Thales Radiall Foxconn Usine Semiconducteurs France 2025
En mai 2025, un vent nouveau souffle sur l’industrie technologique française. L’annonce de la création d’un site d’assemblage et de test de semi-conducteurs, portée par trois géants mondiaux – Thales, Radiall et FoxConn – a résonné comme un signal fort d’un redressement stratégique. Ce projet, qui vise à établir une unité OSAT (Outsourced Semiconductor Assembly and Test) sur le sol français, n’est pas seulement une opération industrielle : c’est une réponse à une dépendance structurelle, un pari sur l’innovation et une ambition de souveraineté technologique. À l’heure où les microprocesseurs équipent tout, des voitures aux centres de données, la France tente de reprendre sa place dans une chaîne de valeur longtemps dominée par l’Asie et les États-Unis.
Un site OSAT est une usine spécialisée dans l’assemblage, le conditionnement (packaging) et les tests finaux des puces électroniques. Contrairement à la fabrication des wafers, qui demande des usines ultra-sophistiquées (les fonderies), l’OSAT intervient en aval, mais joue un rôle de plus en plus stratégique. Aujourd’hui, le packaging n’est plus une simple étape mécanique : il permet d’intégrer plusieurs composants dans un même boîtier, ce qu’on appelle le System In Package (SiP), une technologie clé pour les applications d’intelligence artificielle, les capteurs autonomes ou les communications 5G/6G.
La France, malgré une tradition d’excellence en électronique, a perdu du terrain depuis les années 2000. Alors que l’Europe produit environ 10 % des semi-conducteurs mondiaux, la France ne représente que 11 % de cette production continentale. Selon les analyses de l’Observatoire de la filière microélectronique, plus de 80 % des composants utilisés par l’industrie française sont importés, principalement d’Asie. Ce constat a poussé l’État et les industriels à agir. Le projet OSAT s’inscrit dans cette logique : il ne s’agit plus seulement de concevoir des puces, mais de maîtriser l’ensemble de la chaîne, y compris les étapes critiques de finalisation.
Élodie Mercier, ingénieure en microélectronique au CEA-Leti, explique : « Le packaging est devenu un levier de performance. Un bon assemblage peut compenser des limitations de la puce elle-même. En développant une expertise OSAT, la France gagne en agilité et en sécurité d’approvisionnement. »
L’ambition est claire : produire plus de 100 millions de System In Package par an d’ici 2031. Ce chiffre n’est pas anodin. Il positionnerait l’unité parmi les cinq plus grandes capacités OSAT en Europe, aux côtés des sites allemands et néerlandais. La production ciblera des composants à haute valeur ajoutée, destinés aux secteurs de la défense, de l’aéronautique, des télécommunications et de l’automobile.
Le choix du SiP comme technologie phare reflète une mutation du marché. Alors que les limites physiques de la miniaturisation des transistors sont atteintes, les industriels misent sur l’intégration 3D et les empilements de puces pour gagner en puissance. C’est dans ce domaine que la France espère se démarquer. « On ne peut plus compter sur la loi de Moore », souligne Julien Tisserand, responsable R&D chez Radiall. « L’innovation se déplace vers l’architecture du système. Et c’est là que notre expertise en connectique haute fréquence et en gestion thermique devient déterminante. »
Pour atteindre cet objectif, l’usine devra combiner automatisation de pointe, contrôle qualité en temps réel et traçabilité totale – des exigences imposées par les marchés de la sécurité et de la fiabilité. Le recours à des robots de précision, des caméras hyperspectrales et des algorithmes d’IA pour le diagnostic des défauts sera central.
Le consortium formé par Thales, Radiall et FoxConn est une alliance inédite, mêlant savoir-faire français et capacité de production mondiale. Chaque acteur apporte une pièce essentielle du puzzle.
Thales, acteur majeur de la défense et des systèmes critiques, impose des standards de qualité extrêmement élevés. L’entreprise fournira les spécifications techniques pour les composants destinés à des environnements extrêmes – satellites, radars, systèmes de drones. Sa présence rassure les autorités sur la sécurité des chaînes d’approvisionnement, un enjeu crucial dans un contexte géopolitique tendu.
« Dans nos systèmes, un seul composant défaillant peut compromettre une mission entière », affirme Clément Royer, directeur des approvisionnements stratégiques chez Thales. « Avoir une unité OSAT en Europe, sous contrôle industriel fiable, change la donne. »
Spécialiste des connecteurs haute performance, Radiall apporte une maîtrise fine des contraintes mécaniques, thermiques et électromagnétiques. Le packaging des SiP exige une gestion précise des interférences, de la dissipation de chaleur et des vibrations – des domaines où Radiall excelle depuis des décennies.
« Nos solutions sont déjà utilisées dans les centres spatiaux et les sous-marins », précise Élodie Mercier. « Adapter cette expertise au packaging de puces, c’est naturel. Et c’est aussi une opportunité de créer des emplois qualifiés en France. »
Le plus surprenant dans ce partenariat est la participation de FoxConn, le géant taïwanais de l’assemblage électronique, connu pour fabriquer les iPhone d’Apple. Cette implantation en Europe est historique : c’est la première usine de ce type que FoxConn installe sur le Vieux Continent. L’entreprise apporte une expertise inégalée en logistique, en automatisation de masse et en gestion de chaînes de production complexes.
« Nous voyons une demande croissante en Europe pour des chaînes locales, plus résilientes », déclare Li Wei Zhang, directeur opérationnel de FoxConn Europe. « Ce projet est un laboratoire : il nous permet de tester un modèle de production haut de gamme, en circuit court, avec des normes européennes. »
L’investissement total devrait dépasser 250 millions d’euros, dont une partie cofinancée par l’Union européenne dans le cadre du Chips Act. Ce plan, lancé en 2023, vise à porter la part de production européenne de semi-conducteurs à 20 % du marché mondial d’ici 2030 – contre 10 % aujourd’hui. La France, avec ce projet, positionne son territoire comme un hub européen de l’assemblage avancé.
Sur le plan local, l’usine devrait créer entre 300 et 400 emplois directs, principalement des ingénieurs, techniciens et spécialistes en maintenance de machines de précision. Des filières de formation sont déjà en cours de développement avec les universités de Toulouse, Grenoble et Saclay. « Ce n’est pas seulement une usine, c’est un écosystème », insiste Sophie Lenoir, directrice du pôle de compétitivité Systematic Paris-Île-de-France.
À plus long terme, le site pourrait attirer d’autres fournisseurs : matériaux d’emballage, équipementiers en tests, logiciels de simulation. Un effet de levier similaire à celui observé autour des usines de batteries électriques ces dernières années.
Malgré l’enthousiasme, plusieurs obstacles subsistent. Le premier est la concurrence. Taïwan, la Corée du Sud et les États-Unis disposent d’infrastructures OSAT bien établies, avec des économies d’échelle difficiles à rattraper. Le coût de la main-d’œuvre en France est également plus élevé, ce qui pèse sur la rentabilité.
Le second défi est technologique. L’assemblage de SiP exige des machines extrêmement précises, souvent importées du Japon ou des États-Unis. La France devra négocier des accords d’accès à ces technologies, dans un contexte de restrictions export sur les équipements sensibles.
Enfin, la question du sourcing des wafers reste ouverte. L’usine OSAT ne fabriquant pas les puces brutes, elle dépendra de fonderies comme STMicroelectronics, GlobalFoundries ou TSMC. Or, ces dernières sont déjà saturées. « Il faudra sécuriser des quotas de production », estime Julien Tisserand. « Sans cela, notre usine risque de tourner au ralenti. »
Le projet OSAT s’inscrit dans une course mondiale à la souveraineté technologique. Les États-Unis ont lancé le CHIPS and Science Act, la Chine investit massivement, l’Inde développe ses propres fonderies. L’Europe, longtemps en retard, tente de rattraper son retard.
La France, avec ses centres de recherche (CEA-Leti, CNRS), ses champions industriels et son réseau universitaire, dispose d’atouts. Mais elle doit aller plus vite. « Nous avons l’excellence, mais pas encore l’échelle », reconnaît Élodie Mercier. « Ce projet est une chance. Il faut la saisir. »
Le choix de localiser l’usine en France, plutôt qu’en Europe de l’Est ou en Espagne, n’est pas neutre. Il reflète une volonté politique de renforcer le leadership français dans les technologies critiques. Le ministère de l’Économie suit le dossier de près, avec des incitations fiscales et des facilités administratives.
Le projet OSAT porté par Thales, Radiall et FoxConn est bien plus qu’une usine. C’est un symbole de renaissance industrielle, une réponse à une dépendance technologique, et une ambition de leadership européen. En misant sur le packaging avancé, la France contourne la course coûteuse à la fabrication de wafers pour se positionner sur un segment où elle peut encore innover.
Avec 100 millions de SiP par an d’ici 2031, des emplois qualifiés, et une intégration dans la chaîne de valeur mondiale, ce site pourrait devenir un pilier de la souveraineté numérique européenne. Reste à transformer l’ambition en réalité, en surmontant les défis logistiques, technologiques et humains. Comme le dit Clément Royer : « Ce n’est pas une usine qu’on construit. C’est une nouvelle ère qu’on prépare. »
Un OSAT est une unité spécialisée dans l’assemblage, le conditionnement et le test final des semi-conducteurs. Ce segment, longtemps sous-estimé, devient stratégique avec l’émergence des systèmes intégrés comme le System In Package (SiP), où la performance dépend autant du packaging que de la puce elle-même.
L’usine vise à produire plus de 100 millions de SiP par an d’ici 2031, ce qui la placerait parmi les leaders européens du secteur. La production ciblera des composants pour la défense, l’aéronautique, les télécoms et l’automobile.
FoxConn, géant taïwanais de l’assemblage électronique, apporte son expertise en production de masse et en automatisation. Il s’agit de sa première implantation industrielle en Europe, marquant une volonté de diversification géographique et de rapprochement des marchés européens.
Le projet représente un investissement supérieur à 250 millions d’euros, soutenu en partie par le Chips Act européen. Il vise à attirer d’autres partenaires industriels et à créer entre 300 et 400 emplois directs.
Les principaux défis sont la concurrence internationale, le coût de la main-d’œuvre en France, l’accès aux machines de pointe, et la sécurisation des approvisionnements en wafers bruts. La réussite dépendra de la coordination entre les partenaires et du soutien continu des pouvoirs publics.
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