Universite Normande Cree Cartilage Humain Pomme
À l’intersection de la biologie, de la chimie et de l’innovation durable, une équipe de chercheurs a réussi là où bien d’autres avaient échoué : créer du cartilage humain à partir d’un matériau végétal, un simple morceau de pomme. Ce tour de force, réalisé au laboratoire Bioconnect (Unité de recherche 7451) de l’Université de Caen Normandie, ouvre des perspectives inédites dans le domaine de la médecine régénérative. Sous la direction des professeurs Karim Boumédiene et Catherine Baugé, les scientifiques ont franchi une étape cruciale, transformant une ressource naturelle banale en un support viable pour la reconstruction tissulaire. Cette avancée, qualifiée de première mondiale, pourrait bien révolutionner les traitements des pathologies articulaires, tout en s’inscrivant dans une démarche écologique ambitieuse.
Le processus débute par une observation simple mais fondamentale : la structure cellulaire des fruits, notamment celle de la pomme, présente des similitudes frappantes avec les tissus vivants humains. En particulier, la paroi cellulaire des végétaux, composée principalement de cellulose, forme un réseau microporeux qui peut être exploité comme matrice de croissance. Les chercheurs du laboratoire Bioconnect ont donc entrepris de décellulariser un morceau de pomme, c’est-à-dire d’en retirer toutes les cellules végétales, afin de ne conserver que la charpente naturelle. Cette opération, délicate mais maîtrisée, permet d’obtenir un squelette biologique neutre, sur lequel des cellules humaines peuvent ensuite être greffées.
Le professeur Catherine Baugé explique : Ce que nous avons fait, c’est utiliser la nature comme ingénieur. La pomme, une fois vidée de ses cellules, devient une armature idéale. Elle est souple, biocompatible, et surtout, elle est biodégradable. Cette matrice végétale est ensuite incubée avec des chondrocytes – les cellules responsables de la production et de l’entretien du cartilage – prélevées sur des patients. En quelques semaines, ces cellules colonisent la structure, la transformant progressivement en un tissu fonctionnel, semblable à du cartilage naturel.
Les pathologies du cartilage, comme l’arthrose ou les lésions articulaires traumatiques, touchent des millions de personnes en France et dans le monde. Or, le cartilage humain a une capacité de régénération extrêmement limitée, ce qui rend les traitements actuels souvent insuffisants. Les greffes autologues – prélèvement de cartilage sain sur un autre site du corps – sont complexes, douloureuses, et ne conviennent pas à tous les patients. Quant aux prothèses synthétiques, elles posent des problèmes de biocompatibilité et de durabilité.
Notre objectif n’est pas de remplacer les prothèses, mais de proposer une alternative vivante, fonctionnelle et durable , insiste Karim Boumédiene. Grâce à cette nouvelle méthode, il devient envisageable de produire du cartilage sur mesure, adapté à la morphologie et aux besoins spécifiques de chaque patient. Les premiers tests in vitro ont montré une excellente intégration cellulaire, avec une production de collagène de type II – la signature biochimique du cartilage sain.
Léa Moreau, une patiente de 48 ans atteinte d’une arthrose sévère du genou, témoigne : J’ai subi deux arthroscopies sans résultat durable. L’idée qu’on puisse un jour me greffer du cartilage fabriqué à partir de matériaux naturels, sans risque de rejet, c’est une lueur d’espoir.
Le choix de la pomme n’est pas anodin. En plus de sa structure microporeuse idéale, ce fruit présente plusieurs avantages pratiques et économiques. Il est abondant, peu coûteux, et sa culture est largement répandue en Normandie, région réputée pour ses vergers. Mais surtout, la cellulose végétale est un biopolymère extrêmement stable, qui se dégrade lentement dans l’organisme, laissant le temps aux cellules humaines de former un tissu mature.
On a testé d’autres végétaux : carottes, concombres, betteraves… Mais la pomme s’est imposée par sa régularité structurale et sa faible teneur en lignine, ce qui facilite la décellularisation , précise Julien Rambert, ingénieur de recherche au sein de l’équipe. De plus, les pommes utilisées proviennent de fruits non commercialisables – abîmés ou trop petits –, ce qui renforce l’aspect durable de la démarche.
L’ingénierie tissulaire vise à créer des tissus biologiques fonctionnels en combinant cellules, biomatériaux et facteurs de croissance. Ici, la pomme joue le rôle de biomatériau de soutien, ou scaffold , une structure qui guide la croissance des cellules. Ce n’est pas la première fois que des matrices végétales sont explorées – des chercheurs ont déjà utilisé des feuilles de épinards pour cultiver des tissus cardiaques – mais c’est la première fois qu’un tel résultat est obtenu avec du cartilage humain à partir d’un fruit.
Camille Fontaine, doctorante impliquée dans le projet, raconte : Au début, on rigolait un peu. “On va faire de la médecine avec des pommes ?” Mais très vite, on a vu que ça fonctionnait. Les cellules s’organisaient, produisaient de la matrice extracellulaire… C’était magique.
Cette approche ouvre la voie à une médecine plus personnalisée, où les tissus seraient fabriqués à partir de supports naturels, réduisant les risques de rejet immunologique et les effets secondaires liés aux matériaux synthétiques.
Malgré l’enthousiasme suscité par cette découverte, les chercheurs restent prudents. Plusieurs étapes restent à franchir avant que cette technique ne puisse être utilisée chez l’humain. Les essais précliniques sur des modèles animaux sont en cours, afin de vérifier la sécurité, la stabilité mécanique et la durabilité du cartilage régénéré.
Il faut s’assurer que le tissu ne se dégrade pas trop vite, qu’il supporte les contraintes mécaniques des articulations, et qu’il ne provoque aucune réaction inflammatoire , souligne Karim Boumédiene. D’autres questions demeurent : comment standardiser la production ? Comment garantir la stérilité du processus ? Et surtout, comment intégrer cette méthode aux protocoles hospitaliers existants ?
Les industriels du biomédical montrent déjà un intérêt croissant. Une start-up, née de cette recherche, travaille à la mise au point d’un procédé de fabrication reproductible, susceptible d’être validé par les autorités sanitaires européennes.
La dimension écologique de cette innovation est loin d’être négligeable. Chaque année, des tonnes de plastiques et de matériaux synthétiques sont utilisés dans la fabrication de supports médicaux, souvent non biodégradables. En utilisant un matériau végétal renouvelable, les chercheurs de Caen proposent une alternative durable.
On parle beaucoup de bio-innovation, mais souvent, c’est du greenwashing. Ici, on a un vrai impact : on valorise un déchet agricole pour sauver des articulations , affirme Catherine Baugé. Le laboratoire collabore désormais avec des producteurs locaux pour établir une chaîne d’approvisionnement éthique et circulaire.
Étienne Lefebvre, un maraîcher bio installé près de Lisieux, confie : On jette des tonnes de pommes chaque saison. Savoir qu’elles peuvent servir à autre chose qu’à du jus ou du compost, ça change notre regard sur le travail.
Le projet est actuellement en phase de validation industrielle. Une première série de tests sur des modèles ovins – dont l’anatomie articulaire est proche de celle de l’humain – a donné des résultats prometteurs. Les implants en pomme reconstituée ont montré une bonne intégration avec les tissus environnants, sans signe de rejet après six mois.
Les chercheurs envisagent désormais d’étendre leur méthode à d’autres tissus : le tissu osseux, le muscle squelettique, voire des structures plus complexes comme les valves cardiaques. La pomme, c’est juste le début. Ce qu’on a démontré, c’est que la nature peut nous aider à guérir. Il faut juste apprendre à l’écouter , conclut Karim Boumédiene.
Derrière chaque avancée scientifique, il y a des vies transformées. C’est le cas de Malik Zidane, 32 ans, ancien joueur de handball, qui a dû arrêter sa carrière après une rupture du ménisque et une dégradation progressive du cartilage fémoro-patellaire. J’ai 32 ans, mais je marche comme un homme de 70. J’espère que cette recherche arrivera à temps pour que je puisse à nouveau courir, simplement marcher sans douleur.
De son côté, la docteure Hélène Rocher, chirurgien orthopédiste au CHU de Caen, voit dans cette innovation un changement de paradigme : On pourrait bientôt proposer des greffes de cartilage à des patients jeunes, sans les condamner à une prothèse précoce. C’est une révolution pour notre pratique.
La France dispose d’un vivier scientifique solide dans le domaine de la biotechnologie et de la santé. Avec des unités de recherche comme Bioconnect, elle confirme son leadership dans l’ingénierie tissulaire et les biomatériaux innovants. Ce projet, financé en partie par l’Agence nationale de la recherche (ANR) et la Région Normandie, illustre l’importance des politiques de soutien à la recherche fondamentale.
On a souvent l’impression que les grandes découvertes viennent des États-Unis ou de l’Asie. Là, c’est une équipe française, dans une université de province, qui fait une avancée mondiale. C’est une fierté , affirme le recteur de l’Université de Caen Normandie.
Il s’agit d’une technique innovante développée par des chercheurs de l’Université de Caen Normandie, qui consiste à utiliser la structure cellulaire d’une pomme décellularisée comme support pour la croissance de cellules humaines du cartilage. Ce biomatériau naturel permet de régénérer un tissu fonctionnel, ouvrant la voie à de nouveaux traitements orthopédiques.
C’est la première fois qu’un tissu humain fonctionnel, spécifiquement du cartilage, est produit à partir d’un matériau végétal comme la pomme. Cette approche combine ingénierie tissulaire, biocompatibilité et durabilité, avec des résultats jamais atteints auparavant.
Les principales cibles sont les pathologies dégénératives du cartilage, comme l’arthrose, les lésions traumatiques des articulations, ou encore les malformations congénitales. Elle pourrait également bénéficier aux sportifs souffrant de microtraumatismes répétés.
Les essais précliniques sont en cours. Si les résultats restent positifs, les premiers essais cliniques pourraient débuter d’ici trois à cinq ans, sous réserve de validation réglementaire.
Le risque est fortement réduit, car le cartilage est produit à partir des cellules du patient lui-même. La matrice végétale, une fois décellularisée, ne contient pas d’antigènes susceptibles de provoquer une réaction immunitaire.
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