Teleoperatrice Appelle Son Numero Pour Fuir Travail 2025
Dans un contexte professionnel de plus en plus marqué par la digitalisation et la montée en puissance du télétravail, les frontières entre présence réelle et performance perçue se sont estompées. Ce flou, parfois bénéfique, peut aussi ouvrir la porte à des dérives insoupçonnées. Une affaire survenue en Espagne, bien qu’anecdotique en apparence, révèle des tensions profondes entre contrôle, autonomie et pression au travail. Elle met en scène une employée dont la stratégie pour éviter le travail a frôlé l’art du théâtre numérique, mais dont la chute a été brutale. À travers ce récit, ce n’est pas seulement un cas de fraude professionnelle que l’on observe, mais un miroir tendu à une société du travail en pleine mutation.
À première vue, le poste de téléopératrice semble banal : rappels clients, gestion des réclamations, suivi des dossiers. Pour Clara Rovira, 34 ans, ce rôle s’est transformé en une performance quotidienne. Pendant sept mois, elle a mené une double vie numérique. Depuis son appartement de Barcelone, elle passait ses journées non pas à contacter les clients, mais à appeler… son propre numéro. Plus de 120 fois par jour, parfois même en boucle, elle activait sa ligne, créant un faux historique d’appels en cours. À l’œil du logiciel de suivi, elle était constamment occupée. Son taux d’activité ? Proche de 100 %. Son rendement ? Élogieux. Les responsables la félicitaient régulièrement, lui attribuant même une prime pour sa « rigueur » et son « engagement ».
« Je ne faisais rien de mal, au départ », confie-t-elle dans une interview postérieure à son licenciement. « J’ai commencé par quelques pauses, puis j’ai vu que le système ne détectait pas la différence entre un vrai appel et un auto-appel. Alors j’ai… optimisé. » Clara, mère célibataire d’un enfant de 6 ans, explique avoir été submergée par le rythme imposé. « Les objectifs étaient énormes. On devait faire 80 appels par jour, avec un temps de pause limité. J’ai craqué. J’ai voulu juste respirer. »
L’alerte a été donnée par un simple détail statistique. Jorge Maldonado, superviseur de l’équipe, passait en revue les rapports d’activité lorsqu’il a remarqué une anomalie récurrente : un même numéro interne apparaissait en émetteur et en récepteur, des dizaines de fois par jour. « C’était comme si quelqu’un parlait tout seul », sourit-il, encore surpris. Intrigué, il a demandé une analyse plus poussée. Le résultat a été sans appel : Clara Rovira était la seule à utiliser ce schéma. En moyenne, elle s’appelait elle-même 117 fois par jour, avec des durées d’appel allant de 2 à 15 minutes. Parfois, les appels se succédaient sans interruption, créant une illusion de charge continue.
« Ce n’était pas de la maladresse, c’était un système rodé », affirme Jorge. « Elle avait compris les failles du logiciel de suivi. Elle savait que tant que la ligne était occupée, elle ne recevrait pas d’appels entrants, et que son temps serait comptabilisé comme travail effectif. »
Le lendemain de la découverte, Clara a été convoquée. Face aux preuves, elle n’a pas nié. Mais elle a tenté une justification inattendue : elle souffrait d’anxiété sévère, diagnostiquée deux ans plus tôt par un psychiatre. « Je ne pouvais pas tenir le rythme, a-t-elle plaidé. J’avais besoin de pauses, mais le système ne les autorisait pas sans pénalité. Alors j’ai trouvé une solution. »
L’entreprise, une société de service client externalisé, a tout de même prononcé un licenciement pour faute grave. Clara a contesté devant le tribunal du travail de Catalogne, arguant d’un harcèlement indirect par les objectifs et d’un manque d’accompagnement psychologique. Mais les juges ont tranché : « Une stratégie consistant à manipuler sciemment les outils de suivi ne peut être justifiée par un trouble anxieux, même avéré. » Le licenciement a été confirmé.
Le cas de Clara Rovira n’est pas isolé. En 2023, une étude de l’Université autonome de Madrid révélait que 18 % des télétravailleurs espagnols avaient déjà utilisé des méthodes détournées pour simuler une activité. « Le problème, ce n’est pas la fraude, c’est ce qu’elle révèle », analyse la sociologue Elisa Navarro. « Quand les employés se sentent poussés à tromper pour survivre, c’est que le système est dysfonctionnel. »
Pour beaucoup, le télétravail devait être synonyme de liberté. Mais dans les faits, il a souvent conduit à une surveillance accrue. Caméras allumées, logiciels de suivi de temps, captures d’écran automatiques : les outils de contrôle se multiplient. « On passe d’un modèle basé sur la confiance à un modèle basé sur la méfiance », regrette Antoine Lefebvre, consultant en management à Lyon. « Or, la performance à distance ne se mesure pas à la quantité d’heures passées en ligne, mais à la qualité des résultats. »
Des entreprises comme Holaluz, en Espagne, ou Shift, en France, ont adopté des modèles inversés : plus de suivi de temps, mais des objectifs clairs et des évaluations trimestrielles. « On fait confiance à nos collaborateurs, explique la directrice des ressources humaines, Lucía Esteban. On ne compte pas leurs clics, on mesure leurs livrables. »
À Lyon, Thomas Berthier, chef d’équipe dans une startup tech, a instauré un système de « check-in » quotidien en vidéo de 5 minutes. « Chaque matin, mon équipe dit ce qu’elle va faire dans la journée. Pas de surveillance, mais de la transparence. Et ça marche. »
Clara Rovira n’était pas une employée négligente. Avant l’incident, ses évaluations étaient excellentes. Ce n’est qu’après une période de surcharge, à la suite d’un départ en masse dans son équipe, qu’elle a commencé à dériver. « On nous a demandé de compenser les absences sans recrutement ni ajustement des objectifs », raconte-t-elle. « J’ai tenu trois mois. Puis j’ai lâché. »
Elle n’est pas la seule à avoir craqué. En 2022, un employé de télémarketing à Valence a été licencié pour avoir utilisé un robot vocal pour passer ses appels. En Allemagne, un informaticien a été démasqué après avoir laissé son ordinateur allumé avec une vidéo en boucle montrant ses mains tapant. « Ces cas montrent que le besoin de tricher existe là où la pression est mal gérée », estime le psychologue du travail Marc Dubois.
Le travail à distance, s’il permet une meilleure conciliation vie pro/vie perso, peut aussi favoriser l’isolement et l’impression d’être constamment observé. « Quand on est seul chez soi, on perd les repères sociaux du bureau, explique Elisa Navarro. On ne sait plus si on travaille assez, trop, ou pas bien. Et quand on ajoute des outils de suivi, cela crée une pression invisible mais omniprésente. »
Clara en témoigne : « Je me sentais seule face à l’écran. Personne pour dire “tu as bien travaillé aujourd’hui”. Juste des chiffres qui montaient ou descendaient. Et quand je me suis mise à tricher, c’était aussi pour me prouver que j’étais encore utile. »
Les experts s’accordent sur un point : il faut repenser la relation de travail. « Le contrôle ne doit pas être une fin en soi », insiste Antoine Lefebvre. « Il doit servir à accompagner, pas à punir. »
Des pistes concrètes émergent : la mise en place de « jours sans suivi », où les collaborateurs travaillent sans être tracés ; des entretiens réguliers pour évaluer le bien-être ; ou encore des formations à la gestion du stress. « Le but n’est pas de laisser faire n’importe quoi, mais de créer un cadre où chacun peut respirer », ajoute Lucía Esteban.
À Barcelone, après l’affaire Rovira, l’entreprise a revu son système de suivi. Désormais, les appels internes ne sont pas comptabilisés comme du temps de travail effectif. De plus, un dispositif d’alerte a été mis en place pour détecter les comportements anormaux. « On a appris à ne pas tout croire aux chiffres », reconnaît Jorge Maldonado.
L’affaire de la téléopératrice qui s’appelait elle-même pourrait prêter à rire. Mais elle cache une réalité plus sombre : celle d’un monde du travail où la pression, la solitude et la méfiance peuvent pousser à des extrémités absurdes. Clara Rovira n’était ni une criminelle ni une fainéante. C’était une employée surchargée, mal accompagnée, qui a trouvé une solution faussement ingénieuse à un problème réel. Son erreur n’était pas d’avoir voulu souffler, mais d’avoir choisi la mauvaise méthode.
À l’heure où le télétravail s’impose comme une norme, cette affaire doit servir de signal d’alarme. Pas pour renforcer la surveillance, mais pour repenser la confiance. Parce qu’un employé qui se sent écouté, valorisé et accompagné n’a pas besoin de tricher pour exister.
Oui, si cet acte est considéré comme une manipulation intentionnelle des outils de suivi dans le but de simuler une activité professionnelle. En Espagne, comme dans de nombreux pays, cela peut constituer une faute grave, surtout si elle est prouvée par des données objectives. Le tribunal de Catalogne a confirmé le licenciement de Clara Rovira en estimant qu’elle avait violé la bonne foi contractuelle.
Non, pas directement. Bien qu’un trouble anxieux puisse être pris en compte dans l’évaluation d’un comportement, il ne justifie pas la fraude systématique. Les entreprises ont l’obligation d’adapter les postes aux besoins des salariés en souffrance, mais les employés doivent aussi respecter leurs obligations contractuelles. Une solution aurait été de demander un aménagement de poste ou un congé de santé, plutôt que de recourir à la supercherie.
Les logiciels de suivi peuvent fournir des indicateurs utiles, mais ils ne mesurent pas la qualité du travail. Ils sont souvent biaisés par des comportements de contournement, comme dans ce cas. Leur fiabilité dépend de leur utilisation : s’ils servent à accompagner, ils sont utiles ; s’ils servent à sanctionner, ils risquent de nuire à la confiance et à la motivation.
Le principal enseignement est que la performance au travail ne peut se réduire à des indicateurs numériques. Une culture du résultat, accompagnée de soutien psychologique et de dialogue, est plus efficace qu’un système de surveillance rigide. La confiance, bien encadrée, reste le meilleur levier de productivité durable.
Les employeurs doivent instaurer des canaux de communication ouverts, permettre des aménagements en cas de difficultés, et privilégier les objectifs de résultat plutôt que la surveillance du temps. Former les managers à la bienveillance et au repérage des signes de souffrance au travail est également crucial.
Les employés doivent comprendre que la transparence est toujours préférable à la dissimulation. Si la pression devient insupportable, il vaut mieux demander de l’aide que de chercher des solutions détournées. Le bien-être au travail est une responsabilité partagée, pas une faiblesse à cacher.
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