des dysfonctionnements systémiques : manque de maintenance, absence de remontée d’alertes, et défaut de contrôle réglementaire.
Oui, les patients peuvent saisir l’ONIAM pour une indemnisation, même sans faute avérée. Des actions en justice collectives sont également en préparation.
Des audits nationaux sur les équipements de radiologie sont envisagés, ainsi que la mise en place de passeports radiologiques numériques pour suivre l’exposition des patients.
En février 2026, quatre astronautes embarqueront pour un tour de la Lune lors de la…
Une passion née de livres, d’images stellaires et de rêves d’enfance. Jean-Charles Cuillandre incarne une…
Un traqueur GPS pas cher et ultra-efficace pour ne plus perdre ses affaires ? Le…
En Bretagne, deux villages testent un nouveau dispositif pour lutter contre les déserts médicaux :…
Des molécules organiques complexes, précurseurs de la vie, détectées dans les geysers d’Encelade grâce à…
Des chercheurs français ont créé du cartilage humain fonctionnel à partir de pommes décellularisées, une…