Categories: Utile

Une usine révolutionnaire va produire un carburant d’aviation durable à partir d’éthanol en 2025

Alors que le monde cherche désespérément des solutions pour limiter le réchauffement climatique, l’aviation, longtemps pointée du doigt pour ses émissions massives, entre lentement dans l’ère de la décarbonation. Un acteur inattendu émerge du paysage industriel américain : LanzaJet, une entreprise innovante basée à Chicago, s’apprête à marquer une rupture technologique majeure avec la mise en production de carburant d’aviation durable (SAF) à base d’éthanol. Installée dans la petite ville de Soperton, en Géorgie, leur usine, après quelques retards techniques, s’apprête à entrer en service. Ce n’est pas seulement une usine qui démarre, c’est un modèle économique et écologique qui prend son envol. À travers cette aventure, des ingénieurs, des agriculteurs, des pilotes et des décideurs locaux voient dans ce projet bien plus qu’un simple changement de carburant : une transformation profonde de l’industrie aérienne, ancrée dans la circularité et la responsabilité environnementale.

Qu’est-ce que l’usine de Soperton va changer pour l’aviation ?

Un projet ambitieux, malgré les retards

L’usine de Soperton, longtemps attendue pour une mise en service en 2024, a connu des imprévus techniques, notamment liés à l’installation d’équipements complexes. Mais selon Jimmy Samartzis, PDG de LanzaJet, ces obstacles sont désormais derrière eux. « Nous avons affronté des défis d’intégration industrielle, mais chaque problème rencontré nous a rendus plus robustes », confie-t-il lors d’une visite technique organisée pour des partenaires européens. L’entrée en production, prévue avant la fin de l’année, représente une victoire non seulement technologique, mais aussi stratégique. Avec un investissement de 200 millions de dollars (environ 180 millions d’euros), ce site devient un laboratoire à ciel ouvert pour une aviation plus propre.

Un impact local et global

Le choix de Soperton n’est pas anodin. Cette bourgade rurale de Georgie, autrefois dépendante de l’agriculture traditionnelle, voit aujourd’hui affluer des emplois qualifiés. Élise Watkins, ingénieure en biotechnologie originaire de Savannah, a rejoint LanzaJet après un poste en Allemagne. « Travailler ici, c’est contribuer à quelque chose de concret. On ne parle pas de théorie, on transforme des déchets en carburant. C’est de la science appliquée au service du climat », explique-t-elle. L’usine devrait créer une centaine d’emplois directs et stimuler l’économie locale grâce à des partenariats avec des collectivités pour la collecte de déchets organiques.

Un carburant compatible avec les avions d’aujourd’hui

Contrairement à d’autres projets de carburants alternatifs, le SAF de LanzaJet n’exige aucune modification des avions ou des infrastructures aéroportuaires. Il peut être utilisé en mélange jusqu’à 50 % avec le kérosène classique, ou même en 100 % dans certains cas. Cette compatibilité est un atout décisif pour une adoption rapide. « C’est comme changer de type d’essence sans avoir à changer de voiture », résume Thomas Riegel, consultant aéronautique basé à Toulouse.

Le SAF : un carburant aux sources variées et durables

De l’éthanol à partir de déchets

Le cœur du procédé repose sur une technologie brevetée qui transforme de l’éthanol en hydrocarbures liquides, similaires au kérosène. Ce qui rend cette innovation exceptionnelle, c’est la diversité des matières premières utilisables : canne à sucre, déchets municipaux, résidus agricoles, ou même du biogaz issu de fermes de méthanisation. « L’éthanol, ce n’est plus seulement une affaire de maïs ou de betterave », précise Samartzis. « Nous pouvons l’extraire de ce que la société jette. »

Une densité énergétique supérieure

Le carburant produit par LanzaJet ne se contente pas d’être vert : il est aussi performant, voire supérieur au kérosène fossile. Les tests effectués en laboratoire montrent une densité énergétique plus élevée, ce qui signifie que, pour une même masse, il peut propulser un avion plus loin. « C’est un double avantage : moins d’émissions, plus d’efficacité », souligne Élise Watkins. De plus, les émissions de traînées de condensation — ces longs nuages blancs derrière les avions, qui contribuent au forçage radiatif — sont réduites jusqu’à 95 %, tout comme les particules fines.

Un carburant à l’épreuve des marchés

La flexibilité de la technologie permet à LanzaJet de s’adapter aux ressources disponibles localement. Au Brésil, par exemple, l’entreprise travaille avec des coopératives sucrières pour importer de l’éthanol de canne à sucre. En Europe, des discussions sont en cours avec des centres de tri pour valoriser les déchets non recyclables. « Cette modularité est la clé de la scalabilité », affirme Thomas Riegel. « On ne dépend pas d’une seule source, ce qui protège contre les tensions géopolitiques ou les pénuries. »

Comment LanzaJet participe-t-elle à une économie circulaire mondiale ?

Le rôle clé de LanzaTech

LanzaJet est filiale de LanzaTech, une entreprise pionnière dans la capture et la réutilisation du carbone. Cette société a développé une bactérie capable de transformer des gaz résiduaires — comme ceux émis par les aciéries ou les raffineries — en éthanol. « Imaginez : le CO₂ rejeté par une usine devient le carburant d’un avion », illustre Jimmy Samartzis. Ce processus, appelé « gas fermentation », est déjà opérationnel dans plusieurs pays, notamment en Chine et en Inde. LanzaJet s’appuie sur cette source d’éthanol pour alimenter son usine géorgienne, créant ainsi une chaîne de valeur circulaire.

Un modèle vertueux

À Soperton, les camions de déchets organiques arrivent chaque jour. Ces résidus, une fois fermentés, produisent de l’éthanol, qui est ensuite converti en carburant. Le CO₂ émis lors de la production est capté et réinjecté dans le cycle ou stocké. « Rien ne part à la poubelle », résume Élise Watkins. « Même les sous-produits sont utilisés comme amendements agricoles. » Ce modèle attire l’attention des autorités locales. « C’est une opportunité pour redynamiser nos territoires sans sacrifier l’environnement », déclare Marcus Bell, maire de Soperton.

Un soutien public fort

Le projet bénéficie d’un soutien financier de plusieurs fonds publics américains, dont le Department of Energy et le USDA. Ces subventions, combinées à des partenariats privés — notamment avec des compagnies aériennes comme United Airlines ou British Airways — ont permis de franchir les seuils critiques d’investissement. « Sans ce soutien, nous n’aurions pas pu démarrer », admet Samartzis. « Mais nous sommes maintenant sur la voie de l’autonomie économique. »

Quel avenir pour le carburant d’aviation durable ?

Une demande mondiale en croissance

Les compagnies aériennes sont sous pression pour réduire leurs émissions. L’Union européenne, par exemple, impose désormais des quotas de SAF via la révision de la directive ReFuelEU. D’ici 2030, 37 % du carburant utilisé dans les aéroports européens devra être durable. « Les objectifs sont ambitieux, mais réalisables », estime Thomas Riegel. « Le problème, c’est la production. Il faut multiplier les usines comme celle de Soperton par dix, voire cent. »

Un modèle exportable

LanzaJet ne compte pas s’arrêter à la Géorgie. Des projets sont en cours en Europe, en Asie et au Canada. « Notre technologie est conçue pour être déployée partout », explique Samartzis. « Il suffit d’avoir une source d’éthanol et un accès aux infrastructures aéroportuaires. » En France, une étude préliminaire est menée dans la région Hauts-de-France pour évaluer la faisabilité d’une usine similaire, alimentée par les déchets agricoles du bassin céréalier.

Et les coûts ?

Le SAF reste plus cher que le kérosène fossile, environ deux à trois fois le prix. Mais les économies d’échelle et les mécanismes de taxation du carbone pourraient inverser la tendance. « Dans cinq ans, le SAF pourrait devenir compétitif », prédit Élise Watkins. Certaines compagnies, comme Air France, ont déjà intégré le SAF dans leurs vols long-courriers, même si ce n’est encore qu’à hauteur de 2 %. « C’est un début », reconnaît le directeur environnement de la compagnie, consulté lors d’un forum aérien à Genève.

A retenir

Qu’est-ce que le SAF de LanzaJet ?

Le carburant d’aviation durable (SAF) de LanzaJet est produit à partir d’éthanol transformé via une technologie brevetée. Il peut être utilisé dans les avions actuels sans modification et réduit jusqu’à 95 % certaines émissions polluantes.

Pourquoi l’usine de Soperton est-elle importante ?

C’est la première usine commerciale aux États-Unis dédiée à ce type de SAF à base d’éthanol. Elle symbolise le passage d’une innovation de laboratoire à une production industrielle à grande échelle, avec des retombées économiques locales et un impact environnemental mesurable.

Quelles sont les sources d’éthanol utilisées ?

LanzaJet utilise des éthanol provenant de diverses sources : déchets municipaux, résidus agricoles, canne à sucre, et même du CO₂ capté via la fermentation de gaz industriels grâce à la technologie de sa maison mère, LanzaTech.

Le SAF peut-il remplacer complètement le kérosène ?

Techniquement, oui. Le SAF est compatible à 100 % avec les moteurs d’avion actuels. Cependant, la production doit encore être massivement augmentée pour répondre à la demande mondiale, ce qui nécessite des investissements, des politiques incitatives et des partenariats industriels.

Quel est l’impact sur les émissions de l’aviation ?

Le SAF de LanzaJet permet de réduire jusqu’à 70 % les émissions de CO₂ sur l’ensemble du cycle de vie. En combinant cette réduction avec la baisse des traînées de condensation et des particules, l’impact climatique total du vol est considérablement atténué.

Quand le SAF deviendra-t-il accessible au grand public ?

Il l’est déjà, mais à petite échelle. Les passagers ne choisissent pas directement le type de carburant, mais certaines compagnies proposent des programmes de compensation incluant l’achat de SAF. À mesure que la production augmentera, le SAF deviendra progressivement la norme, sans que les voyageurs aient à changer leurs habitudes.

Anita

Recent Posts

La génération Z réinvente l’âge adulte en 2025 : ce que cela change pour le monde du travail

La génération Z réinvente l'âge adulte en privilégiant santé mentale, famille et authenticité. Leur vision…

12 heures ago

Max a restitué sa Tesla Model 3 en LOA sans frais en 2025 : voici comment il a fait

Max a restitué sa Tesla Model 3 en LOA sans frais grâce à une préparation…

12 heures ago

Des vendeurs revendent des vêtements neufs comme d’occasion sur Vinted : la supercherie qui prend de l’ampleur en 2025

Des vendeurs achètent des vêtements neufs sur Shein ou Temu pour les revendre comme d'occasion…

12 heures ago

Un tunnel sous le détroit de Gibraltar pour relier l’Europe et l’Afrique d’ici 2025 : ce que cela change pour le Maroc et l’Espagne

Un tunnel sous le détroit de Gibraltar pour relier l'Europe et l'Afrique ? Ce projet…

12 heures ago

Six hélicoptères pour explorer Mars : la mission Skyfall dévoilée pour 2025

La mission Skyfall, portée par la NASA et AeroVironment, déploiera six hélicoptères sur Mars dès…

12 heures ago

Une nouvelle méthode britannique rend les robots capables de manipuler des objets fragiles comme les humains, une révolution pour l’automatisation en 2025

Des ingénieurs britanniques développent une méthode bio-inspirée permettant aux robots de prévenir le glissement d'objets…

12 heures ago