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Treize morts au Koweït en 2025 à cause d’alcool frelaté : ce que l’on sait sur l’intoxication au méthanol

Un drame silencieux s’est abattu sur une communauté de travailleurs migrants, révélant l’ampleur d’un fléau trop souvent ignoré : l’alcool frelaté. Treize morts, des dizaines d’hospitalisations, des vies détruites en quelques jours. Ce n’est pas un accident, mais le résultat d’un réseau clandestin, de carences réglementaires et d’une vulnérabilité sociale profonde. Alors que les enquêtes avancent, les questions s’accumulent : comment une boisson peut-elle devenir une arme mortelle ? Qui sont les victimes, et pourquoi ces travailleurs étaient-ils exposés à un tel risque ? Et surtout, que faut-il changer pour que cela ne se reproduise plus ?

Comment l’alcool frelaté provoque-t-il des effets aussi rapides et mortels ?

Le méthanol, principal responsable de ce drame, n’est pas un simple contaminant : c’est un poison redoutable. Contrairement à l’éthanol, présent dans les boissons alcoolisées légales, le méthanol n’est pas métabolisé de la même manière par l’organisme. Une fois ingéré, il se transforme en formaldéhyde, puis en acide formique, deux substances hautement toxiques. Ces composés attaquent directement le système nerveux, les yeux et les reins, provoquant des lésions irréversibles en quelques heures.

Les symptômes apparaissent souvent tardivement, ce qui rend l’alerte particulièrement insidieuse. Au début, les victimes ressentent des maux de tête, des nausées, une confusion mentale. Puis, en l’espace de 12 à 24 heures, la détérioration s’accélère : troubles de la vision, cécité, insuffisance rénale aiguë, et parfois arrêt respiratoire. C’est ce qui s’est produit chez Rajiv Nair, 38 ans, ouvrier en construction à Koweït. “Il a bu une bouteille le vendredi soir, raconte son collègue Arjun Patel. Le lendemain, il ne voyait plus clair. On l’a emmené à l’hôpital, mais il était trop tard. Le médecin a dit que son cerveau était déjà endommagé.”

À l’hôpital Al-Sabah, les équipes médicales ont été confrontées à une vague sans précédent. Le Dr Leila Mansour, chef du service des urgences, décrit une “situation d’urgence sanitaire totale”. “Nous avons reçu 63 patients en cinq jours. Beaucoup étaient déjà en coma. Vingt-et-un ont perdu la vue. Trente-et-un ont dû être intubés. Et cinquante-et-un ont nécessité une dialyse d’urgence. Le méthanol détruit les reins très vite. Sans traitement rapide, la mort est inéluctable.”

Le traitement existe, mais il est complexe. L’antidote, l’éthanol ou le fomepizole, doit être administré rapidement pour bloquer la transformation du méthanol. Ensuite, une dialyse est souvent nécessaire pour éliminer les toxines. Mais dans un contexte de surcharge hospitalière, ces ressources sont limitées. “On a dû trier les cas, confie un infirmier sous anonymat. Certains sont morts parce qu’on n’avait pas assez de machines de dialyse.”

Pourquoi les travailleurs migrants sont-ils particulièrement exposés ?

Les victimes de cette intoxication appartiennent toutes à un même groupe : des travailleurs migrants originaires d’Asie du Sud, employés dans le secteur de la construction. Ils vivent dans des logements collectifs, partagent des repas, des loisirs, et désormais, un flacon empoisonné. Leur vulnérabilité est structurelle : éloignés de leur famille, soumis à des conditions de travail exigeantes, et privés d’accès à des loisirs légaux, certains cherchent un exutoire dans l’alcool.

Mais au Koweït, la loi est claire : l’importation d’alcool est interdite depuis 1964, et sa consommation a été criminalisée dans les années 1980. Cette prohibition totale n’a pas éliminé la demande, elle l’a simplement poussée dans l’ombre. “On ne peut pas acheter d’alcool légalement, explique Arjun Patel. Mais après douze heures de travail sous 45 degrés, on a envie de se détendre. Alors on trouve d’autres moyens.”

Les enquêtes révèlent que deux individus, d’origine asiatique eux aussi, organisaient la distribution d’alcool de contrebande. Ils vendaient des bouteilles à bas prix, sans étiquette, sans origine connue. “On savait que c’était risqué, avoue un autre ouvrier, Mohan Das. Mais c’était tout ce qu’on avait. Et le prix… 10 dinars pour une bouteille ? Moins cher qu’un repas. On pensait que c’était juste de la mauvaise qualité.”

Le phénomène s’est intensifié après la saisie, en juillet, de plusieurs usines clandestines par les forces de sécurité. Ces raids ont certes détruit des stocks, mais ils ont aussi provoqué une pénurie dans le marché noir, poussant d’autres acteurs à produire en urgence, sans respecter les normes de sécurité. “C’est la loi de l’offre et de la demande dans l’illégalité”, analyse Sami Khoury, chercheur en santé publique à l’Université de Koweït. “Quand on ferme un circuit, un autre se crée, souvent plus dangereux.”

Quelle réponse judiciaire et sanitaire face à un tel drame ?

Les autorités ont lancé une enquête conjointe, impliquant la police, les services de santé publique et la médecine légale. Les treize corps ont été autopsiés, et les analyses toxicologiques ont confirmé la présence massive de méthanol dans le sang des victimes. Ces rapports serviront de preuve dans les poursuites pénales contre les deux distributeurs présumés, actuellement en détention.

Les enquêteurs reconstituent également les flux de distribution. Grâce aux témoignages et aux relevés de transactions en espèces, ils ont identifié plusieurs points de vente informels dans les quartiers ouvriers. Des perquisitions ont permis de saisir des dizaines de bouteilles non étiquetées, dont certaines ont été analysées positivement au méthanol. “Nous avons démantelé un réseau organisé, affirme le colonel Faisal Al-Rashid, porte-parole de la police nationale. Ces individus savaient ce qu’ils vendaient. Ce n’est pas de la négligence, c’est de l’empoisonnement criminel.”

Parallèlement, le ministère de la Santé a mis en place un dispositif d’urgence : lignes d’assistance, dépistage gratuit dans les camps de travailleurs, et campagnes d’information en plusieurs langues. Des affiches en bengali, en ourdou et en tamoul ont été placardées dans les logements, expliquant les symptômes de l’intoxication et les numéros d’urgence. “Il faut que les gens sachent qu’un mal de tête après avoir bu peut être un signe mortel”, insiste le Dr Hala Jaber, responsable de la prévention au ministère.

Les autorités ont aussi appelé les employeurs à jouer un rôle actif. “Les entreprises doivent surveiller les comportements de leurs employés, former les superviseurs, et signaler tout signe d’intoxication”, précise un communiqué officiel. Mais sur le terrain, la réalité est plus complexe. “Notre patron ne veut pas savoir, confie Mohan Das. S’il apprend qu’on boit, il nous vire. Alors on se tait, même quand on ne va pas bien.”

Quelles leçons tirer pour éviter de nouveaux drames ?

Ce drame ne doit pas rester un événement isolé. Il met en lumière une faille profonde dans la politique de santé publique : l’interdiction totale de l’alcool, sans alternative légale ni prise en charge psychosociale, crée un vide que l’illégalité remplit – souvent avec des conséquences mortelles.

Les experts appellent à une approche plus nuancée. “On ne peut pas réguler ce qui n’existe pas officiellement”, souligne Sami Khoury. “Il faut soit légaliser un accès contrôlé à l’alcool, soit renforcer massivement la prévention, la surveillance et les soins. Actuellement, on fait ni l’un ni l’autre.”

Des solutions existent. Certains pays du Golfe, comme le Qatar ou Bahreïn, autorisent la vente d’alcool dans des établissements hôteliers ou des clubs privés, avec un contrôle strict. Cela ne supprime pas le marché noir, mais il le réduit. “L’idée n’est pas de promouvoir la consommation, mais de la rendre moins dangereuse”, explique le Dr Jaber.

En parallèle, des programmes de santé au travail pourraient être mis en place : dépistage précoce, sensibilisation aux risques, accès à des espaces de loisir sûrs. “Ces hommes travaillent dur, ils sont loin de chez eux, ils ont besoin de respirer”, dit Arjun Patel. “Mais respirer ne devrait pas vouloir dire mourir.”

A retenir

Qu’est-ce que l’alcool frelaté et pourquoi est-il si dangereux ?

L’alcool frelaté désigne des boissons alcoolisées contaminées par des substances toxiques, notamment du méthanol. Ce dernier, métabolisé en acide formique dans l’organisme, attaque le système nerveux, les yeux et les reins, provoquant cécité, coma et mort en quelques heures. Contrairement à l’éthanol, il n’a aucun effet euphorisant notable, mais ses effets lents et insidieux empêchent une alerte rapide.

Pourquoi les travailleurs migrants sont-ils les principales victimes ?

Les travailleurs migrants, souvent isolés, soumis à des conditions de travail difficiles et privés d’accès à des loisirs légaux, constituent un groupe vulnérable. Dans des pays où l’alcool est interdit, la demande persiste, alimentant un marché noir informel. L’absence de contrôle, de traçabilité et d’information rend ces consommateurs particulièrement exposés à des produits dangereux.

Quelles mesures peuvent empêcher de nouveaux drames ?

Plusieurs pistes sont envisageables : légaliser un accès contrôlé à l’alcool pour réduire le marché noir, renforcer les campagnes de prévention en langues vernaculaires, impliquer les employeurs dans la surveillance sanitaire, et développer des programmes de santé mentale et de loisir pour les travailleurs migrants. Une politique de santé publique efficace doit combiner régulation, éducation et prise en charge médicale.

Quel est le rôle des autorités dans la prévention de l’alcool frelaté ?

Les autorités doivent agir à plusieurs niveaux : sécuriser les chaînes de distribution, démanteler les réseaux criminels, informer rapidement la population lors d’intoxication collective, et garantir un accès rapide aux soins. Elles doivent aussi repenser les cadres législatifs qui, en interdisant totalement l’alcool sans alternative, favorisent l’émergence de circuits clandestins mortels.

Anita

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