Vietnam Amende Casquette 2800 Euros
Vos baskets neufs claquent sur le sol de l’aéroport de Hô Chi Minh-Ville, dans ce hall que beaucoup de Français nomment encore « Saigon ». Tout va vite : air saturé de parfums d’épices et de bruits métalliques des trolley. En vacances, on sourit, on envoie un SMS au retour. Pourtant sur le quai de contrôle douanier, un agent se fige devant votre casquette rouge recouverte d’un écusson vaguement militaire. Un hélicoptère stylisé y plane au-dessus d’une citation en anglais : « Ride of the Valkyries ». Vous n’avez même pas remarqué que ces mots renvoient au film Apocalypse Now. Deux minutes plus tard, votre passeport est confisqué et l’agent pointe une amende de 70 millions de dông, pliant l’équivalent de 2 800 euros sur la tablette en Plexiglas. Le rêve de vacances devient une formalité deux fois plus chère que votre billet d’avion. Comment en arrive-t-on à une saisie aussi sèche pour un simple couvre-chef ?
Le Vietnam est une photo ancienne dont les couleurs ont jauni, un album familial où chaque maison possède encore un grand-père ou une grand-mère parti « au front ». Entre 1955 et 1975, ce territoire long et menu comme un ruban de rizières absorbé seize millions de tonnes de bombes, trois fois plus que la Seconde Guerre mondiale. Quand on naît ici, la guerre n’est pas un blockbuster hollywoodien ; c’est une voix chevrotante qui raconte sous un papayer comment la maison familiale a brillé toute une nuit après un napalm. Alors, quand un touriste porte un t-shirt où un lourd hélicoptère fait « boom » en dessin tout mignon, il déclenche une réelle onde de choc.
Dans les rayons des aéroports et les rues du vieux quartier, les douanes ont dressé une liste visuelle que tout visiteur devrait graver derrière les yeux : casquette ou sweat arborant une étoile rouge, fusil stylisé, silhouette d’un pilote de l’armée américaine, ou même un smiley qui lèche un drapeau coupé en deux. Aucun texte n’est nécessaire : l’image suffit. La seule présence d’un soleil couchant peint au-dessus d’un hélicoptère peut être vécue comme un doigt pointé vers la fillette de 1972 courant nue sur la route, brûlée au napalm. C’est ce que raconte Thi Bich, guide de 34 ans à Hue, lorsqu’elle raccompagne chaque matin des groupes de vacanciers : « Des fois, je ramasse un t-shirt au sol d’un pho et je lis “make war not love”, je le retourne aussitôt. Pour nous, ce message, c’est comme pisser sur les tombes de nos ancêtres. »
Les chiffres circulent entre les tabourets de cuir des salons d’attente. En janvier dernier, Louis Charpentier, pilote breton de 42 ans — ordinaire dans sa vie de Paris — est arrivé à Nôi Bai avec un vieux sac Eastpak décoré d’un patch « Air Cav ». Il affirme ne jamais avoir regardé ce qu’il y avait cousu quinze ans plus tôt sur un marché aux puces. L’agent de douane lui a épinglé la fourrières. Dix heures plus tard, après négociation, il signe une amende de 62 millions de dông, sa carte bleue à sec avant d’être remboursé par son assurance voyage. « Je me suis senti nul, confie-t-il par texto sur le départ de retour. Comme un gamin pris en train d’envoyer des doigts d’honneur à un ancien soldat. »
Dans l’impasse des Bouquets, à Hanoï, Heinrich Kohler, Allemand de 28 ans auteur d’un blog très suivi sur les road-trips, trébuche sur cette histoire. Il porte un débardeur très « normcore » gris chiné, mais au dos en lettres gothiques : « Vietnam War 1965 ». Aussitôt, une marchande de potages voisine l’aborde gentiment, lui offre du thé et explique : « Mon père a 72 ans, il n’a plus de bras depuis la guerre. Il suffit qu’il voie votre dos pour revenir dans un tunnel. » Le lendemain, Heinrich couvre son t-shirt d’un plaid local et promet de le jeter avant de repartir. « Cette femme m’a parlé avec un calme incroyable, mais j’ai vu des larmes. »
Le Vietnam a officialisé en 2020 une circulaire du ministère de la Culture. Texte juridique au nom savant : « Règles de comportement pour le respect de l’histoire nationale. » Trois articles obscurs abondent en amendes dites « administratives » : porter ou afficher des symboles, slogans, images pouvant « nuire au sentiment national » est punissable de 10 à 70 millions de dông. Point important : elle s’applique sur tout le territoire, aéroports, marchés, rues, plages comme temples. Et elle est automatique. L’agent ne pèse pas votre intention, seule son interprétation compte.
En 2019, la marque néerlandaise Kilo Occident sortait une collection « Field Trip » où des silhouettes d’hélicoptères se mêlaient à des palmiers. Les photos de campagnes se prenaient à Phuket ou Bali ; pas une référence directe au Vietnam. Pourtant, la combinaison des deux éléments — armes et esthétique tropicale — suffisait déjà au pays pour que des représentants de l’association des anciens combattants organisent une conférence début 2020 pour « rappeler la dignité des victimes ». Le stock a été retiré en Asie du Sud-Est sans bruit officiel ; quelques exemplaires rampent encore sur les ventes en ligne européennes.
Privilégie les vêtements unis, les teintes pastels, motifs floraux minimalistes. Personne n’a jamais été interpellé pour un chemisier beige.
Demandez à un ami vietnamien ou à un vietnamophone sur un groupe Facebook de regarder vos habits. Lorsque Thao Nguyen, Infographiste lyonnaise de 31 ans, hésite sur un sweat vintage « Ride for Freedom », elle demande à sa colocataire Linh, originaire de Da Nang. La réponse tombe en trois phrases : « Le fusil caricaturé sur l’épaule fait peur. C’est marqué “retour triomphant”. Change de sweat ou achète devant là-bas. »
Certains touristes exagèrent dans l’autre sens, affublés de masques Hello Kitty et de maillot floqué « I Love Vietnam ». Le biococo tape-à-l’œil n’est pas requis : rester sobre marche très bien.
On imagine le gros routard amoureux de la jungle. Erreur. Parmi les douze cas réellement répertoriés par l’Association Française des Agences de Voyages en 2023, on trouve des cadres parisiens, des influenceurs belges, ou des étudiants en design de mode. Leur point commun ? Ils ont 25-40 ans, excellent anglais, parlent des codes « streetwear » sans se douter qu’à 10 000 kilomètres, ces codes deviennent des insultes.
Tout ce qui rappelle la guerre du Vietnam : insignes, avions, étiquettes comme « Bone yard », « Air Cav », ou même des smileys portant des casques d’armée.
Oui. Français, Allemands, Canadiens ou Singapouriens, aucune dispense.
L’origine importe peu. Une veste H&M ou Zara illustrant un bombardier passe le cap, elle est tout aussi prohibée qu’un patch artisanal.
Consultez l’ambassade de France à Hanoï ou la page Facebook « Conseils aux voyageurs » sur laquelle sont listés les tissus à éviter.
Survêtements sans manche dans les temples, tenues trop courtes dans des zones administratives, tout ce qui ressemble à un uniforme militaire local est également passible d’amende.
Une vacance, c’est un échange silencieux entre vos crampons et la terre d’un autre. Chaque pas peut déposer une empreinte tendre ou une empreinte brutale. Mettre une casquette fleurie plutôt qu’un bouchon de collectionneur, c’est accepter que la mémoire collective d’autrui pèse autant que votre confort personnel. Dans la file des contrôles, aucune déclaration n’est plus courte que celle-ci : « Je respecte votre histoire. » Si chacun répète cette phrase en choix de vêtements, l’embarquement repartira détendu, sans amende, ni larmes.
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