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Tenue au travail en cas de canicule : ce que prévoit le nouveau décret de 2025

Alors que l’été 2025 s’installe sous des températures records, dépassant régulièrement les 35 °C, les entreprises françaises se retrouvent face à un défi inédit : concilier sécurité, confort et image professionnelle. Le décret du 27 mai 2025, entré en vigueur le 1er juillet, impose désormais aux employeurs des mesures concrètes pour protéger leurs salariés contre les effets du heatstroke. Mais derrière les obligations légales, se posent des questions humaines, pratiques, parfois délicates : peut-on exiger un costume-cravate quand le bitume fond sous les pieds ? Quelle place reste-t-il au bon sens quand les règles internes butent contre la réalité du climat ? Entre droit du travail, responsabilité sociale et adaptation terrain, les entreprises doivent naviguer entre rigueur et souplesse. Témoignages croisés, éclairages juridiques et bonnes pratiques : voici comment les organisations redéfinissent le travail en canicule.

Le décret de juillet 2025 : une avancée pour la santé au travail ?

Le 27 mai 2025, un décret publié au Journal officiel a marqué un tournant dans la gestion des risques liés à la chaleur en milieu professionnel. Applicable dès le 1er juillet, il impose aux employeurs de mettre en place des mesures préventives dès lors que les températures dépassent un certain seuil, en fonction des secteurs d’activité. Parmi les obligations : la fourniture de trois litres d’eau potable par jour et par salarié, la ventilation mécanique ou naturelle des espaces de travail, l’ajustement des horaires pour éviter les pics de chaleur, et la mise à disposition de protections solaires. Ces mesures, encadrées par le ministère du Travail, s’inscrivent dans une logique de prévention des coups de chaleur, des déshydratations et des troubles cardiovasculaires liés à la canicule.

Ce texte renforce les dispositions existantes du Code du travail, notamment l’article L4121-1, qui oblige l’employeur à garantir la santé physique de ses salariés. « La canicule n’est plus une exception météorologique, mais une donnée structurelle de notre environnement professionnel », explique Élodie Renard, inspectrice du travail en région Occitanie. « Ce décret traduit une prise de conscience : on ne peut plus ignorer que travailler sous 38 °C sans adaptation est un risque sanitaire avéré. »

Peut-on imposer une tenue formelle en période de canicule ?

La question semble simple, mais elle touche à des enjeux complexes. D’un côté, l’employeur a légalement le droit de fixer une tenue vestimentaire, notamment pour des raisons d’image, de sécurité ou d’hygiène. D’un autre côté, il ne peut pas exiger une tenue qui mettrait en danger la santé du salarié. « Le droit à un environnement de travail sain prime sur toute règle de style », précise Maître Camille Vasseur, avocate spécialisée en droit social. « Si un employeur impose un costume trois-pièces en plein canicule, sans aucune mesure compensatoire, il s’expose à des sanctions. »

C’est ce que rappelle le guide canicule 2025 publié par le ministère du Travail, qui recommande explicitement des vêtements amples, clairs et respirants. Interdire les tongs dans un bureau ? Légitime. Imposer des chemises à manches longues et des vestes en polyester en juillet ? Cela devient difficilement défendable.

Quelles adaptations sont possibles selon les secteurs ?

Le BTP : des pratiques qui évoluent sous pression thermique

Dans le bâtiment, la chaleur est un ennemi ancien. Mais les nouvelles normes poussent à une transformation des habitudes. À Nîmes, sur un chantier de rénovation urbaine, les équipes de Jean-Luc Mercier, chef de chantier chez Altis Construction, ont modifié leurs plannings dès mai. « On commence à 5 h 30, on arrête à 11 h, et on reprend après 17 h », explique-t-il. « On porte des vêtements légers, parfois mouillés, et on a des zones d’ombre avec des brumisateurs. »

La tenue vestimentaire a été adaptée en concertation avec les syndicats. « Avant, on avait des règles strictes sur les shorts. Maintenant, on autorise les bermudas techniques, respirants, mais pas les tongs. C’est un compromis entre sécurité et confort. »

Les bureaux : quand l’image corporate bute contre la transpiration

En milieu tertiaire, la tension est plus subtile. À Lyon, dans les locaux d’un cabinet de conseil, la direction a longtemps imposé une tenue « business casual » : pantalon, chemise, chaussures fermées. Mais avec les vagues de chaleur, les salariés ont fait remonter leurs inconforts. « On avait des collègues qui arrivaient trempés, des ordinateurs qui surchauffaient, des réunions qui devenaient insoutenables », témoigne Léa Tournier, consultante de 32 ans. « Un jour, j’ai osé venir en robe légère. Rien de provocant, mais j’ai eu un rappel à l’ordre. »

Depuis juillet, le cabinet a adopté une charte estivale : les chemisettes en coton, les pantalons légers et les robes sans manches sont autorisés. « On a gardé un minimum de formalité, mais on a compris que la productivité baisse quand les gens sont mal. »

Le commerce et l’accueil : entre professionnalisme et canicule

Dans les magasins ou les hôtels, la tenue est souvent liée à l’image de marque. À Bordeaux, dans une chaîne d’hôtels haut de gamme, les réceptionnistes portaient jusqu’alors des vestes et des cravates. « C’était insensé, surtout en juillet », raconte Samir Benhima, employé depuis huit ans. « On transpirait, on avait des étourdissements, et on devait rester souriants. »

Depuis le décret, la direction a assoupli les règles : la veste est facultative, les chemises peuvent être à manches courtes, et des ventilateurs ont été installés à l’accueil. « On garde une allure soignée, mais on respire un peu », sourit-il.

Les salariés ont-ils le droit de refuser une tenue jugée dangereuse ?

Oui, dans certaines conditions. Le droit de retrait, prévu par l’article L4131-1 du Code du travail, permet à un salarié de quitter son poste s’il estime qu’il est exposé à un danger grave et imminent. « Si un employeur exige une tenue qui empêche de se rafraîchir, et qu’il n’y a ni ventilation ni accès à l’eau, un salarié peut invoquer ce droit », confirme Maître Vasseur. « Mais il faut que le danger soit objectif, et qu’il y ait eu une alerte préalable. »

En pratique, peu de salariés osent franchir le pas. « La peur de représailles est réelle », admet Élodie Renard. « C’est pourquoi le dialogue social est crucial. Les délégués du personnel, les CSE, doivent jouer leur rôle de médiateur. »

Et la mixité vestimentaire ? Les inégalités persistent-elles ?

La question est sensible. En théorie, les règles s’appliquent à tous. En pratique, les femmes sont souvent plus exposées aux critiques sur leur tenue. « On entend encore des remarques sur les jupes trop courtes ou les épaules découvertes, alors que les hommes peuvent venir en manches courtes sans problème », note Léa Tournier. « Il y a un vrai décalage entre le discours sur l’égalité et la réalité du terrain. »

Le guide du ministère du Travail insiste sur l’égalité de traitement, mais ne propose pas de mesures contraignantes. « Il faut que les entreprises intègrent ces enjeux dans leurs politiques RH », plaide Élodie Renard. « Sinon, on risque de voir des ajustements vestimentaires qui pénalisent davantage les femmes. »

Quels sont les risques pour l’employeur en cas de non-respect ?

Les risques sont à la fois juridiques et humains. Un employeur qui ignore les obligations du décret s’expose à des sanctions administratives, voire pénales en cas d’accident grave. « Si un salarié fait un malaise cardiaque lié à la chaleur, et que l’employeur n’a rien fait, il peut être poursuivi pour mise en danger de la vie d’autrui », alerte Maître Vasseur.

À cela s’ajoutent des risques de conflits sociaux, de baisse de productivité, ou de départs de salariés. « La canicule amplifie les tensions existantes », observe Jean-Luc Mercier. « Quand les gens sont mal, ils parlent moins, ils travaillent moins, ils partent plus vite. »

Comment instaurer un dialogue efficace sur la tenue estivale ?

La clé réside dans la concertation. Certaines entreprises ont mis en place des comités de pilotage estivaux, associant RH, syndicats et salariés. À Toulouse, une entreprise de logistique a organisé un vote interne pour choisir la tenue recommandée en période de chaleur. « On a opté pour un pantalon technique léger, une chemisette à col, et des chaussures de sécurité respirantes », explique Inès Kebir, responsable du CSE. « Le résultat a été formalisé dans un accord local. »

« Ce n’est pas une question de laxisme, mais de bon sens », ajoute-t-elle. « Quand les gens sont impliqués, ils respectent mieux les règles. »

Peut-on imaginer une évolution durable des codes vestimentaires ?

La canicule de 2025 pourrait marquer un tournant. « On assiste à une prise de conscience collective », analyse Élodie Renard. « Ce qui était vu comme une concession temporaire devient une nécessité structurelle. »

Des entreprises comme Altervia, un groupe de services, ont annoncé la fin du costume obligatoire même en dehors des périodes de chaleur. « On mise sur l’élégance du confort, pas sur la rigidité », déclare son DRH, Thomas Lacroix. « Nos clients nous disent que l’humain passe avant le costume. »

Conclusion : entre adaptation et responsabilité

La canicule de 2025 n’a pas seulement fait grimper le thermomètre : elle a mis en lumière des failles dans la gestion du bien-être au travail. Le décret du 27 mai impose désormais des obligations claires, mais c’est dans les entreprises que se joue la véritable transformation. Entre droit, dignité et bon sens, l’adaptation de la tenue vestimentaire devient un levier de prévention, de justice sociale et de performance. Comme le dit Jean-Luc Mercier : « On ne construit pas un avenir durable en grillant nos équipes au soleil. »

FAQ

Un employeur peut-il interdire les shorts ou les robes en été ?

Oui, s’il existe une justification liée à la sécurité, à l’hygiène ou à l’image de marque. Cependant, cette interdiction doit être proportionnée et ne pas compromettre la santé du salarié. En cas de canicule, l’employeur doit proposer des alternatives confortables et respirantes.

Les employeurs doivent-ils fournir des vêtements adaptés à la chaleur ?

Le décret n’impose pas la fourniture de vêtements, mais l’employeur a l’obligation de garantir un environnement sain. Dans certains secteurs, comme le BTP, des équipements techniques (vêtements respirants, casquettes, etc.) peuvent être fournis dans le cadre des équipements de protection individuelle.

Que faire si mon employeur refuse tout assouplissement ?

Vous pouvez d’abord alerter votre hiérarchie ou le CSE. Si aucune mesure n’est prise et que vous êtes exposé à un danger grave et imminent, vous pouvez invoquer votre droit de retrait. Il est recommandé de documenter les conditions de travail et de consulter un représentant syndical ou un avocat.

Les règles sont-elles les mêmes pour les télétravailleurs ?

Le décret s’applique principalement aux lieux de travail physiques. Toutefois, si le télétravailleur est en déplacement pour l’entreprise (réunions, chantiers, etc.), les obligations de prévention s’appliquent. Pour le télétravail à domicile, la responsabilité est partagée, mais l’employeur doit accompagner sur les bonnes pratiques en cas de canicule.

Y a-t-il des aides pour les entreprises qui investissent dans la fraîcheur au travail ?

Des dispositifs existent, notamment via les OPCO ou les aides régionales pour l’amélioration des conditions de travail. Certaines entreprises peuvent bénéficier de subventions pour l’installation de brumisateurs, de ventilateurs ou de systèmes de ventilation performants.

A retenir

Quelles sont les obligations légales des employeurs en cas de canicule ?

À partir du 1er juillet 2025, les employeurs doivent ajuster les horaires, assurer la ventilation des locaux, fournir trois litres d’eau par jour et par salarié, et proposer des protections solaires. Ils doivent également adapter les tenues si celles-ci constituent un risque pour la santé.

La tenue vestimentaire peut-elle être un facteur de prévention ?

Oui. Des vêtements amples, clairs et respirants, associés à des casquettes ou lunettes de soleil, réduisent significativement les risques de coup de chaleur. Le ministère du Travail recommande ces adaptations dans son guide 2025.

Les salariés ont-ils voix au chapitre ?

Oui, via les instances représentatives du personnel (CSE, délégués syndicaux). Des accords collectifs ou des chartes internes peuvent être négociés pour définir des tenues adaptées, tout en respectant l’image de l’entreprise.

Anita

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