Ukraine Le Memorandum De Budapest En 2025 Et Les Garanties
En 1994, l’Ukraine fait un choix historique : abandonner le troisième arsenal nucléaire mondial en échange de garanties de sécurité. Trente ans plus tard, ce pacte, censé assurer la paix, apparaît comme une promesse brisée. Aujourd’hui, alors que le pays lutte pour sa survie, la question revient avec une urgence renouvelée : comment construire des garanties de sécurité qui ne se réduisent pas à des mots sur papier ? L’expérience de Budapest a laissé des traces profondes, non seulement dans les mémoires politiques, mais aussi dans les tranchées, les bunkers et les salles de crise. Ce n’est plus une affaire de diplomatie abstraite, mais de crédibilité face à l’agression. L’Ukraine ne demande plus des serments, mais des engagements exécutoires.
Lorsque le général Jérôme Pellistrandi évoque la dénucléarisation de l’Ukraine, il insiste sur un paradoxe : un pays qui renonce à une puissance de dissuasion sans obtenir, en retour, une protection effective. En 1994, Kiev, sous pression internationale, rend des milliers de têtes nucléaires à Moscou. En échange, les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie signent un mémorandum à Budapest, garantissant l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Ce document repose sur les principes de l’Acte final d’Helsinki : respect de la souveraineté, des frontières, et non-intervention. À l’époque, l’atmosphère est à l’apaisement. La guerre froide semble terminée, la Russie de Boris Eltsine apparaît affaiblie, et l’Occident croit avoir instauré un nouvel ordre de sécurité collective.
Pourtant, dès 2014, ce cadre s’effondre. L’annexion de la Crimée par la Russie est un camouflet pour les signataires du mémorandum. Aucune des grandes puissances ne réagit militairement. Le texte, pourtant censé protéger l’Ukraine, ne comporte aucun mécanisme d’application. Il prévoit des consultations et un recours au Conseil de sécurité de l’ONU, mais pas d’obligation d’intervention. Comme le souligne Nicolas Tenzer, cette absence de levier concret transforme les garanties en simple déclaration d’intention. L’adversaire, observant ce vide, en tire une conclusion stratégique : il peut agir sans risque majeur.
Le général Pellistrandi se souvient d’une conversation à Lviv, en 2021, avec un colonel ukrainien en poste à la frontière est. « Si on avait gardé une seule ogive, dit-il, personne n’aurait osé », son regard fixait l’horizon comme s’il pouvait encore voir les silos vides du passé. Ce sentiment, partagé par de nombreux militaires ukrainiens, révèle une douleur collective : le désarmement n’a pas été suivi de la sécurité promise. Le mémorandum, conçu comme un gage de confiance, devient, avec le recul, un symbole de naïveté tragique.
En 2014, la Crimée est annexée. En 2022, l’invasion totale commence. À chaque étape, l’Ukraine invoque le Mémorandum de Budapest. À chaque fois, la réponse est l’absence. Volodymyr Zelensky, le 4 mars 2022, dix jours après le début de l’offensive russe, prononce une phrase restée célèbre : « cinquante tonnes de carburant diesel » pour « brûler le Mémorandum de Budapest ». C’est un cri de colère, mais aussi un constat lucide : un engagement sans conséquence n’est pas un engagement.
Le contexte de 1994 explique en partie cet échec. La Russie d’Eltsine, en pleine transition, n’est pas perçue comme une menace immédiate. L’Occident, focalisé sur l’intégration européenne des anciens satellites soviétiques, sous-estime les ambitions de Moscou. Quant à l’Ukraine, elle est alors traversée par des luttes d’influence entre oligarques, ce qui affaiblit sa position diplomatique. Les garanties, dans ce contexte, restent largement symboliques. Elles reposent sur la bonne foi des acteurs, non sur des obligations contraignantes.
Nicolas Tenzer pointe une erreur stratégique majeure : la non-intervention en 2014. Selon lui, une réponse ferme à l’annexion de la Crimée aurait pu dissuader Moscou d’aller plus loin. « La dissuasion, ce n’est pas seulement la force, c’est la perception du coût », affirme-t-il. En laissant passer ce test, l’Occident a envoyé un signal ambigu : certaines frontières peuvent être redessinées par la force. Ce calcul a changé la donne. Vladimir Poutine, observant l’absence de réaction, a pu ajuster sa stratégie, estimant que l’Ukraine ne serait pas défendue au-delà des mots.
À l’est de Bakhmut, un soldat nommé Oleksandr, ancien ingénieur en chimie, raconte : « On s’est fait avoir une fois. On ne se fera pas avoir deux fois. » Il parle des discussions dans les abris, la nuit, entre deux rotations. « On sait que les garanties, si elles ne sont pas appuyées par des canons, des avions, des troupes prêtes à venir, ça ne vaut rien. » Ce sentiment, répandu dans les unités combattantes, montre que la crédibilité des engagements internationaux se mesure désormais à l’aune du sacrifice.
Le débat actuel sur les garanties de sécurité ne porte plus sur la forme, mais sur la substance. L’Ukraine ne veut plus d’un document symbolique. Elle exige des mécanismes concrets, mesurables, et surtout applicables. Dans les discussions à la Maison-Blanche, à Londres ou à Berlin, on parle désormais de « garanties fournies par divers pays européens, en coordination avec les États-Unis ». Mais que signifie concrètement une telle promesse ?
Une garantie crédible doit répondre à trois critères : elle doit être vérifiable, ferme, et sans ambiguïté. Vérifiable, car il faut pouvoir s’assurer que les engagements sont tenus. Ferme, car elle doit inclure des sanctions ou des actions automatiques en cas de violation. Sans ambiguïté, car l’adversaire ne doit jamais douter des conséquences de son geste. Comme le souligne Nicolas Tenzer, la dissuasion fonctionne quand le coût de l’agression est immédiatement perçu comme insupportable.
Des propositions émergent : des déploiements militaires permanents dans des pays alliés proches de l’Ukraine, des accords de défense mutuelle similaires à l’article 5 de l’OTAN, ou encore des plans d’intervention d’urgence activables en heures. Certains évoquent même un « bouclier européen », un dispositif multilatéral de protection qui ne dépendrait pas uniquement de la volonté des États-Unis. Mais ces idées restent en discussion, freinées par les hésitations des chancelleries européennes.
À Kyiv, Iryna Kovalenko, diplomate de carrière, travaille sur les dossiers de sécurité depuis 2014. « On a appris à ne plus croire aux lettres de confort, dit-elle. Ce qu’il nous faut, ce sont des plans opérationnels, des lignes rouges clairement tracées, des forces prêtes à intervenir. Pas des communiqués de presse après coup. » Elle cite l’exemple de la Suède et de la Finlande, qui, après des décennies de neutralité, ont rejoint l’OTAN face à la menace russe. « Eux, ils ont compris : la sécurité, ce n’est pas une déclaration, c’est une alliance avec des dents. »
Les leçons de l’histoire sont claires : la dissuasion ne repose pas sur des promesses, mais sur des contraintes tangibles. Un engagement de sécurité doit donc inclure des mécanismes de défense, de sanctions coordonnées, et une capacité de réponse rapide. Il faut des calendriers précis, des moyens alloués, et des procédures d’activation automatique. Comme dans un système d’alerte précoce, chaque étape doit être prévue, chaque réaction calibrée.
Des experts militaires proposent des scénarios concrets : un système de « garanties multilatérales », où un groupe de pays s’engage à réagir collectivement en cas d’agression contre l’Ukraine. Cette réaction pourrait inclure des sanctions économiques immédiates, un embargo total, un déploiement de forces de défense, ou un soutien logistique massif. L’essentiel est que l’engagement soit ex ante, non ex post. Il ne s’agit pas de condamner après l’acte, mais de dissuader avant.
Le général Pellistrandi insiste sur l’importance de la coordination. « Une garantie individuelle, même de la part d’un grand pays, est fragile. Ce qui compte, c’est la solidarité. Quand dix pays disent “nous interviendrons”, le message est différent. » Il évoque des exercices militaires conjoints, des dépôts d’armes pré-positionnés, des accords de transit pour les renforts. « Ce sont ces détails techniques qui font la différence entre une promesse et une protection. »
À l’automne 2023, un exercice de simulation a été mené à Bruxelles, réunissant des responsables militaires de dix pays. Le scénario : une attaque russe contre un convoi d’aide humanitaire en territoire ukrainien. La question posée : comment réagir en moins de 24 heures ? Les résultats ont montré des lacunes majeures : coordination lente, absence de commandement unifié, hésitations politiques. Ce genre de test, selon Iryna Kovalenko, doit devenir systématique. « Il faut que les mécanismes soient rodés comme un réflexe. Parce que dans la guerre, il n’y a pas de seconde chance. »
Le 5 décembre 2023, à l’occasion des trente ans du Mémorandum de Budapest, Volodymyr Zelensky a lancé un appel sans équivoque : « Ce document n’a pas fonctionné un seul jour. » Il a appelé à la création d’un nouveau cadre de sécurité, fondé non sur la confiance, mais sur la contrainte. L’Ukraine ne cherche plus à être rassurée, elle cherche à être protégée.
Ses attentes sont claires : des engagements écrits, signés par plusieurs pays, incluant des plans d’action précis. Elle souhaite des déploiements militaires alliés sur son territoire, des livraisons d’armes garanties sur le long terme, et un accès prioritaire à la défense européenne. Elle demande aussi que les sanctions contre la Russie soient automatiquement renforcées en cas de nouvelle agression.
La guerre a changé la donne. Comme le dit Oleksandr, le soldat de Bakhmut : « On a payé le prix dans le sang. Maintenant, on veut des actes, pas des discours. » Ce sentiment, partagé par des millions d’Ukrainiens, impose une responsabilité nouvelle aux pays occidentaux. Le temps des promesses est révolu. Le temps des garanties exécutoires a commencé.
Parce qu’il ne prévoyait aucun mécanisme d’application en cas de violation. Les garanties étaient politiques, non juridiquement contraignantes, et reposaient sur la bonne foi des signataires, dont la Russie elle-même.
Que l’absence de réponse ferme à une première agression peut encourager une escalade. L’inaction de 2014 a été interprétée par Moscou comme un feu vert pour aller plus loin.
Des engagements précis, des plans d’action détaillés, des moyens alloués, des lignes rouges clairement définies, et des mécanismes d’intervention rapide et coordonnée.
Non. Elle exige une solidarité collective, car seule une réponse unie et multilatérale peut dissuader une puissance comme la Russie.
Elles peuvent offrir une protection partielle, mais ne remplacent pas l’engagement automatique de l’article 5. L’adhésion à l’OTAN reste l’objectif ultime pour l’Ukraine.
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